Appréhendant les actions de contestations pouvant être occasionnées par la crise d'eau, un dispositif sécuritaire rigoureux vient d'être posté dans les différents axes de la ville de Annaba. Le constat s'assimile à l'état de guerre, au vu de la situation prévalant dans toute la commune de Annaba. Faute d'alimentation en eau potable, 50% des pâtisseries et boulangeries de la ville ont baissé rideau, pénalisant les consommateurs de cette denrée de large consommation. Toilettes publiques, douches et bains publics sont fermés depuis plus de 10 jours. Des centaines de femmes, hommes et enfants des différents quartiers de la ville de Annaba, traînent bidons et jerricans vides, cherchant à s'approvisionner en eau potable de partout et nulle part. La situation semble remonter dans le temps, pour rappeler l'Algérie coloniale où les populations s'alimentaient du liquide précieux, depuis les cours d'eau, transporté à dos d'ânes. Une époque où les «saquas», sillonnaient les rues et ruelles de la ville ottomane pour vendre l'eau. Aujourd'hui, avec une poussée de modernité, les choses ont évolué dans le sens des pratiques et non dans celui des consciences et compétences. Puisque le problème hydrique auquel est confrontée Annaba est beaucoup trop complexe pour être rapidement réglé. Un fait qui ne laisse pas indifférent pour autant la population qui a mis à l'index les responsables en charge du secteur dans leur wilaya. Estimant que l'indisponibilité d'eau dans les barrages l'alimentant, Chaffia, Bougousse et Mexa en l'occurrence, n'est qu'un subterfuge pour se défaire de la responsabilité. Mieux encore, les responsables de l'ADE sont portés pour responsables de la baisse du niveau des barrages, de par l'absence de prise en charge des multiples fuites d'eau et les ruptures de canalisations, occasionnant la perte de milliards de mètres cubes d'eau. «Si les services de l'ADE avaient daigné répondre aux doléances, faisant état de fuites d'eau, dans plusieurs endroits de la ville, comme c'est le cas à Sidi Harb II, où depuis plus de 13 ans l'eau coule à flots, on n'aurait pas vécu cette crise», ont dénoncé des habitants de ce site. A la cité Pont-Blanc, cette femme avec ses deux fils, portant des jerricans vides à la recherche de l'eau s'est insurgée en lançant «cela fait deux semaines que l'on n'a pas lavé notre linge et on n'a pas pris de douche. Venez-voir l'état de la maison. Mes enfants ont repris hier l'école, j'ai dû acheter quatre fardeaux d'eau minérale pour leur faire une toilette» et d'ajouter «comme si les dépenses de l'Aïd et de la rentrée scolaire ne suffisent pas, pour que s'ajoute l'achat de l'eau». En effet, la situation est de plus en plus insoutenable, notamment avec le prix de la citerne d'eau qui a grimpé à 5000 DA. Quelques ménages sont contraints de recourir à l'achat du liquide précieux, faute de pression d'eau qui ne parvient pas aux étages supérieurs des immeubles, comme à Oued Forcha, aux 120 Logements Belaïd Belkacem et la cité Joinaula, entre autres zones de la ville de Annaba. «Habitant le 4ème étage, l'eau n'a pas coulé depuis un mois à cause de la faible pression, je veille tardivement dans l'espoir de pouvoir m'approvisionner, mais en vain», a déploré cette ménagère du Pont-Blanc. Quelles solutions? Mêmes propos retenus par d'autres, de la plaine Ouest, El Fakharine et ceux du centre-ville entre autres. De son côté, un boulanger de la rue Ben Badis, assis devant son commerce, rideau baissé, déplore la pénurie d'eau, qui selon ses propos, lui a occasionné une perte considérable «je ne pouvais plus travailler, en achetant à chaque fois une citerne d'eau pour 3000 DA. A quel prix vais-je vendre la baguette?», s'est demandé notre interlocuteur. Idem pour la pâtisserie l'Olympia, qui, jusqu'à la mise sous presse, le constat est sidérant. Seuls quelques morceaux de pain- maison sur les étals, et dire que cette pâtisserie est la plus prisée du coin! Semblable situation pour les douches et les bains publics de la ville de Annaba, fermés pour le même motif, tout autant que les sanitaires publics. Hormis les structures hospitalières, cliniques privées et le siège de la wilaya de Annaba, la crise d'eau persiste encore dans les grandes cités urbaines, entre autres, le chef-lieu de la commune de Annaba, El-Bouni et Sidi-Amar. A l'unanimité absolue, femmes, hommes et commerçants apostrophés sur la crise, leur index est pointé sur les responsables du secteur, le ministère de tutelle et les responsables de l'ADE en l'occurrence. Les populations dénigrent l'indifférence qualifiée du département de Hocine Necib, ministre des Ressources en eau qui, selon eux, n'a pas daigné effectuer une visite à Annaba qui a atteint les abysses en matière de gestion de l'eau, mais promet d'étancher la soif et irriguer les cultures depuis des barrages aux niveaux exploitables, pour ne pas dire vides... Aujourd'hui, les populations exigent qu'on leur dise la vérité. Cette dernière qui ne colle plus avec tous ces motifs n'a pas «convaincu», notamment pour une ville comme Annaba, dont le potentiel hydrique, l'a préservée d'une telle crise d'eau? Mieux encore, les deux barrages Chaffia d'une capacité de 160 millions de mètres cubes et Boughousse de 45 millions de mètres cubes sont dits à sec. Tout autant que Mexa d'une capacité de 42 millions de mètres cubes, destinés les trois à alimenter la wilaya de Annaba en eau potable; même remplis durant les fortes pluies d'hiver qu'à 75%, auraient permis même