C'est quand c'est fini que ça recommence. Il y a quinze jours dans ces mêmes colonnes, j'intitulais déjà mon éditorial «Et ce n'est pas fini...» et dans lequel j'écrivais qu'il n'y aura pas de répit dans la sale guerre que livrent Ben Laden et ses hommes à l'Occident. Trois nouvelles bombes dans le métro et une autre dans un bus ont explosé jeudi à Londres. Aucune victime n'est à déplorer, si ce n'est un blessé léger. Al Qaîda nargue Scotland Yard et le MI 5. Il n'y a pas de doute sur le commanditaire. La technique utilisée et le mode opératoire portent la marque de fabrique de l'organisation de Ben Laden. Trop de similitudes avec le carnage du 7 juillet qui a fait, selon un dernier bilan, 55 morts et plus de 700 blessés. Mais cette fois-ci, on a tiré à blanc. Et volontairement. Ce «trop de similitudes» dérange en effet. Pourquoi les commanditaires ont tenu à frapper toujours un jeudi, toujours dans trois stations de métro et toujours dans un bus, alors que l'ultimatum d'un mois lancé à Tony Blair court toujours? Et c'est toujours un jeudi, d'abord le 7 juillet, après les attentats de Londres, qu'Al Qaîda annonce avoir exécuté le chargé d'affaires égyptien dans la capitale irakienne, enlevé la veille. Décidément, l'histoire se répète: au même moment où l'on assistait à un remake des attentats d'il y a quinze jours, ce sont deux diplomates algériens qui sont enlevés à leur tour, sans crier gare, au coeur même de Baghdad. Il est vrai qu'il faut se méfier des hasards. Ne nous voilons pas la face. Le message que veulent faire passer, cette fois-ci, les hommes de Ben Laden au monde entier est très clair. Mais surtout très fort. Il n'y a pas de la friture, comme on dit, sur la ligne. Décodé, le message est lisible: nous frappons Où on veut, QUAND on veut et QUI on veut. Mais quel est donc cet attentat spectaculaire que l'on désire tant annoncer pour l'expiration de l'ultimatum? En l'espace de quinze jours, ces deux opérations recèlent trop de caractéristiques communes pour ne pas susciter de nouvelles inquiétudes sur les capacités de nuisance d'Al Qaîda. Il y a, en effet, de quoi pour que le sommeil de Tony Blair soit agité encore pour longtemps. Le flegme anglais, si réputé, en prend un sacré coup. Ce qui explique que les Londoniens, aujourd'hui, sont terrorisés rien qu'à l'idée de prendre le métro ou le bus. Mais pourquoi l'Algérie dans tout ça? D'abord, je suis convaincu qu'il y a un lien de causalité entre les attentats de ce jeudi et l'enlèvement de nos deux diplomates. La visite que vient d'effectuer à Alger le ministre britannique d'Etat aux Affaires étrangères, M.Kim Howells, n'est pas passée inaperçue. Il semble bien que ses déclarations aient eu une résonance internationale. Il y a état de casus belli. Pour l'organisation d'Al Qaîda. En deux mots, il a remercié Alger pour «la pleine et totale coopération qu'il apporte dans la lutte contre le terrorisme international». Les islamistes algériens vivant en Grande-Bretagne ont subi, après les attentats de Londres, les habituelles tracasseries que connaissent les communautés étrangères en proie à la vindicte publique. Mais avant ça, il y avait la rencontre du G8 en Ecosse, marquée par l'étreinte intempestive entre deux nouveaux alliés Bouteflika-Bush filmée et distillée par tous les relais médiatiques dans le monde. Comme tout commun des mortels, Ben Laden et ses lieutenants ne ratent jamais la messe cathodique de 20 heures. Que vient donc faire l'Algérie dans cette galère, alors qu'elle préside le Sommet arabe et ferait mieux de se soucier de la tragédie irakienne? Al Qaîda sait que l'Algérie est membre du Conseil de sécurité, et qu'au niveau de cette instance, elle ne cesse d'oeuvrer pour le départ des troupes d'occupation. Au dernier Sommet arabe d'Alger, les résolutions pressant les troupes alliées de se retirer d'Irak sont passées comme une lettre à la poste grâce à Bouteflika. De plus, rien que la semaine écoulée, s'était tenue, à Alger, la réunion du comité de suivi de ce sommet. Là encore, toujours grâce à Bouteflika, l'Algérie va plus loin : elle ne demande ni plus ni moins aux Etats-Unis que de rendre public un échéancier sur le départ de ses GI's d'Irak. Les dirigeants algériens se sont toujours méfiés du guêpier irakien depuis la première guerre du Golfe. A tous les coups et à toutes les époques, notre pays a fait montre de communion et de solidarité avec le peuple irakien. Alors que nous cherche-t-on? L'enlèvement de nos deux diplomates est-il bien l'oeuvre d'Al Qaîda? A coup sûr, oui. De sources algériennes bien informées, l'on estime à 380 le nombre d'Algériens activant principalement dans deux organisations terroristes en territoire irakien. Il s'agit de l'Armée islamique irakienne et du Djeïch Mohamed (Prophète). Toutes deux sont contrôlées par le Dr Zawahiri, le bras droit de Ben Laden. Ce sont généralement les groupes armés de Djeïch Mohamed qui sont responsables des enlèvements de diplomates à Baghdad. Auparavant, ces islamistes crapahutaient au Yémen, au Soudan et aux Emirats arabes unis. Quant à Zerkaoui, salafiste violent, issu du parti jordanien de l'action islamiste, il est en Irak ce qu'était Antar Zouabri en Algérie. Mais n'y a-t-il pas la main du Gspc, affidé d'Al Qaîda, dans l'enlèvement des diplomates algériens, non encore officiellement revendiqué? A Alger, ce qui est certain, les dirigeants penchent pour un dénouement heureux. Peut-être même rapide. Ce qui est déjà un signe de bon augure. Mais dans cette histoire, il est vrai que tout le monde n'est pas dans le secret des dieux.