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Zarkaoui, le nouveau visage d'Al Qaîda
Publication L'insaisissable Abou Moussab
Publié dans El Watan le 17 - 05 - 2005

Depuis deux ans, son nom revient à travers presque tous les attentats perpétrés en Irak. Les plus meurtriers contre la police irakienne ces derniers jours ont été revendiqués par le groupe d'Abou Moussab Zarkaoui, considéré comme le chef du réseau d'Al Qaîda en Irak.
Celui-ci serait d'ailleurs sur le point de ravir la vedette au fondateur même et dirigeant de la nébuleuse terroriste Oussama Ben Laden. Les Américains auraient promis 25 millions de dollars pour sa capture. Il aurait même échappé de peu à son arrestation lors de la dernière offensive sur la ville de Ramadi. Le livre de Jean Charles Brisard avec la collaboration de Damien essaie de dresser les contours de l'homme le plus recherché par les services américains et britanniques en Irak qu'ils associent volontiers au nouveau visage d'Al Qaîda. Jean Charles Brisard n'est pas un inconnu dans les milieux qui s'intéressent de près aux questions liées au terrorisme. Cet expert international est chargé depuis 2002 par les milliers de parents de victimes du 11 septembre, de diriger l'enquête sur les réseaux de soutien au groupe Al Qaîda. Il est l'auteur avec Guillaume Dasquié de Ben Laden, la vérité interdite paru en 2001 chez Denoël. Quant à Damien Martinez qui a collaboré à cette enquête, il est spécialiste du terrorisme islamiste. C'est dire qu'aussi bien le premier que le second n'en sont pas à leur coup d'essai. Tout est donc parti de l'enquête sur le 11 septembre. Une équipe d'une quinzaine d'agents est déployée aussi en Afghanistan, au Pakistan, au Yémen, en Bosnie et en Tchétchénie à la recherche du moindre indice, de la moindre information concernant les réseaux terroristes islamistes.
Hasard d'archives
Et c'est tout à fait par hasard qu'apparaît en 2002 le nom de Zarkaoui dans des archives abandonnées par les talibans en Afghanistan. Plus tard, celui-ci sera associé à presque tous les attentats commis en Irak aussi bien contre les troupes de la coalition, les civils étrangers que les Irakiens. Abou Moussab, de son vrai nom Ahmed Fadil Nazzal El Kalayleh, est né le 20 octobre 1966 à Zarka en Jordanie. La localité jordanienne pour ceux qui s'en souviennent fut l'endroit où deux avions de ligne, détournés ou plutôt trois, par le Front populaire de libération de la Palestine du docteur George Habbache ont été explosés en septembre 1970 donnant ainsi le coup d'envoi d'une vaste opération de répression antipalestinienne ordonnée par le roi Hussein de Jordanie marquée à tout jamais dans la mémoire de Palestiniens sous le signe de « septembre noir ». Il convient de signaler pourtant qu'Abou Moussab n'est pas d'origine palestinienne, puisque sa famille s'est sédentarisée dans la région depuis près de deux siècles. Les études secondaires interrompues très tôt, il devient ouvrier. Dans les années 1980, il fréquente la mosquée après avoir été auparavant un délinquant. Très vite, il est tenté par l'aventure en Afghanistan, ce qui l'amène à fréquenter assidûment les courants salafistes de la banlieue d'Amman. En 1989, il part pour l'Afghanistan via le Pakistan. Non loin de Peshawar où Oussama Ben Laden avait déjà établi ses bases, il côtoie d'autres djihadistes venus de pays arabes. Lorsqu'il arrive en Afghanistan, les combats contre les Soviétiques avaient déjà pris fin. Il assiste néanmoins aux combats fratricides jusqu'à la chute de Kaboul entre les mains des talibans. Entre-temps, il effectue plusieurs allers-retours entre l'Afghanistan et le Pakistan. Au cours de cette période, il fait la connaissance de plusieurs personnalités dont Issam Mohammed Taher