Le roi Abdallah de Jordanie accueilli hier à Ramallah en Cisjordanie occupée par le président palestinien Mahmoud Abbas Le roi Abdallah II de Jordanie a entamé hier sa première visite depuis cinq ans au président palestinien Mahmoud Abbas à Ramallah, sous le signe de tensions avec Israël et de l'inquiétude devant l'inaction américaine dans l'effort de paix. Pour la première fois depuis un bref séjour à Ramallah en décembre 2012, c'est le souverain hachémite qui a effectué le court déplacement jusqu'en Cisjordanie occupée, et non pas le «raïs» palestinien qui a parcouru les 70 kilomètres jusqu'à Amman. Accueilli par M. Abbas à sa descente d'hélicoptère dans la cour du palais présidentiel palestinien, le roi s'est ensuite retiré avec lui. La Jordanie est un acteur incontournable du conflit israélo-palestinien: soutien des Palestiniens, seul pays arabe avec l'Egypte à avoir fait la paix avec Israël, gardien historique de l'esplanade des Mosquées à Jérusalem-Est occupée, interlocuteur respecté des administrations américaines. La visite d'Abdallah II intervient moins de deux semaines après un nouvel accès de fièvre autour de l'ultra-sensible esplanade, avec des affrontements quasiment quotidiens entre fidèles palestiniens et forces israéliennes. Les tensions provoquées par la crise autour de l'esplanade, symbole national et religieux intangible pour les Palestiniens, ont encore été accentuées entre la Jordanie et Israël par un incident meurtrier survenu le 23 juillet dans l'enceinte de l'ambassade d'Israël à Amman, où un agent de sécurité israélien a tué deux Jordaniens. Les violences se sont dissipées à Jérusalem-Est occupée quand le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a battu en retraite et renoncé à installer de nouveaux dispositifs de sécurité autour de l'esplanade. Ces mesures avaient été perçues par les Palestiniens comme un empiètement israélien supplémentaire sur le troisième lieu saint de l'islam. L'esplanade se situe à Jérusalem-Est occupée. Si la Jordanie, maîtresse des lieux jusqu'en 1967, en conserve la garde en vertu de l'accord de paix de 1994 avec Israël, ce dernier en contrôle tous les accès. Les promesses israéliennes de faire la lumière sur les évènements de l'ambassade, consécutifs à une agression selon les autorités israéliennes, n'ont pas dissipé le ressentiment jordanien, exacerbé par l'accueil chaleureux fait par M. Netanyahu au tireur à son retour en Israël. Environ la moitié de la population jordanienne (9,5 millions de personnes) est d'origine palestinienne. Comme les Jordaniens, le roi est «en colère contre les Israéliens, qui sont allés trop loin dans les torts causés aux relations avec les Palestiniens et les Jordaniens», dit l'analyste palestinien Abdel Majid Sweilem. La présence d'Abdallah II à Ramallah au côté des Palestiniens qui revendiquent d'avoir victorieusement défendu l'esplanade viserait ainsi à rappeler le statut jordanien de gardien du site. «Sans la garde exercée par le royaume hachémite et sans la ténacité des habitants de Jérusalem, on aurait perdu les lieux saints il y a bien longtemps», a-t-il dit avant sa visite selon l'agence officielle jordanienne Petra, «notre réussite réclame une position unie de notre part avec nos frères palestiniens». Pour Samir Awad, professeur de sciences politiques palestinien, «le message de cette visite, c'est aussi que (le roi) veut contribuer aux efforts pour sortir le président Abbas de son isolement». Ce dernier, dit-il, est coincé en Cisjordanie: le président palestinien a suspendu la stratégique coopération sécuritaire avec Israël pendant la crise de l'esplanade. Sans coordination, M. Abbas ne peut sortir de Cisjordanie, qu'Israël occupe depuis 1967 et dont il contrôle toutes les frontières. Confiné à la Cisjordanie, M. Abbas est aussi confronté à la paralysie de l'effort de paix et au danger de voir, à 82 ans, s'éloigner chaque jour davantage la création d'un Etat palestinien indépendant, le combat de sa vie. L'avènement de Donald Trump avait donné à certains Palestiniens le bref espoir qu'une approche non-conventionnelle les sortirait de l'impasse. Jared Kushner, conseiller de M. Trump, vient d'affirmer dans un enregistrement publié la semaine passée par la presse américaine, qu'il n'y avait «peut-être pas de solution» au conflit. Pour certains dirigeants palestiniens, M. Kushner, chargé de superviser l'action américaine sur le sujet, s'est «disqualifié». Après avoir ménagé l'administration américaine, les responsables palestiniens commencent à se lâcher. Parmi eux, Saëb Erakat a vivement critiqué le «silence» de l'administration américaine sur la colonisation israélienne et son absence de soutien à la solution à deux Etats. Le souverain jordanien a paru faire écho à ces propos. Le processus de paix n'avancera pas sans engagement américain à soutenir une solution à la question palestinienne, a-t-il dit avant sa visite selon Petra.