Evènement n Le Congrès national africain (ANC), au pouvoir en Afrique du Sud, se réunit à partir de samedi pour remplacer son chef Jacob Zuma, très contesté, lors d'un vote dont le vainqueur a de bonnes chances de lui succéder aussi à la Présidence du pays en 2019. Depuis des mois, la course s'est résumée à un duel féroce entre le vice-président Cyril Ramaphosa, un ancien syndicaliste reconverti en richissime homme d'affaires, et la candidate soutenue par M. Zuma, son ex-épouse et ancienne patronne de l'Union africaine (UA), Nkosazana Dlamini Zuma. Aussi âpre qu'incertaine, la campagne a profondément divisé l'ANC, qui traverse sa plus grave crise depuis la victoire électorale historique de son icône Nelson Mandela en 1994. Près d'un quart de siècle après la chute de l'apartheid, la popularité du parti a sérieusement pâli. La crise économique persistante et la corruption reprochée au gouvernement menacent de priver l'ANC de sa majorité absolue aux prochaines élections générales de 2019. M. Zuma doit rester à la tête de l'Etat jusqu'à ce scrutin, à moins que le parti ne l'évince ou qu'il ne démissionne. Soutenu par l'aile modérée de l'ANC, apprécié des marchés, M. Ramaphosa, 65 ans, se présente en champion de la relance de l'économie et de la création d'emplois. A longueur de discours, il a mis en cause les «échecs» et la corruption du clan Zuma, que ses adversaires lui reprochent d'avoir trop longtemps passés sous silence. De son côté, Mme Ndlamini Zuma, 68 ans, a repris le flambeau de son ancien mari pour la «transformation radicale de l'économie» en faveur de la majorité noire du pays. Elle a aussi accusé son principal adversaire d'être le «candidat des bourgeois». «Si le processus a jusque-là fait l'objet de nombreux recours en justice, il y a fort à parier qu'il en sera de même à la conférence» qui se tient jusqu'à mercredi 20 décembre, pronostique l'analyste Ralph Mathegka, anticipant même une sérieuse «escalade». En plus des deux favoris, cinq autres candidats briguent la présidence du parti. Si leurs chances sont infimes, leur soutien à M. Ramaphosa ou à Mme Dlamini Zuma peut s'avérer déterminant. A en croire les sondages réalisés ces dernières semaines et la plupart des analystes, l'actuel vice-président serait le seul patron susceptible de permettre à l'ANC de conserver sa majorité absolue lors des élections générales de 2019. En cas de défaite de M. Ramaphosa dans la bataille pour le contrôle du parti, beaucoup anticipent son éclatement. «Le choix de la conférence va probablement déterminer si l'ANC conserve encore une chance de gagner en 2019», estime Susan Booysen, de l'université du Witwatersrand à Johannesburg. «Rupture» l «Les deux camps sont tellement éloignés que je ne vois pas comment ils pourraient encore coexister à l'avenir», selon Susan Booysen, de l'université du Witwatersrand à Johannesburg, «et si il y a rupture, elle pourrait faire tomber l'ANC sous la barre des 50% et décider s'il restera au pouvoir». A quelques jours du verdict, tous les candidats se sont cependant engagés à respecter les résultats du scrutin et à défendre l'unité du parti. «Nous travaillons très dur pour faire en sorte que cette conférence se déroule avec succès et en bon ordre», a promis devant la presse le secrétaire général de l'ANC, Gwede Mantashe, «vous allez assister à une conférence réussie». «Dans un mouchoir de poche» «Les enjeux sont considérables et les deux candidats sont dans un mouchoir de poche», résume Amanda Gouws, professeur de sciences politiques à l'université sud-africaine de Stellenbosch. «Soit émerge un nouveau président (M. Ramaphosa) qui est capable de stabiliser le pays et faire quelque chose pour enrayer son déclin économique et politique. Soit c'est la continuation de ce que nous connaissons.» Au terme d'un processus électoral très complexe perturbé par de multiples contestations, le vice-président se présente avec une petite longueur d'avance sur sa rivale, en termes de nominations par les branches locales du parti. Mais cet avantage reste symbolique, car