Manifestations de soutien au régime iranien Il faut dire que les commentaires enfiévrés du président américain Donald Trump aussi bien sur l'Etat iranien qualifié d' «Etat voyou» que sur l' «heure du changement» sont de nature à conforter les arguments de Téhéran quant à l'exécution d'un complot... L'Iran a vécu hier au rythme des manifestations imposantes qui ont vu des dizaines de milliers de personnes apporter leur soutien au régime. Dans plusieurs villes du pays, ces foules étaient rassemblées pour condamner les «fauteurs de troubles» qui ont dénoncé la vie chère et la corruption durant des marches souvent violentes et mis en cause la politique économique du gouvernement à la veille d'une série d'augmentations des prix. Sur les banderoles portées par les manifestants pro-régime, on pouvait lire des slogans habituels comme «mort à l'Amérique», «mort à Israël» mais aussi et surtout des mots d'ordre qui reprenaient les déclarations du guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei quand il a reçu lundi dernier les veuves de martyrs iraniens et déclaré à cette occasion que l'Iran faisait face à des manigances de ses ennemis qui recourent à tous les moyens pour fomenter des troubles et tenter de déstabiliser le régime. Il faut dire que les commentaires enfiévrés du président américain Donald Trump aussi bien sur la nature de l'Etat iranien qualifié d' «Etat voyou» que sur l' «heure du changement» sont de nature à conforter les arguments de Téhéran quant à l'exécution d'un complot israélo-américano-saoudien visant à saper la stabilité de l'Iran. Depuis des mois, la tension est allée crescendo entre Téhéran, fortement engagé dans le conflit syrien aux côtés du régime dont la coalition internationale conduite par les Etats-Unis souhaite l'effondrement, et le tandem Etats-Unis-Israël aligné sur l'Arabie saoudite. Au lendemain même de la visite à Riyadh du président américain, le ton est encore monté, de part et d'autre, et des signes alarmants se sont multipliés qui témoignent de la forte dégradation des relations entre les parties en conflit. Trump à peine entré à la Maison-Blanche n'a pas caché son intention de bloquer par tous les moyens l'accord sur le nucléaire iranien, conformément aux voeux de Netanyahu, et il s'est employé sans relâche à aggraver les motifs de discorde entre Washington et Téhéran. Visiblement, il cherche maintenant à exploiter les troubles qui ont endeuillé durant plusieurs jours l'Iran, par le biais de réunions au Conseil de sécurité et au Conseil des droits de l'homme de l'ONU, pour y rechercher une condamnation formelle du régime iranien. Ce serait là un premier pas dans la mise en oeuvre d'une agression militaire qui viserait, en premier lieu, les infrastructures nucléaires du pays dont Israël a fait un abcès de fixation et que le président Trump s'est engagé à neutraliser. Tel est le sens du branle-bas de combat autour des manifestations qui ont secoué l'Iran depuis le 28 décembre dernier alors que le régime a riposté hier avec des contre-manifestations de masse à Ahvaz (sud-ouest), Arak (centre), Ilam (ouest), Gorgan (nord), ou encore Kermanshah (ouest). Le fait est que toutes ces marches ont eu lieu au moment où Téhéran, la capitale, retrouvait un calme qui contrastait fortement avec les nuits précédentes alors que les autorités indiquaient la mort de 21 personne dont une majorité de manifestants et plus de 400 arrestations. Si le président Rohani qui a évoqué «une petite minorité» de fauteurs de troubles et l'ayatollah Khamenei qui a mis en garde contre «les ennemis de l'Iran» ont fait référence à la riposte du peuple iranien à ce qu'ils qualifient de «provocation», le chef de file du principal groupe réformateur, l'ancien président Mohammad Khatami, a pour sa part condamné les violences et mis en garde contre «la duperie des Etats-Unis». Une condamnation qui est exprimée avec force par la grande majorité des Iraniens, même si nombreux sont ceux qui disent comprendre les frustrations socio-économiques dans un pays soumis depuis de nombreuses années à des sanctions et confronté à la chute drastique des cours des hydrocarbures. Au moment où les pays occidentaux s'emploient à demander des comptes au régime iranien sur la mort de 21 manifestants au cours des nuits de vandalisme et d'incendie des biens publics, la tension est retombée un peu partout dans le pays et il ne reste que les échanges acrimonieux entre les dirigeants iraniens et américains pour «accompagner» le retour au calme. Les autorités iraniennes indiquent que 450 arrestations ont eu lieu à Téhéran même et plusieurs centaines d'autres dans les villes de province, laissant entendre par ailleurs que les Moudjahidine du peuple, un groupe d'opposants au régime qui les qualifie de terroristes et de «mounafikine», sont à l'origine des violences et obéissent aux injonctions de l'Arabie saoudite. A tel point que le président Rohani a demandé, lors d'un entretien téléphonique avec son homologue français, leur expulsion de France où ils bénéficient d'une représentation légale. Le report du voyage du ministre français des AE à Téhéran, dans le cadre de la préparation de la première visite officielle d'un chef d'Etat français en Iran depuis plus de vingt ans, est un signe de la complexité aggravée de la situation, au moment où Washington s'emploie à remettre en cause l'accord de 2015 sur le nucléaire et à rassembler une éventuelle coalition dans le but de briser la puissance régionale émergente qu'est devenu l'Iran.