Pourquoi ne pas soutenir et tenir des cafés littéraires un peu partout dans le pays? Pourquoi un tel acharnement? se demandent plusieurs présents au rassemblement d'Oran. «Libérez la culture à Aokas», «Solidarité avec Aokas». Tels ont été les slogans principaux exhibés lors du rassemblement pacifique organisé hier par la société civile au chef-lieu de la wilaya d'Oran, très précisément devant l'entrée principale du Théâtre régional Abdelkader Alloula. Des journalistes, adhérents et cadres du mouvement associatif, des professeurs de l'université, des militants de plusieurs partis, notamment du PST et du MDS, des étudiants ainsi que des membres de la société civile ont, pendant près d'une trentaine de minutes, eu leur mot à dire en réprouvant, de fond en comble, l'interdiction qui a marqué, récemment, la tenue de la conférence de Ramdane Achab dans la commune d'Aokas, localité située à l'est de la wilaya de Béjaïa. Tel qu'il fallait s'y attendre, le rassemblement d'hier a été pacifique et loin d'être incivique comme le pensent certains et certaines ayant une overdose supplémentaire de cynisme en traitant les manifestants de tous les noms d'oiseaux. Le rassemblement d'Oran est une action de solidarité de l'intelligentsia d'Oran vis-à-vis de la population d'Aokas qui a fait l'objet d'une interdiction policière quant à tenir une conférence littéraire organisée récemment par le café littéraire de la commune d'Aokas. Selon plusieurs participants au mouvement d'Oran, l'empêchement de la conférence d'Aokas n'a pas lieu d'exister étant donné que celle-ci ouvre les portes sur la littérature sans plus. Pourquoi donc interdire une telle action d'autant qu'elle porte dans ses dimensions la promotion de l'esprit créatif et littéraire? Pourquoi ne pas soutenir et tenir des cafés littéraires un peu partout dans le pays? Pourquoi un tel acharnement policier contre une population qui a affiché sa hargne pour le savoir et la culture sans plus? se demandent plusieurs participants au rassemblement d'Oran. Pour la société civile d'Oran, le rassemblement d'hier est un témoignage de solidarité des Oranais avec leurs concitoyens qui militent à Aokas pour libérer la culture après ce qu'ils qualifient d'«annulation arbitraire et injustifiée de plusieurs conférences prévues dans le cadre du café littéraire d'Aokas». La meilleure preuve qu'ils ont affichée dans leur rencontre dénonciatrice est que les participants ont été munis de livres de tout genre pour manifester «notre soutien et notre soif de savoir, d'échange et de progrès à travers ce geste symbolique». «Il s'agit également de démontrer que la censure et les décisions liberticides touchant un citoyen dans une région du pays nous concernent tous», dira un manifestant. D'ailleurs, les manifestants ont observé une autre rencontre à la place du 1er Novembre à l'issue de laquelle ils ont décidé de se réunir incessamment pour mettre en place un outil permettant aux intellectuels d'Oran de se rencontrer officiellement et débattre des questions d'actualité. Loin d'Oran, la ville côtière d'Aokas a retrouvé son calme après avoir été marquée par des scènes de violence ayant opposé les forces de sécurité qui ont usé de bombes lacrymogènes et balles en caoutchouc et des manifestants qui ripostaient par des jets de pierres. Une réunion du comité d'organisation de la conférence a été même prévue. Celle-ci devait évaluer la situation et décider des actions à entreprendre contre l'empêchement qui a frappé le café littéraire. Plusieurs acteurs politiques dans la région ont réagi, condamnant ce qu'ils ont qualifié de «violence policière et l'introduction des policiers à l'intérieur de la salle ayant abrité la conférence de Ramdane Achab». Comme ils ont accusé les policiers d'avoir «chassé brutalement les présents tout en saccageant tous les biens de l'édifice». Le Parti socialiste des travailleurs a rendu public son communiqué affirmant: «Rien, mais absolument rien, ne peut justifier la violence aveugle qui s'est abattue sur Aokas. A la dialectique de la pensée plurielle, on oppose des balles blanches et de lacrymogène.» Le RCD a vite réagi pour sa part en diffusant un communiqué par le biais de son bureau régional de Béjaïa dans lequel il est revenu sur ce qu'il a qualifié «la répression qui s'est abattue sur la population d'Aokas». «Le pouvoir vient de nous prouver encore une fois que la violence est inscrite dans ses gênes.» Le café littéraire de Béjaïa présent en force à la conférence juge dans sa déclaration que «le pouvoir a franchi un pas très dangereux dans son acharnement à vouloir interdire toute expression citoyenne se tenant hors circuits officiels.». «Encercler le centre culturel d'Aokas par une brigade de CRS pour empêcher une association locale d'organiser des manifestations culturelles, est quelque chose d'abominable», ajoute la même source.