L'intérêt suprême du pays avant tout Beaucoup d'eau a coulé sous les ponts. L'Algérie des années 90 n'est pas celle de 2017. Républicaine et démocrate, l'Algérie ne peut pas tomber à nouveau sous le diktat des baïonnettes. C'est ce rappel à l'ordre que le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, a tenu à faire passer dans son message fort, adressé au peuple à l'occasion du 63ème anniversaire de la commémoration de la guerre d'indépendance. Décidé à mettre le holà aux appels à un «putsch» et à l'intervention de l'armée pour accompagner une transition politique, le chef de l'Etat a rappelé que l'Armée est une «institution républicaine (qui) doit être tenue à l'abri de surenchères et des ambitions politiciennes». D'un ton grave, ressenti à travers les termes choisis, le premier magistrat du pays, ministre de la Défense nationale et chef suprême des armées, appose donc son niet à toute intervention de l'armée, non sans rappeler que «l'ère des périodes de transition est révolue en Algérie dont les institutions politiques ont été sauvegardées au prix de dizaines de milliers de martyrs du devoir national. Le pouvoir se conquiert désormais, aux échéances prévues par la Constitution, auprès du peuple souverain qui l'attribue par la voie des urnes, à la lumière de programmes concrets qui lui seront proposés». Le président met donc les points sur les «i» et rappelle à ceux qui semblent l'avoir oublié que la République «est bien solide avec ses institutions constitutionnelles élues et réélues toutes les cinq années, dans le cadre de règles transparentes, qui sont l'objet d'une modernisation continue». A ces derniers, il propose de se soumettre au verdict de l'urne et à la volonté du peuple. Une option évidente dans une démocratie. Pourquoi donc, ceux qui appellent au «putsch» aspirent-ils à se faire propulser au pouvoir sur le dos des chars et ne recourent-ils pas à la voie légale de la démocratie? La seule raison évidente est que ces derniers n'ont pas la base populaire nécessaire leur permettant d'arriver au Palais d'El Mouradia. Sinon, pourquoi faire appel à l'armée? L'ère des transitions est révolue a dit le chef de l'Etat laissant entendre que le temps n'est plus aux coups d'Etat. Ce qui est vrai à plus d'un titre. Faut-il rappeler qu'au sommet d'Alger de l'Organisation de l'unité africaine (OUA), en 1999, les dirigeants africains avaient déclaré officiellement et la première fois que les coups d'Etat ne seraient plus tolérés. Un an plus tard, au sommet du Togo, le Secrétariat de l'OUA a présenté un projet de texte qui a été adopté sous le nom de Déclaration de Lomé. Le document entreprenait de définir la manière de réagir aux changements anticonstitutionnels de gouvernement. Vingt ans après que l'Union africaine (UA) ait fait de cette question son cheval de bataille, en Algérie, des opposants en sont encore à vouloir prendre le pouvoir par les armes. Et quelles armes? Celles d'une armée régulière d'une République démocratique. Boukrouh, ancien ministre et fondateur du PRA ou encore les trois personnalités, à savoir Ali Yahia Abdennour, Ahmed Taleb-Ibrahimi et le général à la retraite Rachid Benyellès ainsi que quelques médias non désintéressés (faut-il rappeler à ce propos les révélations toutes récentes de l'ex- Premier ministre et ex-chef de la diplomatie qatarie, Hamad bin al-Jassem al Thani qui dans un entretien accordé à BBC, a reconnu que le Qatar a mené une guerre médiatique forcenée pour ternir l'image de l'Algérie via quelques médias dont Al Magharibia et Al Jazeera), occupent la première ligne de ceux qui appellent au changement par l'émeute et l'intervention militaire. Dans leurs messages, ayant créé dernièrement la polémique, ces opposants ont estimé que l'Armée «est devenue sous la chefferie du général de coprs d'armée Gaïd Salah l'armée du Président (...)» ou encore qu'elle devait «se démarquer de manière convaincante du groupe qui s'est emparé indûment du pouvoir». Il y a lieu de citer également la dernière déclaration du président du Mouvement de la société pour la paix (MSP), Abdelmadjid Menasra. Ce dernier s'est dit convaincu que «l'armée, qui a hérité du pouvoir depuis 1962, sera encore là pour choisir le successeur de Bouteflika». A ces appels et ces allusions donnant à l'ANP un rôle autre que celui de défendre l'intégrité territoriale, le général de corps d'armée Ahmed Gaïd Salah, a répondu sèchement. «(...) L'ANP demeurera, comme j'ai tant veillé à le répéter, une armée républicaine, engagée à défendre la souveraineté nationale et l'intégrité territoriale du pays, protégeant l'indépendance» a répété le général de corps d'armée Gaïd Salah lors d'un de ses discours ne manquant pas l'occasion de rappeler à chaque fois que «Son Excellence Monsieur le Président de la République (est le) Chef suprême des Forces armées, ministre de la Défense nationale». En clair, il ne faut pas s'attendre à ce que l'ANP joue le jeu de l'opposition en orchestrant la destitution du président Abdelaziz Bouteflika. Les amateurs des coups d'Etat et de l'intervention militaire ont eu clairement la réponse de Ahmed Gaïd Salah. Et il est à se demander comment des personnes qui se disent «démocrates» en arrivent à appeler au putsch et à l'insurrection? La démocratie peut-elle naître à la suite d'un putsch? Cette «étrange» démarche est-elle dans l'intérêt du pays? Peut-on appeler à renouer avec la violence après plus de 200.000 morts? Est-ce là l'aspiration du peuple algérien? L'appel au peuple pour occuper la rue risque de mener le pays vers le chaos, comme a averti, dernièrement, Louisa Hanoune, la secrétaire générale du Parti des travailleurs (PT) dont le patriotisme et l'engagement politique ne sont pas à prouver. Elle a clairement pris position contre «toute initiative qui peut déstabiliser le pays ou ouvrir la porte à l'ingérence étrangère». Par cette position, Louisa Hanoune ne fait qu'exprimer le souhait du citoyen algérien qui est loin de vouloir une démocratie sur fonds de violence. Ce refus, le peuple l'a déjà exprimé clairement en restant à l'écart des révolutions arabes. Le peuple qui attend des réponses à ses préoccupations quotidiennes, n'est pas aussi dupe et ne peut être manipulé. En choisissant de préserver la réconciliation qu'il a librement choisie et adoptée en 2005, le peuple dit clairement à tous ceux qui l'appellent à se soulever, qu'ils ne sont pas les dépositaires de sa conscience. Il affirme par là également qu'il n'a pas besoin de tuteurs obnubilés par la course aux postes de responsabilité et qui, lorsqu'ils se voient isolés, en appellent au chaos. Hier, c'était au tour de celui qui est, actuellement, le dépositaire de la confiance populaire, à savoir le président élu, Abdelaziz Bouteflika, de faire une mise en garde sérieuse à ceux dont les ambitions politiciennes semblent faire oublier l'essentiel: l'intérêt suprême du pays.