Les présidents russe et algérien (Photo archive) La visite intervenant dans le contexte de l'après-guerre en Syrie focalise l'attention de Moscou qui trouve en Alger, un partenaire qui partage sa vision sur les conflits régionaux comme la Syrie, la Libye et l'Irak. L'arrivée du président du gouvernement de la Fédération de Russie Dmitri Medvedev aujourd'hui à Alger, une visite prévue de longue date, est un événement politique de taille aussi bien au plan national que régional. Au plan interne, cette visite officielle de deux jours, va relancer les travaux de la Commission mixte algéro-russe galvanisée par le Pacte stratégique Alger-Moscou signé en avril 2001 entre les Présidents Bouteflika et Vladimir Poutine. Moscou compte imprégner une nouvelle dynamique au partenariat économique, en témoigne l'importante délégation ministérielle qui accompagnera Dimitri Medvedev en Algérie. En réalité, ce n'est qu'un juste retour des Russes en Algérie. Alliée et partenaire sûre, la Russie a une longue histoire de collaboration avec l'Algérie, notamment entre les années 1960 et 1980. Entrecoupée par les épisodes de la chute de l'ex-Urss à la fin des années 1990, ensuite par la guerre civile en Algérie au milieu des années 1990, cette collaboration a repris de plus belle dans les années 2000. Notons au passage, que la Russie avait déjà l'habitude d'entraîner, occasionnellement, les forces antiterroristes algériennes, et qu'entre 2003 et 2012, Rosoboronexport et le complexe militaire russe ont augmenté leurs ventes de plus de 10%, faisant de l'Algérie le 3ème grand importateur d'armes russes. Une situation imposée par la conjoncture régionale. Cela ne pouvait être autrement avec l'augmentation des conflits autour de ses frontières induite par la déstabilisation de ses pays voisins, en Tunisie, au Mali, en Libye et la résurgence d'une menace terroriste sur le territoire national. C'est ce qui l'incite à augmenter sa demande d'armements dont plus de 80% proviennent de Russie. Les premiers accords post-guerre civile datent de 2001, lorsque les présidents Poutine et Bouteflika signèrent un accord d'entente stratégique. Pour de nombreux spécialistes des questions internationales, c'est cet accord qui a redonné à l'Algérie sa place prépondérante au double plan régional et international qu'elle avait perdue lors de la décennie noire. La crise libyenne Première nation musulmane et arabe à être confrontée à l'islamisme politique et à la guerre contre le terrorisme, l'Algérie a fait de la question sécuritaire une de ses priorités majeures. Dès lors, en s'établissant fermement comme le grand pays du Maghreb en lutte contre le terrorisme islamique, l'Algérie s'est forgé une réputation qui lui vaut les amitiés de Moscou d'abord, ensuite de Washington, notamment après les attaques du 11 septembre 2001. C'est ce qui fait de l'Algérie aujourd'hui, de par son expérience dans la lutte contre le terrorisme, une puissance militaire incontournable dans toute la région sahélienne et d'Afrique du Nord. Ce rôle pivot de l'Algérie, cette volonté de lutte contre le terrorisme rencontre celle de Moscou. L'autre point de convergence parfaite de la relation avec Moscou est la continuité de la politique étrangère algérienne avec une longue tradition de non-alignement. Cela d'une part, et d'autre part, la non-intervention dans les affaires internes des pays tiers ainsi que le règlement des conflits par les solutions politiques. Il faut dire que cette position amplement partagée par les deux pays a fini par leur donner raison dans tous les conflits régionaux, la guerre en Syrie, la guerre en Libye et même en Irak. La visite officielle de deux jours de Medvedev intervenant dans le contexte de l'après-guerre en Irak focalise l'attention de Moscou qui trouve en Alger, un partenaire qui partage sa vision sur les conflits régionaux comme la Syrie, la Libye et l'Irak. L'Algérie, médiateur incontournable dans la crise libyenne et la Russie, forte de son rôle dans le conflit syrien, ont décidé de soutenir toute démarche allant dans le sens du règlement politique de la crise. Foncièrement opposée à l'intervention militaire, l'Algérie ne sera qu'agréée par la solution que proposera la Russie. «Nous ne pouvons appuyer aucune solution ni entamer aucune démarche sans que nous connaissions exactement ce que veut l'Algérie», insiste un diplomate russe en poste à Alger. «Il faut se rendre à l'évidence. On ne va pas attendre indéfiniment que les partis politiques libyens parviennent à s'entendre. La Libye a besoin que la loi soit appliquée sur tout le territoire et, surtout, d'une armée forte capable d'assurer la sécurité jusqu'aux frontières. Et avec les Russes, nous avons la même vision des choses». ajoute le même diplomate. La guerre en Syrie Entrée sur le théâtre d'opérations syrien, l'armée russe entend démontrer sa capacité à honorer ses alliances régionales et à défendre ses intérêts stratégiques. En réaffirmant une coopération ancienne avec le régime de Bachar Al-Assad, le président Vladimir Poutine espère peser davantage dans la reconfiguration du Proche-Orient. C'était pour lui l'opportunité de montrer la puissance militaire russe. A l'actif de Moscou, aussi, une approche plus réaliste sur la scène internationale. On ne lâche pas ses alliés à la moindre secousse. Poutine prône un soutien franc à Bachar Al-Assad au nom de la «guerre contre le terrorisme», tranchant avec le «ni-ni» (ni Assad ni Daesh) occidental. Poutine a atteint son objectif à la fois politique et militaire. Il a sauvé le régime de Bachar El Assad et délogé les hordes de Daesh sur les territoires syriens. Alignant les succès sur la scène internationale, sous la direction de Vladimir Poutine, la Russie a enfin retrouvé son rang de grande puissance. La Russie se redresse, elle se replace sur le grand échiquier mondial. La virilité médiatisée de cet ex-agent du KGB, le judoka de haut niveau, ce «Rambo moscovite» présente l'image d'une Russie requinquée et qui a effacé l'humiliation des années 1990. Poutine signe un retour fracassant sur la scène internationale. Sans concession, il dénonce les interventions militaires de l'Otan hors mandat de l'Organisation des Nations unies (ONU). Il rappelait que «la Charte de l'ONU est l'unique mécanisme d'adoption de décisions sur l'emploi de la force en tant que dernier recours» et que «les actions unilatérales, souvent illégitimes, n'ont réglé aucun problème». L'autre pilier de la relation russo-algérienne est l'entente énergétique. Si Moscou et Alger ont d'apparence privilégié le secteur de l'armement, les deux pays mènent une bataille secrète et commune dans le domaine énergique en surfant sur cette dynamique entretenue grâce au commerce des armes. Dans un entretien à l'APS Dmitri Medvedev cite le secteur énergétique nucléaire, l'extraction de ressources minières. Deux domaines qui feront trembler bien des nations. Annonciatrice d'une nouvelle dynamique, cette visite qui succède à la tenue d la 8e session de la Commission mixte de coopération en septembre dernier, va consolider les rapports de force régionaux. Les relations entre Alger et Moscou, c'est toute une histoire...