les 5 200 électeurs de l'ANC ne sont pas tenus de voter pour le candidat retenu par leur province et gardent jusqu'au bout leur liberté de choix. Depuis déjà des semaines, les accusations de manipulation et de fraude vont bon train. Partisan de Cyril Ramaphosa, le chef de la majorité ANC au Parlement, Jackson Thembu, a dénoncé sur Twitter «ceux qui essaient de faire voter de faux délégués». L'ex-syndicaliste Ramaphosa en marche vers le pouvoir Il a été syndicaliste, dauphin pressenti de Nelson Mandela, homme d'affaires à succès. A 65 ans, le vice-président sud-africain Cyril Ramaphosa n'a jamais été aussi prêt de réaliser son ambition : accéder à la tête du parti du Congrès national africain (ANC), tremplin pour la présidence de la nation arc-en-ciel. Au terme d'une campagne tendue, il se présente devant les militants de l'ANC en favori pour succéder à la tête du parti au pouvoir à Jacob Zuma, face à l'ex-épouse du chef de l'Etat Nkosazana Dlamini Zuma. Sa victoire constituerait une consécration pour cet enfant de Soweto, militant de la première heure de la lutte contre le régime de l'apartheid. Et une revanche. Considéré comme le «fils préféré» de l'icône Mandela, il s'était déjà présenté à la présidence de l'ANC. Mais les caciques du parti lui avaient finalement préféré Thabo Mbeki. Déçu, il avait renoncé pour se consacrer aux affaires. Mais après avoir amassé une fortune de près de 378 millions d'euros, selon le classement 2015 du magazine américain Forbes, M. Ramaphosa est vite revenu en politique en se faisant élire, en 2012, vice-président de l'ANC. Dernier discours de «l'insubmersible» Parcours n Il y est arrivé porté par l'espoir des plus démunis, il en repart sali par le soupçon. A 75 ans, le président sud-africain Jacob Zuma va quitter la tête du Congrès national africain (ANC) au pouvoir, après dix ans d'un règne rythmé par les scandales de corruption. Encore à la tête du pays jusqu'aux élections générales de la mi-2019, «JZ» doit prononcer son dernier discours de chef de parti devant ses troupes, réunies de samedi à mercredi à Johannesburg pour élire son successeur. La semaine dernière, le chef de l'Etat s'est dit «très heureux» de rendre les rênes de l'ANC. Il a même promis une «transition réussie et en douceur». La tâche s'annonce compliquée, tant le parti de la lutte historique contre l'apartheid sort divisé et affaibli des deux mandats de Jacob Zuma. «Un ANC en ruines, une économie en ruines, la corruption et un détournement de l'Etat endémiques, je crains que cela ne soit votre seul héritage durable», a cinglé cette semaine le commentateur politique Oscar Van Heerden. Triste bilan, que ses soutiens les plus ardents peinent à défendre. Jacob Zuma, lui, semble s'en moquer superbement. A l'Assemblée, il balaie d'un revers de main les plus graves interpellations sur les affaires qui le menacent et répond à ses adversaires par un de ses éclats de rire devenus célèbres, invariablement interprétés comme du mépris. Rebaptisé le «président Teflon», tant les accusations glissent sur lui, Jacob Zuma fait depuis longtemps figure de miraculé. Son arrivée à la tête de l'ANC est un modèle du genre. Fin 2007, il réussit à évincer de la direction du parti Thabo Mbeki qui l'avait limogé de la vice-présidence sud-africaine deux ans plus tôt pour des accusations de corruption. Quelques mois plus tard, il obtient la tête de son rival, contraint de quitter son poste de chef de l'Etat. Juste avant les élections générales de 2009, la justice renonce - très opportunément s'indignent ses rivaux - à poursuivre M. Zuma alors qu'il est accusé d'avoir touché des pots-de-vin lors d'un contrat d'armement avec, entre autres, le Français Thales. Dans la foulée de la victoire de l'ANC, il devient président du pays. Trois ans plus tôt déjà, le futur chef de l'Etat avait été acquitté au terme d'un retentissant procès pour viol. Homme de réseaux, tacticien éprouvé et, surtout, doté d'un «nez» politique particulièrement fin, Jacob Zuma a réussi à naviguer entre les écueils et les déboires tout au