L'Elysée n'a pas réagi aux attaques du chef de l'Etat sur «la cruauté du régime colonial». Les socialistes français ont demandé mercredi au Premier ministre Dominique de Villepin de «proposer l'abrogation» d'une disposition controversée de la loi du 23 février 2005 sur la reconnaissance «du rôle positif de la présence française en outre-mer, notamment en Afrique du Nord», un texte qui a été vivement dénoncé en Algérie. Les présidents des groupes PS (Parti socialiste) à l'Assemblée et au Sénat, Jean-Marc Ayrault et Jean-Pierre Bel, ont formulé leur demande dans une lettre au Premier ministre, ont-ils précisé dans un communiqué. L'article 4 de la loi du 23 février 2005 en faveur des rapatriés exprime la «reconnaissance» de la France pour leur «oeuvre» et prévoit que les programmes scolaires reconnaissent «en particulier le rôle positif de la présence française» en Afrique du Nord et «accordent à l'histoire et aux sacrifices des combattants de l'armée française issus de ces territoires la place éminente à laquelle ils ont droit». Cette interpellation des socialistes français intervient alors que les présidents Bouteflika et Chirac vont se retrouver aujourd'hui à Gleneagles, en Ecosse où se tient le Sommet du G8. Le premier en sa qualité de représentant de l'Union africaine et le second en tant que membre influent du groupe des pays les plus riches du monde, les deux hommes n'ont pas eu des contacts aussi directs depuis plusieurs mois. En effet, depuis l'adoption par le Parlement français de la très controversée loi sur les «bienfaits de la présence française en Afrique du Nord», l'excellence des relations entre les deux pays en a pris un sacré coup. Fortement décriée par de nombreux acteurs politiques et intellectuels des deux bords de la Méditerranée, la loi française sur les rapatriés a jeté un coup de froid dans les relations politiques algéro-françaises. Un froid d'ailleurs accentué par les récentes déclarations du chef de l'Etat qui a notamment traité ce texte législatif de «cécité mentale». Les multiples déclarations de Bouteflika ont suscité assez peu de réactions de la part de la classe politique française. A l'exception d'un député UMP, l'on n'a pour ainsi dire, enregistré aucune réaction significative, hormis peut être une sortie, plutôt timide du Quai d'Orsay lorsque le chef de l'Etat avait comparé les fours de Guelma à ceux des camps de concentration des nazis durant la Seconde Guerre mondiale. Pour ce qui le concerne, l'Elysée n'a, à aucun moment, réagi aux attaques répétées du chef de l'Etat par rapport à «la cruauté du régime colonial». En effet, alors que la tempête battait son plein, Chirac a choisi le silence. Il a adopté la même attitude sur la question de la stèle à la mémoire d'un des militants de l'Organisation de l'armée secrète (OAS) de triste mémoire que les ultras entendaient édifier dans le cimetière de Marignane, une commune française sous la coupe du Front national. Si sur la question de la «glorification de la présence française en Afrique du Nord», l'Etat français n'a, pour ainsi dire, pas réagi il a, par contre, pris les mesures qu'il faut pour interdire l'inauguration de la fameuse stèle qui a soulevé un grand tollé au sein de la classe politique de l'Hexagone. Il y a lieu de souligner également que si les relations au sommet entre les deux pays sont caractérisées par une absence de communication, au niveau ministériel et autre, les choses semblent évoluer normalement. L'Algérie a reçu plusieurs ministres et délégations de conseils régionaux français et la France a, de son côté, accueilli des ministres algériens. Ainsi, le différend qui semble diviser les deux pays sur la définition que donnent l'un et l'autre du fait colonial, n'influe vraisemblablement pas sur leur perception du «partenaire d'exception» que les deux nations veulent construire. Sauf que la dimension historique est accréditée d'une importance capitale tant aux yeux d'Alger que de Paris. Sur cette question justement, le président de la République a clairement défini les ambitions de l'Algérie. Il reste au premier responsable de l'Etat français d'en faire autant. Il y a de fortes chances, qu'en marge du Sommet du G8, Jacques Chirac exprime explicitement la position de l'Elysée sur le sujet. Un tête-à-tête Bouteflika-Chirac n'est donc pas exclu, d'autant qu'il est de tradition que les deux hommes aient des entretiens en pareille occasion. Le tout est de savoir si les quelques heures de discussion parviendront à aplanir un lourd contentieux historique.