L'arrestation d'un ressortissant français combattant dans les rangs d'Al-Qaîda dans la région de Khost a mis au jour l'existence de «80 à 100» Français aux côtés d'Oussama Ben Laden. Le fait aurait été banal si Paris n'insistait pas pour entretenir l'amalgame sur l'identité de ces terroristes. Abdur Rahmane, 21 ans, hospitalisé à Peshawar après avoir été arrêté par les forces antitalibanes, a indiqué qu'entre 80 à 100 Français se trouvent actuellement parmi les terroristes arabes, afghans, pakistanais et tchétchènes qui se battent pour le compte de Ben Laden. Des estimations aussitôt confirmées par les services de renseignements français qui soulignaient qu'entre 300 et 500 islamistes français ont transité par les écoles coraniques du Pakistan avant d'intégrer les forces taliban ou d'Al-Qaîda. Les choses auraient été simples n'était une certaine obstination française à mettre en avant «l'origine algérienne» de ces terroristes au détriment de leur identité française. Le Quai d'Orsay a déjà fait savoir que «l'ambassade de France à Islamabad tente de vérifier l'identité exacte» du terroriste arrêté, faisant fi des déclarations de l'intéressé lui-même qui se présente comme étant un ressortissant français. Selon des sources informées, ce n'est pas le premier cas de figure qui se pose à Paris, notamment aux ser-vices consulaires français au Pakistan quant à déterminer l'origine française des terroristes ayant rejoint Al-Qaîda. Un bras de fer diplomatico-politique oppose depuis des années, les ambassades d'Algérie et de France à Islamabad. Les diplomates français en poste dans le pays du général Mucharraf ayant la fâcheuse tendance à renvoyer les autorités pakistanaises vers l'ambassade d'Algérie pour vérification dès qu'il s'agit d'un terroriste arrêté ou suspect qui a des «origines maghrébines». Pourtant, l'ensemble des combattants afghans français d'Al-Qaîda possède, bel et bien, des passeports français. C'est avec ce dernier qu'ils ont pu, entre 1998 et 1999, pénétrer au Pakistan de manière tout à fait légale avec des visas accordés par les ambassades du Pakistan à Paris, Bruxelles et Londres. C'est la filière londonienne qu'aurait suivie Abdur Rahmane dont les révélations ont mis dans la gêne les autorités françaises qui s'évertuent, depuis des années, à se faire passer pour le maillon fort de la coopération antiterroriste au sein de l'UE. Paris mettant en avant sa traque des islamistes se voit ainsi forcé de reconnaître - le fera-t-il? - l'appartenance française de ces terroristes dont la plupart n'ont jamais mis les pieds en Algérie pour la simple raison qu'ils sont natifs de France. D'ailleurs, la police française se lave les mains de Abdur Rahmane, indiquant à Reuter, que ce «Français» a séjourné de nombreuses années hors de France en renvoyant la balle à son voisin britannique. Or, à l'examen de cas tels que Zacaria Moussaoui, arrêté aux Etats-Unis comme étant le 20e kamikaze, Djamel Beghal, extradé de Dubaï comme étant un coordonnateur d'Al-Qaîda en Europe ou Kamel Daoudi, membre des réseaux d'Al-Qaîda en France, tous trois d'origine maghrébine, on constatera qu'ils n'ont jamais mis les pieds dans leur pays d'origine tout en étant arrêté avec des passeports français. Les trois ont également effectué des séjours prolongés dans les camps d'Al-Qaîda en Afghanistan après avoir emprunté des réseaux islamistes depuis la France. Il reste à savoir pourquoi le Quai d'Orsay entretient l'amalgame sur l'identité française de ces ressortissants. La seule explication réside dans le fait que l'existence d'une forte communauté française au sein d'Al-Qaîda accréditerait l'idée que les services français n'ont pas tout engagé pour mettre fin au départ et au transit des terroristes depuis son territoire vers le Pakistan et l'Afghanistan. Les filières sont demeurées actives jusqu'au 11 septembre malgré le discours rassurant de Paris sur sa détermination à lutter contre le terrorisme. Ses voisins maghrébins apprécieront la nuance.