Difficile d'évoquer Aziz au passé quand on a maintes fois côtoyé l'artiste... Batteur émérite du groupe Sinouj, Aziz Djemam s'était forgé une réputation solide dans le milieu musical et la scène jazz en particulier. Difficile de parler de ce musicien au passé quand on a maintes fois côtoyé l'artiste, enfin l'homme intègre et passionné qu'il était par ce qu'il faisait. Ce Constantinois ne se contentait pas de se produire dans le monde et en Europe mais voulait le meilleur pour la ville des Ponts suspendus qui l'a vu grandir. Aziz était devenu le directeur artistique et un des organisateurs aux côtés de l'Association Limma, du Festival international Dima Jazz dont un Karim Ziad, l'autre icône international de la batterie était devenu le parrain et l'invité de marque habituelle. Aujourd'hui, la musique perd une valeur sûre, une pointure en matière de jeu et de maîtrise scénique. Constantine perd un enfant inestimable qui, au fil des années, a su gagner la confiance d'un public jeune et diversifié. Les familles avaient repris goût aux sorties nocturnes et aux joies de la musique. Une fois n'est pas coutume, Azizi Djemam et ses potes avaient gagné en «fidélité et crédibilité». Comment le festival va-t-il suivre sans lui? On ne voulait pas y croire mais pourtant c'est la triste vérité. Aziz Djemam est décédé vendredi soir vers minuit suite à une longue maladie qui l'a terrassé et l'a obligé à s'aliter pendant trois jours. Jusqu'à présent on ne connaît pas exactement la nature de cette maladie qui a eu raison pourtant de ce costaud de Aziz parti à l'âge de 33 ans! Garçon affable et discret, méticuleux et généreux, on se souvient de lui abondant de discussions sur ses projets et ses aventures fructueuses à l'étranger, notamment sa rencontre avec le batteur Stephan Galland du groupe AkaMoon, lequel musicien belge était devenu un très bon ami à Aziz. C'était un certain été 2003 à Tunis, où on s'était attablé dans un café en plein coeur de la ville, dehors, la chicha goût de pomme ne nous quittait plus. Avec nous, ses musiciens émérites tunisiens qui longtemps se sont produits avec Sinouj, notamment lors des différents festivals de jazz de Tabarka. Avec Habib Samendi, le percussionniste deluré et Sofiane Benyoucef, joueur à la tabla indienne et claviériste, notamment, Aziz refaisait le monde musical, lui qui devait avoir toute la vie devant lui. Un acharné du travail, Aziz était quelqu'un d'assez méfiant. Il n'a pas eu la vie facile d'où la rage de vaincre qui le caractérisait. La musique pour ainsi dire était quasiment toute sa vie où seul, derrière sa batterie, il pouvait enfin donner libre cours à sa folie et donner du plaisir aux autres. Aziz le rêveur aimait multiplier les expériences et les rencontres. Il animait différents master class ici et ailleurs. La dernière sortie en date de son groupe, Sinouj, fut cette prestation remarquée et originale où le groupe croisera son talent à celui du trio L'Ame des poètes. Durant le festival culturel du mois européen qui se tient chaque mois de mai Sinouj avait su imprégner au son jazz les couleurs orientales et locales du malouf. Batteur époustouflant, Aziz n'est plus. La nouvelle a fait l'effet d'un choc. Malgré ses détracteurs qui jalousaient son travail, il continuait son petit bonhomme de chemin, toujours en réfléchissant à donner le meilleur. Il pensait déjà à la préparation de la prochaine édition du festival Dima jazz... Aziz Djemam a été inhumé hier à Jillel. Que Dieu ait son âme. Aziz aura laissé une trace indélébile dans l'univers du jazz, que l'on n'oubliera pas de sitôt.