en temps de crise d'alimenter la wilaya, avec un programme d'alimentation rationalisé. Mais selon une source proche du secteur de l'ADE, dans la wilaya d'El Tarf, il est fait état du niveau élevé d'envasement. «Les trois barrages connaissent des problèmes de vase remontant à plus d'une dizaine d'années», nous dit-on. «Ces problèmes ont été minimisés par les responsables du secteur, pour ne pas dire oubliés, d'où, les conséquences directes de cette pénurie d'eau», a fait savoir la même source. Mettant en avant la crise financière, notre interlocuteur a estimé que le curage de ces barrages actuellement coûterait cher. Et l'Etat n'est pas en mesure de le prendre en charge. «Le taux élevé d'envasement des trois barrages limite leurs capacités de stockage, donc leurs durées d'exploitation», a expliqué la même source. En conclusion, ce n'est pas uniquement un problème de faible pluviométrie, mais de défaut de curage. Une urgence aux conséquences inconnues, pour ne pas dire démesurées, quand on sait l'effervescence de la population qui commence à se faire sentir, au vu des moult désagréments occasionnés aux citoyens. Le manque d'eau a fait sortir les habitants de la wilaya de Annaba, pour crier leur ras-le-bol? Ce dernier ressenti par les autorités locales de la wilaya de Annaba, comme une mise en garde contre la longue attente. Ainsi, après plusieurs journées mouvementées et où de nombreuses artères ont été fermées à la circulation par les populations en signe de mécontentement devant une situation, il faut le reconnaître, à la limite du supportable, et appréhendant d'autres actions, un dispositif sécuritaire rigoureux est mis en place depuis plus d'une semaine. La situation est maîtrisable Tous les grands axes de la ville et l'entrée nord de la wilaya sont quadrillés par les éléments sécuritaires, prêts à parer à toute éventualité. Pour l'heure, hormis quelques cas isolés dans la commune de Sidi Amar, El Bouni et Berrahal, la situation est semble-t-il maîtrisable. Par ailleurs, en attendant les prochaines pluies, et en attendant que l'eau puisse couler à nouveau dans les robinets, un programme d'urgence a été mis en place, à savoir de l'eau un jour sur quatre, pendant que les points noirs recensés seront alimentés par citernes. Dans ce sens, on rappelle que, Mohamed Salamani wali de Annaba, a instruit les administrations, les élus et les responsables de l'ADE de Annaba de prendre chacun ses responsabilités. En outre, un programme d'investissement d'urgence a été adopté à court terme à Annaba pour faire face à la pénurie d'eau potable liée à une baisse du niveau de l'eau des deux barrages de Chaffia et Mexa, principales sources d'approvisionnement en AEP de la population locale, avait annoncé Mohamed Salamani, lors d'un point de presse. Le programme consiste en la requalification de 32 forages du champ de Bouteldja, pour la mobilisation, à court terme, de 35 000 m3/jour d'eau potable et le doublement sur 22 km de la canalisation Mexa-Lehnichet pour éliminer le problème des fuites qui dilapident 60% du volume d'eau destinée à l'alimentation de la population. Le chef de l'exécutif a insisté sur la réhabilitation des deux stations de pompage de Mexa et Chaïba, le fonçage de nouveaux forages à travers la wilaya, la résolution d'urgence du problème des fuites d'eau. Pour le commis de l'Etat la première priorité pour la wilaya est l'approvisionnement de la population en eau potable. S'agissant de l'alimentation du complexe sidérurgique d'El Hadjar dont les besoins sont de l'ordre de 300 à 500 m3, l'alimentation est censée se faire à partir de la récupération des eaux des stations de levage de Boukhmira dans la localité de Sidi Salem. L'opération serait achevée et concrétisée, selon les précisions apportées par le wali de Annaba. Mais si tel est le cas, pourquoi ne pas réaliser de deux ou trois forages par le complexe pour assurer sa propre alimentation? Des projets qui seraient déjà finalisés. Pour l'heure, selon certaines informations internes au complexe d'El Hadjar, et pour faute d'approvisionnement en eau, le haut- fourneau risque d'être «mis en veille», situation compromettante pour l'entité sidérurgique qui ne s'est pas encore remise du tourbillon des contraintes techniques, liées aux différentes pannes enregistrées, depuis sa remise en activité. Notons que, l'entité sidérurgique consomme 1500 m3 par heure. Une alimentation réduite à hauteur de 400 m3/heure avant d'être suspendue. Ainsi, les deux aciéries à oxygène, actuellement approvisionnées au ralenti à partir du haut-fourneau qui puise de la propre réserve d'eau du complexe, le temps de vider la fonte, risquent d'être mises à l'arrêt, nous révèle-t-on. Dans le but d'éviter cela, des mesures d'urgence ont été décidées afin de trouver des sources d'alimentation en eau pour le complexe, dont le fonçage de forages dans la localité de Chaïba à Sidi Amar, avec aussi la possibilité de réaliser une canalisation d'approvisionnement à partir de l'oued Seybouse. Des mesures qui devront un tant soit peu éviter la mise en veille du HF, l'arrêt des ateliers névralgiques du complexe, les deux aciéries en l'occurrence et par conséquence éviter le chômage technique à quelque 4500 travailleurs, et ne pas compromettre la production qui est de 1800 tonnes d'acier liquide/J. Pour l'heure, la crise d'eau semble jeter son dévolu aussi bien sur le complexe que sur les populations, qui vivent la psychose de cette pénurie d'eau dans toutes ses dimensions.