Rien ne va plus à l'entreprise de filature de Barika, à Batna. Spécialisée dans la fabrication de la matière première (fil), la Filbal, une SPA détenue entièrement par l'Etat, vit depuis quelques jours une situation des plus tendues. Le changement à la tête de la direction de l'entreprise est, de l'avis de quelques travailleurs, la goutte qui fait déborder le vase. La coupe est pleine depuis quelques mois, mais le licenciement déguisé du directeur de l'entreprise a précipité les choses. Le désormais ex-directeur de Filbal, Ali Khelifi, s'est vu en effet refuser, le 21 juillet dernier, le renouvellement de son contrat arrivé à expiration en tant que principal manager de l'entreprise, en dépit des bons résultats réalisés ces dernières années. Le bilan de l'entreprise, affirment des syndicalistes, est loin d'être négatif. Au contraire, la Filbal a réalisé d'importants bénéfices et a atteint 83% de ses objectifs, dégageant une valeur ajoutée de 116%. En termes de chiffre d'affaires, la Filbal est classée 9e sur les 24 filiales du groupe Texmaco. Employant actuellement 650 travailleurs, elle alimente en matière première une vingtaine d'entreprises de textile. Pour les travailleurs et le syndicat, ce changement est de nature à déstabiliser leur entreprise qui est en plein essor. Hier, ils ont empêché l'installation du nouveau directeur, ramené de Constantine par la SGP Texmaco, où il occupait depuis des années durant le poste de sous-directeur d'une entreprise actuellement au bord de la faillite. « Nous ne sommes pas contre le changement de responsables lorsqu'il est de nature à améliorer les résultats de l'entreprise et à booster la production. Ce qui nous paraît injuste, c'est de mettre à la porte un manager qui a su rentabiliser l'entreprise et le remplacer par quelqu'un d'autre, qui n'est pas nécessairement meilleur que lui », souligne Larbi Mezeghiche, président du conseil de participation de Filbal et syndicaliste, qui considère la décision de la SGP comme une « catastrophe pour l'entreprise à laquelle on ne cesse de mettre des bâtons dans les roues ». Ali Khelifi précise que s'il a été « remplacé » à la tête de l'entreprise, c'est parce qu'il a dénoncé « certaines pratiques » de la SGP dans des écrits adressés au ministre de l'Industrie, dont le dernier remonte à mai 2010. « J'ai même demandé un audit au ministre », indique-t-il. M. Khelifi se dit convaincu qu'il est « victime » de son honnêteté. Autre élément de discorde : la décision de la SGP de centraliser les importations de matières premières, dont le coton, au niveau du groupe Texmaco. Cette décision a occasionné un énorme retard dans le lancement de l'opération d'importation du coton indispensable pour le fonctionnement de l'entreprise. « Déposée le 8 juin, la lettre de crédit n'est pas encore ouverte. Cela veut dire qu'on n'aura pas la matière première avant plusieurs mois. Le stock de notre entreprise ne tiendra pas au-delà du mois en cours et les travailleurs se retrouveront au chômage technique », dénonce M. Mezeghiche. Pis encore, cet arrêt forcé se répercutera sur l'ensemble des entreprises de textile alimentées par la Filbal. La Fédération nationale des travailleurs du textile va tenir aujourd'hui, en son siège à Alger, une réunion d'urgence pour décider de la marche à suivre pour régler l'ensemble des problèmes du secteur. Le recours à la protestation à la rentrée n'est pas à écarter.