L'appel des radicaux à une grève générale aujourd'hui a peu de chance de mobiliser les Kabyles. Ces derniers, comme à l'assemblée des Cortes, semblent dire aux ârchs «Si no, no !». Au moment où les délégués radicaux des ârchs préparent la marche par une campagne de sensibilisation entamée à travers tous les villages de la Kabylie, les habitants du Djurdjura n'en finissent pas d'étaler au grand jour leurs réticences vis-à-vis du mouvement citoyen. Les slogans hostiles au pouvoir «brandis» ici et là, n'ébranlent plus la conscience des Kabyles et la grande foule, qui avait naguère envahi la capitale, semble désormais n'être qu'un vague souvenir. Les Kabyles en ont marre de ces caricatures qui «ont beaucoup plus concouru à la division qu'à consolider une solidarité souhaitée par toutes les populations du pays». «Pourquoi marcher? Si c'est pour envoyer des enfants, sans aucune protection, à la mort ou pour conforter les thèses de ces partis qui ont publiquement lutté contre les revendications légitimes des citoyens, eh bien nous n'en voulons pas», dira un universitaire biologiste du village d'Ath Bouchnacha. «Ceux qui évoquent sans cesse la question amazighe, enchaîne notre universitaire, sont incapables de proposer un projet de société pour l'avenir (...). Ils ont tout le temps les yeux rivés sur le passé, alors que de nos jours, la langue ne fait plus l'homme.» Or, aujourd'hui, il s'agit de former des citoyens honnêtes, courageux et ayant le sens des responsabilités civiques. Outre ces réticences évoquées à travers de nombreux villages de la Kabylie, se pose désormais la question des moyens à mettre en oeuvre pour faire aboutir la plate-forme d'El-Kseur en l'absence de toute forme de négociation. «Ce qui est intéressant est de comprendre pourquoi la plate-forme d'El-Kseur est non négociable», dira un PES de Ouadhias, visiblement outré par ce jusqu'au-boutisme qui refuse obstinément de livrer tous ses secrets. Et d'ajouter: «On ne peut pas marcher ou faire une manifestation pour une cause pour laquelle désormais aucun malentendu n'est possible. Ni de la part des citoyens ni de la part du pouvoir (...). D'autant plus que les uns et les autres se disent solidaires de ladite cause.» Outre les ascendants politiques qui ont pesé négativement sur le mouvement, il y a aussi que certaines victimes du printemps noir plaident publiquement pour la cause du dialogue. C'est notamment le cas de deux victimes à Draâ El-Mizan qui repoussent l'idée de la marche d'aujourd'hui. «Le calvaire que vit mon fils depuis six mois ne m'incite plus à marcher (...) Qu'ils disent ce qu'ils veulent. Aucun d'eux n'a daigné venir nous rendre une petite visite alors que l'état de santé de mon fils se détériore chaque jour davantage», dira M.Chergui au passage de la caravane des ârchs.