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La Centrafrique peine à se relever
FACE AUX VIOLENCES
Publié dans L'Expression le 22 - 10 - 2017

Minée par les affrontements entre groupes armés depuis 2013, la Centrafrique est de nouveau prise dans une spirale de violences depuis quelques mois, au point d'hypothéquer une lente et difficile reconstruction à peine entamée.
«Le chantier est vaste, mais je suis optimiste», veut croire le ministre de l'Intérieur fraîchement nommé, Henri Wanzet-Linguissara, à Bangui. Depuis 2013 et le renversement du président François Bozizé, les tentatives ont été nombreuses pour sortir le pays de la crise: intervention de la France (Sangaris, 2013-2016), des Nations unies (Minusca, 12 500 hommes depuis 2014), avalanches de sommets et forums, médiations internationales... Mais, à la veille de la venue du Secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres le 24 octobre, force est de constater que la Centrafrique ne relève pas la tête: l'Etat peine à asseoir son autorité passés les faubourgs de la capitale Bangui, et les morts civils, des centaines depuis le début de l'année, ne cessent de s'accumuler dans le pays. Les provinces connaissent depuis mai une flambée de violences, au sud-est, centre, et nord-ouest notamment. «Il ne faut pas se voiler la face: la situation est grave», a reconnu récemment Adama Dieng, conseiller spécial de l'ONU pour la prévention du génocide, venu en RCA pour enquêter sur les «signes avant-coureurs» de génocide dont avait parlé un haut responsable onusien, fin août. L'élection de Faustin-Archange Touadéra en 2016, après une présidence de transition post-crise de 2013, avait pourtant suscité une vague d'espoir: soutenu par l'ONU et la France, le scrutin représentait un nouveau départ, avec en maîtres mots justice pour les crimes commis et restauration de l'autorité de l'Etat. «L'échec est retentissant», estime un an plus tard un diplomate occidental. Accusé de passivité par de nombreux détracteurs, le président Touadéra, professeur de formation, a adopté une stratégie de contentement général, quitte à ne satisfaire personne. Mi-septembre, il a ainsi inclu des représentants des principaux groupes armés au gouvernement, malgré sa volonté martelée à maintes reprises de mettre en place une «justice implacable». «C'est le prix à payer pour la paix», soupire un autre membre du gouvernement, sous couvert d'anonymat. Cette «ouverture» aux groupes armés a laissé pantois à Bangui: «ça envoie un signal dangereux que la violence peut être récompensée», note Nathalia Dukhan, chercheuse au think-thank Enough Project. Ces groupes armés, une quinzaine recensés, combattent sans relâche pour le contrôle des ressources naturelles et la conquête du gâteau politique. L'opposition entre la coalition pro-musulmane de l'ex-Séléka et les milices anti-balaka - prétendant défendre les chrétiens -, héritée de la crise de 2013, ne prévaut plus vraiment: des chrétiens combattent aujourd'hui aux côtés de musulmans dans certaines parties du pays, et certains chefs anti-balaka sont de confession musulmane. Quelques groupes armés ont bien accepté le programme onusien de désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR), présenté comme l'indispensable stratégie de sortie de crise, mais celui-ci, entamé en septembre, commence à peine et reste fragile. Dans de nombreuses villes, malgré la présence de Casques bleus, des jeunes ont encore une machette sous le siège de la moto, quand ce n'est pas une kalachnikov en bandoulière. «Ils ont tué mon père, ma mère et mon frère. Comment voulez-vous que je reprenne une vie comme avant?», s'interroge Thierry, l'un de ces jeunes. Dans une société profondément divisée, Bangui, avec l'appui de la communauté internationale, cherche à remettre d'aplomb ses piliers régaliens, censés être des phares dans la tourmente sécuritaire. L'Europe et la France forment l'armée nationale, et une Cour pénale spéciale (CPS), chargée de juger les crimes commis dans le pays depuis 2003, a été créée. Mais les soldats centrafricains formés n'ont toujours que très peu d'armes, en raison de l'embargo instauré en 2013 par l'ONU, et la CPS n'est pas encore opérationnelle. «C'est un pays sous perfusion internationale», juge le patron d'une ONG sur place.

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