Le Mouvement culturel berbère (MCB) vient de perdre l'une de ses figures les plus illustres. Il s'agit du grand et persévérant militant Saïd Boukhari, qui a été au rendez-vous de toutes les luttes pour l'identité amazighe et pour les droits de l'homme en Algérie. Saïd Boukhari est décédé, à l'âge de 55 ans, hier, mercredi 22 novembre à 14 h 30 à l'hôpital de Tigzirt, 40 kilomètres au nord du chef-lieu de la wilaya de Tizi Ouzou, après une longue maladie. Une maladie contre laquelle il a également mené un long combat avec le soutien de tous ses amis. Pendant de longs mois, Saïd Boukhari s'est battu contre la maladie avec le soutien indéfectible des centaines de ses compagnons de lutte, notamment ceux qui ont partagé avec lui le long chemin de la lutte identitaire en Algérie depuis le printemps berbère en 1980. Né le 25 août 1962, Saïd Boukhari a mis le pied à l'étrier du combat identitaire du temps où il était élève au lycée technique de Dellys (wilaya de Boumerdès). C'est Saïd Boukhari qui assurait la coordination et la liaison entre les lycéens et les militants de Dellys avec les animateurs du printemps berbère et de ce qui deviendra plus tard le Mouvement culturel berbère (MCB). Saïd Boukhari a échappé à la vague d'arrestations ayant ciblé, à l'époque, les animateurs actifs du combat identitaire. Il poursuivra sa lutte pacifique pour la langue et la culture amazighes dans les années 80. Une fois son service national accompli, en 1983, Saïd Boukhari renoue de nouveau avec ses compagnons de lutte afin de poursuivre le combat qui permettra, bien des années plus tard, à la langue amazighe de devenir enfin langue nationale, puis, en 2016, langue officielle. Saïd Boukhari a joué aussi un rôle important durant les événements d'octobre 1988, en prenant part à la campagne d'appel au calme en Kabylie. Il a été également l'un des artisans du deuxième séminaire du Mouvement culturel berbère (MCB) au lendemain de l'ouverture démocratique de 1988. Au fil des années, Saïd Boukhari deviendra l'une des figures de proue du MCB, comme d'autres personnalités du mouvement à l'instar de Achour Belghezli, Djamel Zenati, Ali Brahimi et ses deux grands amis intimes, Saïd Khelil (l'un des 84 détenus du printemps berbère) ainsi que Saïd Chemakh, professeur au département de langue et culture amazighes de l'université de Tizi Ouzou et grand militant du MCB-Commissions nationales. Saïd Boukhari a été, en outre, l'un des organisateurs principaux de la grandiose marche historique du MCB, le 25 janvier 1990, ayant abouti à la création de deux départements de langue amazighe à l'université de Béjaia et à Tizi Ouzou. Saïd Boukhari a été à l'origine du rapprochement entre les deux tendances du mouvement berbère en 1994 à savoir le MCB-Commissions nationales et le MCB-Coordination nationale. Un rapprochement qui a abouti à la réussite de l'action de la grève du cartable. Cette dernière ayant, à son tour, abouti à l'introduction de la langue amazighe dans le système éducatif algérien pour la première fois dans l'histoire de l'Algérie dès la rentrée scolaire 1995-1996. Tout au long de la grève du cartable, Saïd Boukhari a été l'un des animateurs principaux et des plus actifs du MCB-Commissions nationales. Avec le début du terrorisme, Saïd Boukhari a été aussi l'un des premiers militants à avoir initié la création d'un groupe d'autodéfense dans son village dans la région de Maâtkas. Avec le début des événements du printemps noir, Saïd Boukhari a également assumé les premiers rôles dans ce qu'il préférait, lui, appeler le Mouvement citoyen (au lieu de l'appellation des Archs). Après cette étape, Saïd Boukhari a préféré se consacrer au combat pour les droits de l'homme ainsi que pour l'activité culturelle. Saïd Boukhari sera enterré vendredi prochain, 24 novembre, au village de Bouarfa, commune de Maâtkas, dans la wilaya de Tizi Ouzou, nous a confié hier, son ami intime Saïd Chemakh en nous affirmant: «Je viens de perdre un frère.»