C'est donc le laxisme des autorités britanniques qui va faire le lit de l'intégrisme salafiste. Ce qui s'est passé à Londres dans la matinée de jeudi est triste, stupide, tragique, inqualifiable, comme toutes les fois que des vies humaines innocentes sont déchiquetées dans la violence terroriste, qui est un phénomène aussi aveugle que barbare. Néanmoins, ce qui s'est passé est d'autant moins incompréhensible que Londres a pendant longtemps été considérée comme le sanctuaire du terrorisme. C'est en effet, dans la capitale britannique que les éléments les plus virulents du GIA algériens prêchaient en toute impunité le djihad, fourbissaient leur propagande intégriste, collectaient des cotisations, éditaient leurs manuels d'utilisation des explosifs, distribuaient leurs tracts, et c'est de là-bas qu'ils envoyaient des armes et des munitions au maquis. D'une certaine manière, Londres était une sorte de base-arrière pour les terroriste algériens. Qui plus est, ils étaient si sûrs de leur fait et de leur bon droit qu'ils revendiquaient les attentats qui faisaient des dizaines de victimes, qualifiant leurs méfaits de prouesse et de faits de guerre héroïques. Les criminels intégristes qui étaient recherchés par la police algérienne trouvaient gîte et couvert, et protection au pays de Sa Gracieuse Majesté, malgré les mises en garde du gouvernement algérien. Il aura fallu plus d'une décennie au monde occidental pour prendre conscience du danger terroriste intégriste. Ce sont surtout les attentats du 11 septembre aux Etats-Unis et ceux du 11 mars à Madrid qui ont servi de détonateur à la mesure de conscience. Ces attentats odieux, qui ont eu lieu dans des endroits publics très fréquentés, comme les tours jumelles de New York ou le métro de Madrid, faisant des centaines de victimes innocentes, ont décillé les yeux et pris la mesure de l'ampleur de l'horreur intégriste. Entre-temps, soit pendant plus d'une décennie, beaucoup de temps a été perdu, qui s'est soldé par le sacrifice de vies humaines, qui auraient pu être sauvées, si la législation britannique n'avait pas été trop permissive à l'égard des criminels. Pour reprendre Claude Moniquet, spécialiste du terrorisme, on peut dire que «malheureusement les Britanniques paient vingt ans d'erreurs de leurs gouvernements successifs, qui ont permis à des dizaines de groupes islamistes de s'installer chez eux et d'avoir des quartiers généraux en plein coeur de Londres? Les autorités pensaient les amadouer et les surveiller. Mais lorsqu'on laisse ces groupes s'installer, ils arrêtent assez rapidement de faire de la propagande et se livrent à des activités logistiques». En d'autres termes, vous leur donnez un doigt, ils vous prennent tout le bras. La stratégie britannique, faite de laxisme et de permissivité, a donc été une erreur fatale. Concernant l'Algérie, c'est au début de 1994 que le fondateur du Groupe salafiste pour la prédication et le combat, Hassan Hattab, s'installe, après « avoir été adoubé par Oussama Ben laden en personne, chef du réseau Al Qaîda». C'est donc le laxisme des autorités britanniques qui va faire le lit de l'intégrisme salafiste. Le GIA avait pignon sur rue à Londres, côtoyant le Djihad islamique de l'Egyptien Abou Hamza, qui lançait ses croisades depuis la mosquée de Finsbury Park, ou le Palestinien-Jordanien Abou Qotada, alors que le Franco-Algérien, Ramda, financier des attentats de Paris de 1995, ne fut pas extradé en France. Ainsi donc, après des années gentlemen agreement, la police londonienne a tiré les leçons de sa passivité et décide de passer à l'action. La leçon de cette morale c'est que toute compromission avec le terrorisme se paie cher un jour ou l'autre.