Des manifestants furent agressés et poignardés. Il y a quatre ans, jour pour jour, une marée humaine affluait vers la capitale pour une grande manifestation qui avait mobilisé tout un peuple pour dire non à la répression qui s'était abattue sur la Kabylie, deux mois durant. Bref, pour une marche de l'espoir et pour une vie meilleure pour tous. Cette marche a été réprimée dans le sang. Deux journalistes ont péri accidentellement. Des manifestants furent agressés et poignardés. A l'origine de la marche, il y avait la plate-forme d'El-Kseur qui venait de voir le jour quelques jours plus tôt à El Kseur après de longs débats et des réunions marathon. La coordination interwilayas avait voté alors, une résolution portant organisation d'une marche nationale au coeur de la capitale et qui démarrerait des Pins-Maritimes pour s'ébranler vers El- Mouradia avec pour objet : remettre la plate-forme d'El Kseur à la présidence de la République. Deux millions de jeunes mobilisés, de plusieurs wilayas, se sont ainsi mis en branle pour prendre la route d'Alger. La veille, le ministère de l'Intérieur, sans exprimer une opposition de principe à la marche, annonçait avoir «négocié avec les organisateurs une modification de l'itinéraire de la marche». Aux dires de Zerhouni, l'itinéraire négocié reconduisait en somme le tracé assigné à toutes les marches, allant de la place du 1er-Mai à la place des Martyrs. Dès les premières heures de ce jeudi noir, la route Moutonnière arborera un spectacle des plus inquiétants tant le climat était bouillonnant. Les manifestants, venus de Kabylie, se verront de plus en plus réduits en nombre à mesure qu'ils progressaient vers le centre de la capitale. Des jeunes d'Amizour ont entamé une marche à pied depuis leur localité pour rejoindre, très tôt dans la matinée du 14, Alger. Les affrontements seront féroces entre marcheurs et forces de l'ordre. Les actes de vandalisme gratuits mêlés à des pillages en tout genre, emboîteront le pas aux expressions proprement politiques. Dans leur conférence de presse du samedi 16 juin, les représentants des archs alerteront l'opinion nationale et internationale quant aux contrevérités colportées autour de cette marche. Ils iront jusqu'à accuser la police d'avoir enjoint à des flics en civil de s'en prendre à des citoyens et les agresser à l'arme blanche. Dans le même temps, ils reprochent aux services de sécurité d'avoir fait montre de laxisme face aux pilleurs pour dénigrer les marcheurs, et d'avoir sciemment incité les jeunes Algérois à des actes de violence contre leurs compatriotes kabyles. L'on se rappelle de la partialité de l'Entv à l'époque, qui s'était illustrée par une couverture empreinte de contrevérités. Ce qui avait d'ailleurs conduit les archs à riposter par le non-paiement des factures d'électricité jusqu'à ce que la quote-part ENTV soit défalquée ou que cette chaîne présente ses excuses. Ce qui sera fait quatre années plus tard. Le bilan sera lourd: six morts, dont deux journalistes, plus de 300 blessés, et plus d'une centaine de disparus qui réapparaîtront quelques jours plus tard. Certains ont mis plusieurs jours avant de regagner leurs domiciles. D'autres se révèleront détenus dans des locaux de la police et soumis à des sévices corporels. La marche du 14 juin sera la dernière action populaire à être tolérée par les pouvoirs publics. Une circulaire du gouvernement interdira toute manifestation dans la capitale.