Trump a donc osé. Que peut faire l'Arabie saoudite contre cette décision «irresponsable»? Donald Trump a exploité le contexte du Proche Orient, à peu de frais. La Syrie ravagée, l'Irak détruit, le Yémen morcelé, l'Egypte contrainte de combattre le terrorisme au Sinaï comme dans les régions sud-ouest, la Libye atomisée, tel est le paysage du Monde arabe actuel. La décision du président américain Donald Trump de déménager l'ambassade américaine de Tel Aviv à Jérusalem «reconnue» comme capitale d'Israël n'est pas une simple promesse de campagne électorale, qu'il a décidé de concrétiser un an après son élection. Outre ses attaches familiales dominées par un sionisme orthodoxe, l'homme est tributaire d'un lobby qu'incarne à merveille le milliardaire américano-israélien Sheldon Adelson, un magnat des casinos, très connu aussi pour ses positions extrémistes pro- israéliennes. Rallié en cours de campagne électorale au camp Trump, il y a contribué à hauteur de 25 millions de dollars puis 5 autres millions pour la fête de l'investiture. Or, ce Sheldon Adelson est un ami intime du Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou et il n'a pas cessé de rappeler à Donald Trump son engagement concernant le transfert de l'ambassade américain au cours de ces derniers mois. Selon certains médias américains, Trump aurait tranché malgré certains de ses conseillers, de son secrétaire d'Etat et de son secrétaire à la Défense qui s'inquiètent des répercussions sur les intérêts américains d'une telle décision. En réalité, il ne pouvait en être autrement car le candidat d'hier et le président d'aujourd'hui se devait d'abord et surtout de satisfaire le fanatisme de sa base électorale composée pour l'essentiel de fondamentalistes chrétiens et d'extrémistes pro-Israël. Par la même occasion, il s'extrait du bourbier dans lequel les enquêtes du FBI sur l'ingérence russe supposée dans l'élection américaine l'ont plongé, faisant de lui un président impopulaire jusque dans les rangs républicains. Avec un tel répit, pense-t-il, il pourra à loisir focaliser l'opinion sur les enjeux internationaux et, du même coup, regagner quelques points dans le baromètre des bonnes opinions. Est-ce réellement un tournant majeur dans la politique étrangère américaine? Non car la chose était attendue depuis un an. Pour Donald Trump, reconnaître Jérusalem comme la capitale de l'Etat hébreu aurait dû être fait «il y a longtemps.» Ses trois prédécesseurs en ont eu l'occasion tous les six mois, depuis 1995 et l'approbation du Jerusalem Embassy Act par le Congrès. Ce texte incitait à la chose tout en permettant au président américain d'en repousser l'application tous les six mois. Lui s'est fait fort d'agir là où les autres ont «manqué de courage». Sauf que rien ne les obligeait à acter une décision qui conforte brutalement la colonisation israélienne et piétine toutes les résolutions de l'ONU. Trump a exploité le contexte du Proche Orient, à peu de frais. La Syrie ravagée, l'Irak détruit, le Yémen morcelé et sous blocus, l'Egypte contrainte de combattre le terrorisme qui frappe au Sinaï comme dans les régions sud-ouest et tributaire du subside que les Etats-Unis lui consentent dans le cadre d'une entente cordiale avec Israël, la Libye atomisée, tel est le paysage du Monde arabe actuel. Du coup, quelles réactions peuvent avoir aujourd'hui toutes ces capitales sinon la symbolique manifestation d'un désespoir sans conséquence aucune! Quand on voit l'Arabie saoudite qualifier la décision de Donald Trump d' «irresponsable» alors qu'il était venu, en octobre dernier, faire ses emplettes à Riyadh pour plusieurs centaines de milliards de dollars, on reste coi. Certaines sources parlent d'un accord secret entre Washington et Riyadh pour contraindre les Palestiniens à accepter le fait en échange d'une capitale dans une obscure localité éloignée d'El Qods et d'un résidu de territoires où la colonisation sioniste est déjà injectée! Il est même question d'une visite impromptue en Israël du prince héritier au cours de laquelle l'Arabie saoudite aurait proposé un deal américano-israélo-saoudien contre l'Iran avec le sacrifice des revendications palestiniennes en contrepartie. Des questionnements que le temps mettra à nu, tôt ou tard, mais, pour l'instant, hormis quelques réactions sporadiques des populations de Tunisie, Jordanie, du Liban, de l'Irak, l'Iran, la Turquie, la Malaisie et d'autres, le feu couve sous la cendre et nul ne peut dire encore, avec précision, quelles peuvent être les conséquences de la décision de Trump. Une chose est sûre, néanmoins. Le processus de paix qui a épuisé la longue attente des Palestiniens est désormais caduque! Avec cette agression caractérisée contre l'Islam et toute sa communauté, le président américain a définitivement discrédité la politique des Etats-Unis dans le conflit israélo-palestinien où, plus que jamais, son parti pris est clairement affiché. Trump peut pérorer à volonté sur son intention de relancer ce processus moribond, après lui avoir asséné l'ultime coup fatal, la preuve est faite que l'entreprise diplomatique du président américain et de son gendre-conseiller, juif orthodoxe très impliqué, Jared Kushner, aura consisté à planter le décor pour justifier une alliance israélo-saoudienne contre l'Iran. El Qods a pu être sacrifiée sur l'autel de cette ambition.