Ce sont de véritables «PME» qui se constituent ainsi derrière les murs de vieilles maisons. La précarité sociale a pour conséquence le développement anarchique du travail à domicile qui aide les foyers à joindre les deux bouts. Effectivement, le chômage, la paupérisation galopante sévissant au sein de la société et la précarité de l'emploi ont favorisé ces dernières années l'expansion du travail à domicile, unique moyen pour de nombreux foyers de s'en sortir dignement. Acculés par un pouvoir d'achat complètement effondré et la misère au quotidien, les citoyens ont décidé de se prendre en main, faisant de la débrouille, leur devise. C'est ainsi qu'au fil des ans, l'on assiste à l'éclosion de multiples petits boulots à domicile, entrepris majoritairement par les et qui permettent à leur famille de subvenir à leurs besoins. Couture, broderie, et hardj entre autres, sont les principales activités lucratives réalisées à domicile par les au foyer généralement. Ces métiers de la débrouille ont pris de l'ampleur durant la dernière décennie, après la fermeture à la chaîne des entreprises publiques, synonyme de perte d'emplois et de désarroi pour des milliers de pères de famille. «Pour survivre, il faut se débrouiller par n'importe quel moyen», nous a confié un sexagénaire. Après la fermeture de l'entreprise publique où son mari était employé, cette bonne femme n'a pas voulu céder au désespoir, puisque avec l'aide de ses filles, elle a commencé à préparer du couscous fait maison qu'elle revend par la suite à plusieurs familles qui le préfèrent au couscous industriel. Certes, cette activité ne lui rapporte pas beaucoup, «mais suffisamment pour ne pas dormir le ventre creux», avoue-t-elle. En outre, cette bonne femme n'écarte pas la possibilité «de recourir aux soins du ménage si nécessaire» nous confie-t-elle. Cette dernière a donc trouvé son «créneau» tout comme cette autre femme la cinquantaine, qui s'est spécialisée dans la broderie traditionnelle. «J'exerce cette activité depuis plus de quatre années et je ne me plains pas. Non seulement je travaille chez moi sans contrainte aucune, mais cela nous permet également d'arrondir nos fins de mois et d'aider un tant soit peu mon mari dont le salaire ne suffit plus à nourrir et à habiller correctement nos six enfants.» En effet, en se faisant rémunérer entre 7000 et 10.000 DA la robe brodée, cette femme peut se permettre ainsi de mettre «du beurre dans les épinards» et d'offrir à ses enfants davantage de commodités. De fait, si l'on tient compte des expériences réussies de nos interlocutrices, le tout c'est de maîtriser au préalable une expérience manuelle quelconque et de l'exploiter jusqu'au bout. Et quand ce n'est pas le cas, certaines explorent d'autres activités en optant notamment pour le «baby-sitting». Véritable métier à domicile en pleine expansion, le métier de nourrice est, en effet, aujourd'hui très prisé par bon nombre de au foyer. Par le biais du bouche-à-oreille, celles-ci proposent de garder des enfants à domicile moyennant 3000 DA, parfois même le week-end. Et si certaines se contentent de ne garder qu'un seul enfant, d'autres par contre ne lésinent pas sur le nombre, transformant carrément leur domicile en... crèche, sans compter que les enfants dont elles ont la charge n'ont pas très souvent le même âge. N'étant nullement agréées par l'Etat, ces «nourrices» ne sont, hélas, pas toujours à la hauteur de la tâche à laquelle elles ont décidé de se consacrer, puisque déjà, pour certaines, l'exiguïté des lieux, le manque d'hygiène et de sécurité sont les facteurs «éliminatoires», lesquels sous d'autres cieux ne les qualifient aucunement à exercer un tel métier. Cette enseignante retraitée, pour sa part, est garde d'enfants depuis des années déjà et voue une attention particulière aux enfants d'autant qu'elle a choisi de s'occuper d'un seul à la fois, car, pour elle «une nourrice doit-être disponible et à l'écoute de l'enfant dont elle a la charge, et plus ils sont nombreux, plus cela devient difficile de s'en occuper correctement.» Selon notre interlocutrice, de nombreuses s'autoproclament nourrices sans pour autant posséder les critères nécessaires pour garder des enfants, surtout quand ces derniers sont au nombre de 6, 7 voire 8, à évoluer dans un même espace, peu adéquat de surcroît. Enfin, quel que soit le créneau porteur sur lequel se porte leur choix, beaucoup de exercent un métier à domicile. Du coup, ce sont de véritables «PME» qui se constituent ainsi derrière les murs d'une vieille maison et des milliards qui échappent ainsi au fisc. La Cnas ne peut, quant à elle, estimer de façon exhaustive le nombre de travailleurs à domicile, tant il est considérable. La recomposition du paysage industriel, essentiellement cette dernière décennie, avec la fermeture de certaines entreprises étatiques, a donné un coup de fouet à ces activités à domicile, au demeurant lucratives mais surtout exonérées d'impôts!