Barqaoui, alias Abou Mohammed Al Maqdisi, qui deviendra à partir de 1992 son père spirituel et qui fut jusqu'à son incarcération un des penseurs les plus influents du courant djihadiste. Il s'imprègne alors des idées salafistes, prend part aux côtés des partisans de Gulbudin Hekmetyar et fréquente des camps d'entraînement où il parfait sa formation militaire. Il retourne en Jordanie en 1993 où il ouvre un commerce et renoue avec Al Maqdisi et monte un groupe terroriste Bay'at El Imam (Allégeance à l'imam). Le régime avait choisi dès les débuts des années 1990 de pratiquer une ouverture en direction des islamistes. Des groupes armés qui n'ont pas caché leur hostilité à la monarchie se sont constitués dans la foulée. En 1994 il est arrêté et emprisonné en Jordanie, deux plus tard il est condamné à 15 ans de prison. Après la mort du roi Hussein et l'accession de Abdallah au trône hachémite, il est gracié en 1999 et sort de prison la même année. Il s'installe de nouveau en Afghanistan. Entre 1999 et 2000, Abou Moussab s'affirme comme un membre important du dispositif mis en place par Ben Laden en Afghanistan. Une année plus tard, il prête même allégeance à ce dernier, une exigence, semble-t-il, des talibans posée comme condition préalable à tous les djihadistes arabes se trouvant en Afghanistan. A partir de ce territoire, il projette une série d'attentats en Jordanie. Il est d'ailleurs condamné par contumace par Amman pour sa participation au complot dit du Millenium. A l'automne 2001, il se trouve en Afghanistan au début de l'opération Liberté immuable.
Refuge en Syrie
Blessé lors des bombardements américains, il se réfugie en Iran jusqu'à son rétablissement en 2002 pour rejoindre l'Irak plus exactement la région du Kurdistan où il participe à l'installation de réseaux terroristes dont les ramifications de soutien s'étendent jusqu'en Europe. Il rencontre le mollah Krekar et scelle leur alliance. On le signale ensuite en Irak, en Syrie et clandestinement présent en Jordanie. Le 28 octobre 2002, le diplomate américain Laurence Foley est assassiné à Amman, un attentat attribué à Abou Moussab Zarkaoui. Le 5 février 2003 dans son discours devant le Conseil de sécurité de l'ONU, le secrétaire d'Etat américain décrit Abou Moussab comme le lien entre Al Qaîda et le régime de Saddam Hussein. Après le début de l'offensive de la coalition en Irak, un attentat contre l'ambassade de Jordanie attribué à Zarkaoui fait 14 morts. Au début de l'année 2004, une lettre saisie par les troupes américaines et attribuée à Abou Moussab revendique l'essentiel des attentats menées en Irak. Plusieurs sites Internet appellent au djihad en Irak sous la direction de Zarkaoui. L'exécution de l'otage américain Nicholas Berg est attribuée à Zarkaoui qui revendique également l'assassinat de Izzadine Salim, président du Conseil de gouvernement irakien. Plusieurs exécutions d'otages sont revendiquées par son groupe. En octobre 2004, l'état-major américain estimait qu'Abou Moussab serait responsable de la mort de 675 Irakiens et de 40 étrangers. En novembre et avril 2004 les offensives de la coalition sur Falloujah ne parviennent pas à neutraliser Abou Moussab et son groupe qui se fait appeler depuis le Comité d'Al Qaîda pour le djihad en Mésopotamie. Il y a quelques jours à peine, le général américain Richard Myers, chef de l'état-major interarmées américain, a affirmé que les forces américaines en Irak avaient été « proches » de le capturer, probablement, comme l'a prétendu la chaîne ABC, le 20 février dernier près de Ramadi, dans l'ouest de l'Irak.
Zarkaoui. Le nouveau visage d'Al Qaîda Jean-Charles Brisard et Damien Martinez Editions Fayard/- 337 pages


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