Si les députés sud-africains votaient (hier) la défiance contre le président Jacob Zuma, il sera contraint immédiatement de démissionner, ainsi que son gouvernement, un scénario qui risque de déchirer un peu plus le parti au pouvoir, à deux ans des élections générales. La démission du président suite à une motion de défiance serait une première dans l'histoire de la jeune démocratie sud-africaine, dont l'avènement coïncide avec la fin officielle de l'apartheid en 1994. Selon la Constitution, en cas de démission du chef de l'Etat, le président du Parlement prend les rênes du pays. Et dans un délai maximum de 30 jours, le Parlement doit élire un nouveau président issu de ses rangs. Le nouveau président serait à coup sûr membre du Congrès national africain (ANC), le parti disposant de la majorité absolue des sièges au Parlement. Mais la formation de feu Nelson Mandela pourrait se déchirer sur le nom du successeur de Jacob Zuma, prédisent les observateurs. L'ANC est déjà en proie à une guerre de succession en vue de la fin du dernier mandat présidentiel de M. Zuma en 2019 et de l'élection en décembre 2017 de son nouveau leader. Le parti est divisé entre pro-Zuma et réformistes qui se présentent comme des pourfendeurs de la corruption. Selon les analystes, nombre de députés pourraient soutenir l'actuel vice-président sud-africain Cyril Ramaphosa, tandis que la direction du parti pourrait défendre la candidature de l'actuelle présidente du Parlement Baleka Mbete, habituellement loyale à Jacob Zuma. L'ancienne épouse du chef de l'Etat, Nkosazaba Dlamini-Zuma, présentée comme la principale rivale de Cyril Ramaphosa pour la direction de l'ANC, est pour le moment hors course pour la présidence sud-africaine: elle n'est pas éligible car elle n'est pas députée. «L'adoption d'une motion de défiance pourrait créer le chaos au sein de l'ANC», estime l'expert en droit constitutionnel Pierre de Vos dans le quotidien sud-africain en ligne Daily Maverick. Des divisions entre les députés et la direction du parti «pourraient conduire à l'instabilité et même une guerre ouverte», ajoute-t-il. Pour assurer la victoire de son candidat, la direction de l'ANC pourrait être tentée de remplacer des députés favorables à Cyril Ramaphosa par des membres qui lui sont loyaux. «Les députés de l'ANC (visés) pourraient saisir la justice pour dénoncer leur expulsion. Une procédure qui pourrait durer des années», selon Pierre de Vos. Si Jacob Zuma est renversé (hier), «ça va être l'enfer dans le parti en prévision de la conférence» nationale de l'ANC de décembre, estime aussi Roger Southall, professeur à l'université de Witwatersrand à Johannesburg. «L'ANC serait en guerre, avec peu de chances voire aucune de se présenter uni devant les électeurs en 2019», ajoute-t-il. A l'affût, l'opposition espère que ces tensions conduisent à une défaite de l'ANC en 2019, alors que le parti dirige la vie politique depuis 1994. Depuis la chute de l'apartheid, un seul président a été contraint à la démission en Afrique du Sud, Thabo Mbeki, en 2008, Mais les circonstances de son départ forcé étaient très différentes. Thabo Mbeki avait été lâché par l'ANC qui l'avait poussé à démissionner. Il avait été remplacé par le vice-président du parti, Kgalema Motlanthe, jusqu'aux élections générales de 2009, date à laquelle Jacob Zuma lui avait succédé.