long de son règne. Le président est d'abord reconnu coupable d'avoir violé la Constitution pour avoir fait payer par le contribuable des travaux de modernisation dans sa résidence privée. Il est contraint d'en rembourser près d'un demi-million d'euros. L'ANC réalise ensuite aux municipales son plus mauvais score national depuis l'avènement de la démocratie en 1994. Puis c'est un rapport officiel qui met en cause ses relations controversées avec une riche famille d'hommes d'affaires d'origine indienne, les Gupta. Et aujourd'hui, la justice menace de raviver ses poursuites dans l'affaire Thales... Et même si le danger se précise, le président a jusque-là toujours survécu. Aux motions de censure à répétition comme à la fronde désormais ouverte qui le vise au sein même de l'ANC. 4 femmes, 20 enfants Né le 12 avril 1942, l'ancien vacher autodidacte est le premier chef d'Etat officiellement polygame du pays. Marié six fois, il a quatre femmes et une vingtaine d'enfants. Il est en outre divorcé de l'ex-patronne de l'Union africaine (UA) Nkosazana Dlamini Zuma, dont il soutient la candidature à sa succession à la tête de l'ANC. Fier de ses origines zouloues, grand danseur et remarquable chanteur, la bonhomie du sourire masque chez Jacob Zuma une patience de prédateur, affinée dans les geôles de l'apartheid. Jeune homme, il a passé dix ans au bagne de Robben Island, au large du Cap (sud-ouest), avec Nelson Mandela. Il s'y découvre, accessoirement, une passion pour les échecs. Une fois libéré, Jacob Zuma dirige la mise en place des structures clandestines de l'ANC dans sa région d'origine, avant de prendre le chemin de l'exil. Il y dirige les services de renseignements de l'organisation à la fin des années 1980. Après la légalisation de l'ANC en 1990, c'est le retour en Afrique du Sud. Cadre du parti, il participe aux négociations qui mènent aux premières élections démocratiques de 1994 et à la victoire de son parti et de l'icône Nelson Mandela. Fausses promesses l Une fois l'ANC au pouvoir, «JZ» devient ministre provincial au KwaZulu-Natal, puis vice-président de la République en 1999 jusqu'à son limogeage en 2005. Sa traversée du désert n'est que de courte durée. Il prend le pouvoir en s'appuyant sur l'aile gauche de l'ANC et les syndicats. Il incarne alors les espoirs de promotion des plus pauvres. Dix ans après, ses promesses de réformes «radicales» n'ont pas dépassé le stade du discours. Le pays et le parti semblent plus que jamais englués dans la crise. La faute à Jacob Zuma, ont tranché les «anciens» du parti. A la veille de son départ de la direction du parti, leur verdict est sans appel: «Il a laissé tombé l'ANC, notre peuple et notre pays». Nkosazana Dlamini Zuma, l'énigmatique «ex» du Président Dans sa marche vers le pouvoir, son nom est un cadeau empoisonné. Ancienne ministre et patronne de l'Union africaine (UA), l'énigmatique et discrète Nkosazana Dlamini Zuma reste d'abord l'ex-femme du sulfureux président sud-africain Jacob Zuma. A 68 ans, elle est l'une des deux favorites de la course à la présidence du Congrès national africain (ANC), un tremplin qui pourrait lui permettre de succéder à son ancien époux à la tête de l'Afrique du Sud après les élections de 2019. Cette militante anti-apartheid ne fait pas partie des ténors de l'ANC mais, face au vice-président Cyril Ramaphosa, elle bénéficie de l'appui total de Jacob Zuma. «On peut lui faire confiance», a lancé le Président en mai. Mais au fil des mois, ce soutien s'est révélé très encombrant pour Mme Dlamini Zuma, accusée par ses détracteurs de vouloir protéger son ancien époux des poursuites judiciaires qui le menacent dans de nombreux scandales de corruption. Ce «ticket» Zuma ne serait donc qu'une sorte de «remariage» d'intérêt, entre deux personnalités aux styles bien différents. En public, Nkosazana Dlamini Zuma est aussi grave et discrète que son ancien mari est jovial et démonstratif. Elle se présente comme féministe, il est polygame. Elle est perçue comme plutôt honnête, quand lui est englué dans les «affaires».