La lutte s'annonce serrée entre le vice-président Cyril Ramaphosa, et l'ex-commisaire de l'Union africaine, Nkosazana Dlamini Zuma Le parti au pouvoir en Afrique du Sud, le Congrès national africain (ANC), est en réunion depuis hier pour élire son nouveau chef en remplacement du très controversé Jacob Zuma, à deux ans d'élections générales qui s'annoncent délicates. La course pour la présidence de l'ANC se résume à un duel serré entre l'actuel vice-président Cyril Ramaphosa et l'ex-épouse du chef de l'Etat, Nkosazana Dlamini Zuma. Le vainqueur se retrouvera en bonne position pour devenir le prochain chef de l'Etat en 2019. L'ANC domine la vie politique sud-africaine depuis l'élection de Nelson Mandela en 1994, concrétisant la fin officielle du régime d'apartheid qu'il a combattu. Mais il est aujourd'hui profondément divisé et en perte de vitesse, affaibli par un taux de chômage record à 27,7% et les multiples accusations de corruption qui visent Jacob Zuma. «On a perdu notre rôle de meneur de la société» sud-africaine, a déploré Cyril Ramaphosa juste avant l'ouverture de la conférence, prévue jusqu'à mercredi à Johannesburg. La frustration de millions de Sud-africains noirs - laissés pour compte de la nation «arc-en-ciel» - est telle que l'ANC pourrait perdre en 2019 la majorité absolue qu'il détient depuis 1994. Les municipales en 2016 ont déjà servi d'avertissement à l'ANC: le parti a perdu le contrôle de Pretoria et Johannesburg, les capitales politique et économique du pays. «Stoppons le déclin» de l'ANC, a lancé, en amont de la conférence, Frank Chikane, compagnon de lutte de Nelson Mandela. A 65 ans, Cyril Ramaphosa, ancien syndicaliste reconverti en richissime homme d'affaires, est soutenu par l'aile modérée du parti et très apprécié des marchés. Lors de sa campagne, il a dénoncé la corruption du clan Zuma. Ses détracteurs n'ont pas manqué de lui reprocher de ne pas avoir pris ses distances plus tôt avec le président. Sa principale concurrente, Nkosazana Dlamini Zuma, ancienne ministre et patronne de l'Union africaine (UA), insiste sur la «transformation radicale de l'économie» au profit de la majorité noire. Un thème cher à Jacob Zuma. A 68 ans, elle a toutefois du mal à ne pas apparaître comme une «marionnette» de son «ex», selon Ben Payton, chercheur à Risk Brief. Ses critiques la soupçonnent d'avoir promis l'immunité judiciaire à Jacob Zuma, le père de ses quatre enfants. M. Ramaphosa se présente à la conférence du parti avec une petite longueur d'avance sur Mme Dlamini Zuma en termes de nominations par les branches locales du parti. Mais cette avance reste très théorique, car les délégués du parti peuvent voter comme bon leur semble. A l'approche du vote, les rumeurs de corruption vont bon train. «C'est un secret de polichinelle que les votes peuvent être achetés», explique Amanda Gows, professeur de sciences politiques à l'université de Stellenbosch. «Nous n'hésiterons pas à disqualifier des délégués de la conférence (...) l'indiscipline ne sera pas tolérée», a assuré le porte-parole du parti, Zizi Kodwa. Les élections dans les branches ont été entachées de nombreuses irrégularités et d'autant de contestations devant les tribunaux. L'hebdomadaire réputé Mail & Guardian a conseillé avec ironie aux délégués de l'ANC de s'armer pour la conférence d'un «kit de survie» avec «des tranquillisants pour gérer le stress d'avoir à refuser des pots-de-vin», «une passoire pour se protéger des chaises volantes» et «les livres des héros de l'ANC pour se rappeler ce que fut le parti». Dans ce contexte nauséabond, Nkosazana Dlamini Zuma a appelé à la raison: l'élection du dirigeant de l'ANC «est un processus démocratique, il ne s'agit pas d'une bataille entre ennemis», a-t-elle assuré cette semaine. Les positions très éloignées des deux camps laissent pourtant planer, pour les experts, le risque d'un éclatement du parti. L'ANC espère cependant garder la face et éviter la rupture. «On souhaite sortir uni de ce congrès», a expliqué vendredi son secrétaire général, Gwede Mantashe. Si Cyril Ramaphosa devient le nouveau dirigeant du parti et ses proches décrochent des postes-clés, «cela lui donnerait les voix nécessaires pour remplacer Zuma» avant la fin de son mandat présidentiel, avance Ben Payton. En 2008, Thabo Mbeki, lâché par son parti, avait été contraint de démissionner de la présidence sud-africaine. L'artisan en coulisses de sa chute n'était autre que Jacob Zuma.