Le président Macron reçoit aujourd'hui son invité libanais Le fait que le Premier ministre démissionnaire soit à Riyadh depuis le 4 novembre n'arrangeait les affaires ni du Liban ni de l'Arabie saoudite, en fin de compte désireuse de se débarrasser d'un «hôte» encombrant, sans pour autant perdre la face. L'Iran a réagi hier aux déclarations du MAE français Jean-Yves Le Drian qui s'inquiétait jeudi soir des «tentations hégémoniques» de Téhéran, depuis Riyadh où il a rencontré le Premier ministre libanais démissionnaire. «Vos inquiétudes ne sont pas conformes à la réalité régionale et elles vous conduisent dans la mauvaise direction», a ainsi riposté Bahram Ghassemi tout en accusant la France de «partialité» dans son approche qui aggrave les crises au Moyen-Orient. «Malheureusement, il semble que la France a un regard partial et partisan sur les crises de la région et cette approche, volontairement ou involontairement, aide même à transformer des crises potentielles en crises réelles», a argumenté le porte-parole de la diplomatie iranienne. Dans une conférence de presse à Riyadh avec son homologue saoudien, Adel al-Jubeir, Jean-Yves Le Drian qui a abordé «le rôle de l'Iran et les différents domaines dans lesquels les actions de ce pays inquiètent», a précisé sa pensée en ajoutant: «Je pense en particulier aux interventions de l'Iran dans les crises régionales, à cette tentation hégémonique et je pense à son programme balistique», autant de «sujets de préoccupations» déjà brandis par l'Arabie saoudite. «Vos inquiétudes ne sont pas conformes à la réalité régionale et elles vous conduisent dans la mauvaise direction», lui a donc rétorqué M. Ghassemi qui conteste toute responsabilité iranienne pour pointer du doigt celle de «l'Arabie saoudite qui joue un rôle destructeur évident» dans ces crises. «Ignorer les réalités de la région et répéter des inquiétudes agressives, sans fondement et créées de toutes pièces par des responsables saoudiens (...) va-t-en guerre, n'aide pas à régler les crises régionales», a conclu le diplomate iranien. La sortie du ministre français qui s'est rendu pour la seconde fois, en moins d'une semaine, à Riyadh afin d'y rencontrer M.Hariri à qui il a remis une invitation du président Macron à se rendre en France «quand il le souhaite», avec sa famille, obéissait à un scénario que l'Elysée a négocié, pas à pas, avec les Saoudiens afin de protéger le Liban d'une crise majeure. Le fait que le Premier ministre démissionnaire soit à Riyadh depuis le 4 novembre n'arrangeait les affaires ni du Liban ni de l'Arabie saoudite, en fin de compte désireuse de se débarrasser d'un «hôte» encombrant sans pour autant perdre la face. L'échappatoire française est donc venue à point nommé, à condition que Paris accepte ou feigne d'accepter de donner du crédit aux spéculations saoudiennes sur les tentations hégémoniques de l'Iran. M.Hariri avait déjà dénoncé, lors de l'annonce de sa «démission» en terre saoudienne, la «mainmise» de Téhéran dans les affaires de son pays au travers du mouvement Hezbollah tout en disant «craindre pour sa vie». Outre que cette démission était irrecevable en la forme, elle a conduit le chef de l'Etat libanais, Michel Aoun à considérer que M. Hariri était «détenu» en Arabie saoudite. La tension grandissante a poussé le président français Emmanuel Macron à se saisir du dossier pour éviter que le bruit de bottes dans la région ne se transforme en un nouveau conflit dont il craint, à juste titre d'ailleurs, que le pays du Cèdre ne se relève plus. La médiation française ayant réussi, se pose désormais la question du devenir du consensus libanais mis à mal par les déclarations de M. Hariri dont le long séjour à Riyadh, en pleine purge qui a balayé des princes, des ministres et des hommes d'affaires saoudiens, ne pouvait pas ne pas soulever un certain nombre de questions. Quel que soit le «ouf» de soulagement des uns et des autres, maintenant que le Premier ministre putatif du Liban sera aujourd'hui même à Paris, force est de constater que le problème de fond reste entier et que le bras de fer officialisé par l'Arabie saoudite avec l'Iran demande à être résolu. Déjà, la rumeur d'un exil doré des Hariri en France a été écartée par le président Macron mais on ne sait pas si le retour à Beyrouth est programmé et si oui, quand il interviendra. De mésaventure en mésaventure plus ou moins rocambolesque, le Premier ministre libanais aura mis à rude épreuve les nerfs de ses concitoyens et des chefs de file politiques engagés dans le fragile équilibre libanais. Les pronostics sur son retour à Beyrouth pour y renégocier un nouveau deal avec le Hezbollah sont pour le moins hasardeux, dès lors qu'il a exigé à Riyadh pour retourner à son poste que les alliés de l'Iran cessent d'intervenir en...Syrie et au Yémen. Une exigence clairement saoudienne, mise à mal par la réalité du terrain militaire de sorte qu'on se demande si la stratégie saoudienne est à ce point impulsive.