Les militants de presque tous les partis politiques ont manifesté hier à Pretoria pour demander la démission de Jacob Zuma et dénoncer la corruption du gouvernement. Au pouvoir depuis la fin officielle de l'apartheid en 1994, l'ANC a vu au fil des années son influence reculer, sur fond de chômage record et de déclin de l'économie. Moins d'une semaine après une première vague de manifestations d'ampleur dans plusieurs villes du pays auquel a participé le Prix Nobel de la paix et ancien archevêque Desmond Tutu, des dizaines de milliers de personnes se sont à nouveau rassemblées hier dans les rues de Pretoria sous le slogan de «Zuma doit tomber». Le chef de l'Etat, de plus en plus impopulaire en raison des scandales de corruption dans lesquels il est embourbé, a irrité une partie de la population en procédant à un remaniement ministériel controversé, fin mars. Le ministre des Finances, Pravin Gordhan, chantre de la lutte anticorruption et ennemi n°1 de Jacob Zuma au gouvernement a notamment été limogé. Le limogeage du ministre des Finances Pravin Gordhan, qui s'opposait à son chef au nom de la transparence de la gestion des deniers publics, a été à l'origine d'une dégradation de la note financière de l'Afrique du Sud. Le rand a aussi perdu 8% de sa valeur en l'espace de quelques heures. Ce remaniement gouvernemental a provoqué également une crise ouverte au sein de l'ANC. Plusieurs de ses responsables, le vice-président Cyril Ramaphosa en tête, ont publiquement dénoncé la décision du président de démettre Pravin Gordhan. Zuma a cependant fini par la contenir. Comme vendredi dernier, la marche d'hier était pour l'essentiel constituée de militants venus de divers horizons. En tout, neuf partis politiques et de nombreuses organisations de la société civile ont défilé dans les rues de la capitale sud-africaine pour dénoncer aussi le chômage et la corruption qui ravagent le pays. Les militants de l'Alliance démocratique (DA) et du parti et des Combattants économiques de la liberté (EFF) de Julius Malema y étaient cependant les plus nombreux. En plus de cette démonstration de force, la DA et les EFF ont déposé au Parlement une nouvelle motion de défiance contre le chef de l'Etat. Mais il y a peu de chance pour qu'elle soit votée. L'ANC qui dispose d'une confortable majorité de 249 sièges sur 400 au Parlement a promis de la rejeter. Le vote, prévu pour le 18 avril prochain, pourrait toutefois être retardé en raison d'une querelle juridique autour d'un possible vote à bulletins secrets, dont pourraient profiter les rivaux de Jacob Zuma au sein de l'ANC pour joindre leurs voix à celles de l'opposition. Toujours aussi imperturbable, M. Zuma a balayé d'un revers de main ces protestations, qu'il a qualifiées lundi de «racistes». L'accusation a été rejetée en bloc par les représentants de l'opposition qui accusent Jacob Zuma de «diviser pour mieux régner». «C'est une insulte à l'intelligence des gens», a notamment commenté le porte-parole du parti EFF. A la tête du pays depuis 2009, Jacob Zuma, qui a fêté ses 75 ans hier, doit prendre sa retraite au terme de son second mandat en 2019. Mais l'ANC désignera dès la fin de cette année celui qui le remplacera à sa tête et deviendrait président du pays en cas de victoire aux élections générales de 2019. Mais si rien ne change et surtout si rien n'est fait pour endiguer la corruption dans le pays, le parti de Mandela pourrait bien perdre le pouvoir… et pour longtemps.