L'attitude des étudiants et des lycéens témoigne d'une volonté pacifique de pousser les pouvoirs publics à ne pas «mettre sous le tapis» la question identitaire Le mensonge sur tamazight est un épisode essentiel dans le feuilleton de la déstabilisation, censé mûrir à l'aube de la nouvelle année. Mais les manifestants ont juste marqué leur attachement à tamazight. Des étudiants ont défilé dans les rues de Béjaïa, Bouira et Tizi Ouzou pour signifier leur attachement à la promotion de tamazight. Les manifestations populaires se sont déroulées dans le calme. Aucun dépassement n'a été enregistré. Les jeunes n'ont pas débordé du thème, objet de leur marche, et celle-ci a eu lieu des règles démocratiques, sans incidents de trop ni des mots d'ordre provocateurs. Les observateurs de la scène politique nationale auront constaté, en plus d'un sens des responsabilités à saluer, aucun ressentiment particulier à l'endroit de l'Etat ou de ses symboles. Objectivement, cette «piqûre de rappel» quant à l'importance accordée à la dimension amazighe de l'identité nationale illustre, si besoin est, l'exigence citoyenne de ne pas se limiter aux intentions et de travailler sérieusement à la promotion effective de tamazight. L'attitude des étudiants et des lycéens témoigne d'une volonté pacifique de pousser les pouvoirs publics à ne pas «mettre sous le tapis» la question identitaire, sous prétexte de crise économique ou de tout autre raison. Sauf que dans les faits, l'Etat n'est pas dans une posture laxiste vis-à-vis de cette question, précisément. La célébration du centenaire de la naissance de Mouloud Mammeri, la publication d'une multitude d'ouvrages d'expression amazighe, l'ouverture au sein même de l'Ecole nationale supérieure d'une filière expressément dédiée à la formation d'enseignants de tamazight, l'élargissement d'année en année du nombre de wilayas où tamazight est enseignée, jusqu'à atteindre 33 wilayas, la confection de dizaines de manuels scolaires consacrés à l'apprentissage de cette langue, qui concerne plus de 150.000 apprenants, constituent autant d'actions qui militent en faveur d'une prise en charge graduelle, mais très sérieuse du fait amazigh national. L'entrée de tamazight dans la Constitution en tant que langue nationale et officielle, vient couronner un parcours institutionnel, faut-il le souligner, remarquable, et plus encore, donne à cette dimension de l'identité nationale plus d'élan pour son émancipation véritable. L'académie vouée à la langue, elle aussi, constitutionnalisée, figure sur les tablettes du Haut Commissariat à l'amazighité (HCA). On ne peut pas «rêver» meilleur statut pour une académie de langue que celui d'être constitutionnalisée. C'est donc une institution officielle de la République qui verra forcément le jour. Toutes ces instances, ces institutions, ces programmes de formations, les éditions d'ouvrages, les nombreux colloques et séminaires scientifiques exigent une logistique, des finances et des fonctionnaires pour faire marcher tout cela. Si l'Etat était indifférent au sort de tamazight, il n'aurait pas déployé tous ces moyens, humains, financiers et matériels. Les jeunes qui sont sortis dans la rue, savent-ils tout ce qui se fait en faveur de la promotion de la culture et la langue amazighes? Il faut dire que jusque-là, le travail du HCA n'est pas très visible, pour la simple raison qu'il concerne des spécialistes et des fonctionnaires des ministères de la Culture et de l'Education nationale. Le HCA aurait dû mieux communiquer, «populariser» plus son action pour que tout le monde sache ce qui se fait? Certainement. Mais, disons-le franchement, ceux qui ont «glissé» la proposition d'amendement dans la loi de finances, insinuant que l'Etat a abandonné tamazight, savaient parfaitement que ce n'est pas vrai. Le but de la manoeuvre n'était pas de défendre la langue ou la culture amazighes, mais de susciter la colère de la rue en Kabylie. La liaison avec la loi de finances, dont la promulgation interviendra dans moins de trois semaines, rappelle étrangement un mode opératoire déjà mis en oeuvre en décembre 2016 où l'on promettait l'enfer aux Algériens au premier jour de janvier 2017. On se rappellera qu'à l'époque, les motifs étaient sociaux, la Toile a tourné à plein régime pour propager des mensonges éhontés. L'étincelle a pris à Béjaïa, Bouira, Tiaret et quelques quartiers d'Alger où la police a d'ailleurs trouvé des dizaines de cocktails Molotov prêts à l'emploi. Cette année aussi, les réseaux sociaux ont été convoqués pour diffuser le mensonge sur le prétendu abandon de tamazight. Les instigateurs de cet intox ont cru avoir réussi leur coup. Ils attendaient la signature de la loi de finances 2018. Avant cela, ils avaient organisé «clandestinement» la grève de certains boulangers et la «rébellion» d'autres qui ont augmenté le prix du pain. Des actions d'envergure donc qui devaient être rattrapées par le mensonge sur tamazight, un épisode essentiel dans le feuilleton de la déstabilisation, censé mûrir à l'aube de la nouvelle année. Mais les manifestants de Tizi Ouzou et Béjaïa, qui s'en étaient tenus à un simple rappel de leur attachement à la culture de leur pays, ont fait capoter le projet.