La Nuit du Destin... et de l'espoir a été célébrée ce mercredi, à Riad El-Feth dans le recueillement et la sérénité les plus complets, en hommage aux victimes des inondations. A l'occasion du 27e jour du mois de Ramadan, appelé communément la Nuit du destin... et de l'espoir ! (leylat el Kadr ou l'fal), une soirée conviviale a été organisée à l'Office Riad El-Feth plus précisément au niveau du centre des Arts (à l'extérieur, en face de la salle Ibn-Zeydoun), par la boîte Imagiq qui est dirigée par Hacène Alimazighi. Avant d'écouter l'écrivain Kaddour M'Hamsadji nous parler de la boûqala, le thème baptismal de la soirée, place d'abord à la chanson comme prélude pour entamer cette nuitée ramadanesque. C'est de la musique typiquement algéroise, des fêtes de mariage, qui est distillée au départ au public, histoire de mettre un peu d'ambiance, tout en finissant de régler la sono, avant que la troupe polyphonique Nagham ne se mette sur scène. Dirigée par M.Rabah Kadem, son chef de choeur, la troupe enchantera le public par des morceaux choisis, tirés du répertoire musical universel aussi bien classique que moderne (la familia Digomor, O'happy day, la Kokaracha...) de la musique arabo-musulmane avec notamment ce morceau bien entraînant : Ya nass djaart li el gharaib sans oublier du m'dih, louant le prophète Mohamed, Rassoul El Lah et du chaâbi avec Ya Rayeh du regretté Dahmane El-Harrachi... La troupe ouvrira, par ailleurs, le bal, vers 21 h, par le traditionnel titre, Salem alikoum de Youcef Boukella, un titre qui fait désormais partie intégrante de leur rituel musical. Une jeune animatrice de radio El-Bahdja s'employait à faire le lien entre l'assistance, pas très nombreuse, et les invités de la soirée. A commencer par Kaddour M'Hamsadji, connu pour son riche savoir en matière de traditions populaires et son attachement à nos us et coutumes. Qui d'autre mieux que lui, en effet, pouvait nous renseigner sur cette fameuse bouqâla, lui qui vient de publier un ouvrage intitulé justement et tout simplement La bouqâla. Un terme qui désigne, en fait, un court poème dans le jeu de la bouqâla (d'où le nom). Ce poème comprend généralement quatre à six vers, exceptionnellement un vers, deux, neuf ou onze. Ces textes n'ont aucun lien entre eux, si ce n'est leur poésie résultant d'un charme, car ils sont tous improvisés et transmis oralement. Résultant aussi d'un rythme et d'une harmonie car ils sont illuminés d'images et emplis, enfin, de sonorités et d'une puissance de suggestion, qui souligne l'intensité des actes de la pensée les ayant conçus. Et toute la poésie de ces textes est précisément dans cette absolue création où dominent tendresse et passion, naïveté et sensibilité plus que la rigueur de la pensée. Vieille de plusieurs siècles, cette tradition sociale qu'est la bouqâla est restée bien ancrée dans nos moeurs et a eu la chance de survivre, car elle se transmet oralement, mais de façon mitigée car elle ne refait surface qu'au mois de Ramadan et même là, elle accuse une certaine perte de vitesse. Après nous avoir expliqué ce qu'est la bouqâla, Kaddour M'Hamsadji nous révèlera l'origine de ce jeu qui procède, selon lui, de quelques régions d'Algérie «C'est une spécificité typiquement algérienne qui est apparue à l'époque des corsaires, au 16e siècle à Cherchell, Béjaïa, Dellys... s'est propagée et est devenue célèbre notamment à Blida, Miliana...» La bouqâla, selon M'Hamsadji, requiert un langage particulier, une grammaire adéquate pour ne pas écorcher les syllabes ou casser le rythme de l'orthographe. C'est pourquoi, la parole était donnée au public qui se plaisait à lire ces «bouâqels» et à M.M'Hamsadji de juger de la bonne diction de ces lectures. Le mot «Akd» du verbe nouer provient, fait-il remarquer, de cette vieille tradition qu'avaient les jeunes filles de nouer la ceinture de leurs robes... Nonobstant le public qui s'est bien débrouillé, la voix caressante de «la bien-aimée» Aïda nous a également subjugués par la manière et l'accent qu'elle déposait sur chaque vers - constitué en général de dix-huit, dix ou douze pieds - ceci est en ce qui concerne leur métrique. Les textes gardent toutefois la même qualité des syllabes qui maintient le rythme. Entre autres invités surprise qui tenteront d'égayer la soirée, on peut citer notre grand chanteur kabyle Djamel Alam, le groupe MBS, célèbre par son tube Houmti l'Hussein Dey. Notons que la totalité de la vente des billets sera reversée à une association caritative qui se chargera à son tour de la remettre aux sinistrés des communes de Bab El-Oued et Oued Koriche. Une tombola a été également organisée à l'issue de laquelle les heureux gagnants se sont vu offrir des tableaux des généreux artistes peintres tels Arezki Larbi, A.Aïdoud, F.Benya, Arslane, Réda Cheïkh El Bled, Mohamed Sahraoui «Momo». D'autres ont bénéficié d'un séjour en Grèce pour deux personnes offert par l'agence Dam Tour et un week-end pour deux personnes à l'hôtel El Djazaïr, etc. La bouqâla tire son essence du patrimoine culturel national et constitue, par conséquent, une des charges symboliques représentatives de la société algérienne. C'est pourquoi, elle aurait gagné à être mieux fêtée. Même si le froid n'a pas eu raison de cette petite assemblée, et en dépit de toutes les bonnes volontés affichées par les organisateurs, la soirée devant célébrer le 27e jour du mois de Ramadan n'a pas tenu toutes ses promesses car elle laissera comme une nette impression que le temps des belles soirées ramadanesques qui d'antan faisaient la fierté des qaâdates algéroises est bel et bien révolu. Même la magie du «sidna Ramdan» a nettement régressé, presque disparu. Il est vrai que l'heure est au recueillement, mais il faut dire également que les temps ont changé...