En l'espace d'une année, cette entreprise a doublé son chiffre d'affaires. Sauvée miraculeusement du désastre par la volonté des hommes et une vision management éclairée, Kanaghaz/Spa (Entreprise nationale de réalisation de canalisations) qui emploie quelque 2600 travailleurs, reprend aujourd'hui son destin en main. En l'espace d'une année, elle double son chiffre d'affaires. Elle est recertifiée Iso 9001, et ouvre un dossier pour une certification HSE (hygiène, sécurité et environnement). Elle a été éligible au programme Meda dans lequel elle est membre de la commission technique et se lance dans de nouvelles perspectives. Elle ambitionne de créer une nouvelle filiale en partenariat avec une entreprise espagnole et un privé algérien, où un investissement de 10 millions d'euros sera consenti et plus de 150 emplois directs seront créés. Les 24 et 25 du mois de septembre prochain, Kanaghaz tiendra sa conférence des cadres à l'hôtel El Aurassi, un rendez-vous qui sera rehaussé par la présence du ministre de l'Energie et des Mines, Chakib Khelil. Le P-DG de cette entreprise qui a fait les beaux jours du transport de gaz par canalisation en Algérie, Hocine Rizou, a bien voulu répondre à nos questions. L'Expression: Kanaghaz se relève d'une léthargie et sort indemne d'une bourrasque qui a failli l'emporter dans le sillage des privatisations tous azimuts. Qu'en est-il exactement de cette situation? M.Hocine Rizou: Durant l'exercice 2003, l'entreprise était à son cinquième déficit consécutif estimé à 177 millions de dinars. Au premier trimestre 2004, le déficit passe à 193 milliards de dinars. Cela en plus d'un climat social extrêmement tendu, dû principalement à la non-communication. C'est dans cette situation dramatique que j'ai retrouvé l'entreprise au début de l'année 2004. Après une phase d'observation et d'analyse de la situation, mon équipe et moi avons proposé aux pouvoirs publics un plan d'action avec des mesures d'urgence; parallèlement, on a actualisé un plan de développement de la société s'étalant de 2004 à 2008. En quoi consiste exactement ce plan de sauvetage? C'est d'abord un sacrifice. Il a fallu réduire drastiquement les charges de l'entreprise pour les maîtriser de manière rationnelle. Ensuite, on a mis en place un système de management par projet, c'est-à-dire travailler mieux, bien et à moindre coût. On a également mis en place des mécanismes de suivi du plan d'urgence, semaine par semaine. Et enfin, il a fallu stimuler les travailleurs par une sensibilisation à même de les impliquer davantage. Vous disiez qu'il y avait un climat social tendu. Comment peut-on faire admettre, dans ces conditions à des travailleurs et aux syndicalistes, l'application de mesures drastiques? Effectivement, il y avait un climat très tendu, mais l'apport des travailleurs a été déterminant. Dès mon installation, j'ai discuté longuement avec le partenaire social avec qui j'ai passé en revue le projet de redressement d'une façon claire et directe. On a abouti à un pacte social au terme duquel il a été convenu d'une stabilité. Leur seule condition était d'atteindre les objectifs du plan d'urgence. Et on s'est remis au travail. L'entreprise était déficitaire au premier trimestre de l'année 2004, en décembre de la même année, on a dépassé l'objectif qu'on s'était fixé. On a atteint un résultat de 62 milliards de dinars au lieu de 40 milliards et on a dépassé un chiffre d'affaires de 4 milliards de dinars au lieu de 3,8 milliards qu'on a visé. Les résultats ont été formidables et à la mesure des sacrifices consentis. Et comment se situe Kanaghaz actuellement sur le marché? On occupe une place importante en dépit d'une rude concurrence étrangère. Nous réalisons 50% de nos activités avec la Sonatrach, 25 % avec le secteur de l'hydraulique et environ 5% avec la Sonelgaz. Mais à terme, nous comptons abandonner le créneau de la distribution de gaz. Etant une entreprise économique astreinte à l'obligation des résultats, les marchés de Sonelgaz ne nous arrangent pas en termes de rentabilité. Votre entreprise qui est convalescente, est-elle capable de faire face à cette concurrence que vous venez d'évoquer? Kanaghaz n'est pas convalescente, c'est une entreprise en phase de restructuration et d'adaptation aux mutations imposées par la nouvelle conjoncture économique au double plan national et international. Partant de cette réalité, nous optons pour un partenariat diversifié. Nous cherchons des partenaires sérieux avec lesquels nous voulons aller jusqu'à l'ouverture du capital. Par ailleurs, en termes de capacités, nous n'avons aucun complexe. Nous travaillons avec des Polonais, des Turcs, des Egyptiens et des Libanais sans aucun complexe en termes de capacités. Restent les techniques de management, nous comptons, avec cette stratégie de partenariat, combler le vide et aller vers un nivellement par le haut. J'entends par là une formation pointue de nos cadres. Je considère que l'investissement dans les ressources humaines est l'axe principal de viabilisation de pérennité de l'entreprise. En tant que P-DG d'une entreprise publique, quel genre de contraintes rencontrez-vous dans vos actions? Je passe sur les lourdeurs bureaucratiques qu'on a appris à gérer même si parfois elles sont coûteuses. Il y a surtout la réticence de nos banques à suivre nos projets pourtant viables. J'insiste aussi sur le problème de la dette estimée à plus d'un milliard de dinars que traîne l'entreprise depuis des années. On a pris des mesures de redressement internes, mais il faut aussi des mesures externes que les pouvoirs publics doivent prendre. On a déposé un dossier en 2004, dans le cadre de notre plan de redressement, et depuis on attend un geste de bonne volonté pour faire décoller l'entreprise définitivement. Cela dit, permettez-moi de remercier les travailleurs de Kanaghaz d'avoir compris le message qui consiste à relever le défi, de même que je salue personnellement le partenaire social qui a été au-delà du sacrifice, rien que pour le bien de notre entreprise à tous. Avec une mobilisation et une compréhension pareilles, je vois l'avenir avec optimisme, car nous avons l'ambition, l'espoir et des hommes..., des ingrédients nécessaires pour la réussite.