«Il faut placer le savoir qui est l'objet de l'école, au-dessus des pressions politiques» La ministre estime qu'il ne faut plus plier devant des mouvements de grève, mais répondre en prenant des mesures. La ministre de l'Education nationale, Nouria Benghabrit, a décidé de se montrer ferme, de ne pas plier devant le chantage du Conseil national autonome du personnel enseignant du secteur ternaire de l'éducation (Cnapeste). Elle refuse la prise en otage de milliers d'élèves par ce syndicat, qui ne formule comme revendication que celle d'«une atteinte à la dignité» et exige «le licenciement de deux fonctionnaires de la direction de l'éducation». Estimant que ces raisons ne justifient nullement le recours à une grève illimitée qui dure depuis près de deux mois, Nouria Benghabrit a annoncé, hier, sur les ondes de la Chaîne 3, avoir instruit les directions de l'éducation de Tizi Ouzou et de Blida, où une grève paralyse également les écoles, de recruter des vacataires et faire appel aux retraités pour assurer la continuité du service. Elle va expliquer sa décision en affirmant que ces mouvements de protestation sont loin d'être «un bras de fer entre le ministère et le syndicat sur des questions professionnelles». En fait, les problèmes soulevés par le syndicat à Tizi Ouzou et à Blida sont des problèmes de droit commun «au lieu de déposer plainte on se retourne contre le ministère de l'Education» s'est étonnée la ministre et à juste titre, ne manquant d'ailleurs pas de relever que «la lutte pour la dignité valable à Tizi Ouzou n'est pas la lutte valable à Blida. Ce un poids, deux mesures mérite qu'on aille au fond du sujet et ne pas considérer que ces grèves sont un bras de fer entre le ministère et le syndicat». Le diagnostic est sans appel «il y a un vrai malaise au niveau du secteur de l'éducation. Les fonctionnaires ne savent pas dialoguer entre eux. Les problèmes que nous vivons dans l'éducation sont des problèmes d'ordre relationnel plus que professionnel». Selon Mme Benghabrit «il faut placer le savoir qui est l'objet de l'école au-dessus des pressions politiques. Aujourd'hui, certains surfent sur un contexte particulier et c'est là le danger». Face à ce danger la ministre ne manque pas alors de proposer une solution radicale «c'est peut-être le moment de demander d'introduire un texte de loi interdisant la grève dans le secteur de l'Education nationale». La ministre estime donc qu'il ne faut plus plier devant des mouvements de grève, mais répondre en prenant des mesures. La grève qui perdure depuis près de deux mois dans les lycées à Tizi Ouzou est inquiétante, à plus d'un titre et la décision du Cnapeste de prendre en otage des milliers d'élèves pour résoudre le cas de l'agression d'une enseignante est loin d'être la solution idoine. Le syndicat aurait pu recourir à la justice pour régler un tel différend. Il est vrai aussi que la direction de l'éducation de Tizi Ouzou aurait pu afficher sa neutralité face à ce dossier, en décidant de suspendre les deux fonctionnaires mis en cause, jusqu'à ce que la justice se prononce. La tutelle et à sa tête, la ministre de l'Education nationale, doit se montrer très ferme pour bannir toute agression, de surcroît quand celle-ci se produit dans un établissement éducatif. User de la fermeté face à l'agression subie aurait peut-être permis de faire baisser les tensions et calmer les esprits. Mais, il est vrai que lorsque l'entêtement l'emporte sur la raison, Benghabrit a le devoir de préserver l'année scolaire des élèves de la ville de Tizi Ouzou et de Blida en faisant appel à des vacataires et des retraités. La décision de Benghabrit va soulager des milliers de parents qui n'ont cessé d'appeler à la raison en recourant même à l'organisation de marches. Elle ne sera cependant pas du goût des syndicats qui ne manqueront pas d'y voir une remise en cause d'un acquis international des travailleurs. En effet, le droit à la grève est consacré depuis plus de 70 ans pour les fonctionnaires et il n'est pas évident de remettre en cause un tel acquis, même si l'intention est bonne. Car la fin ne justifie pas les moyens et quel que soit l'objectif visé, un moyen efficace d'atteindre cet objectif n'est pas toujours un moyen légitime. Il est clair donc, que même si la fin est présumée bonne, tous les moyens ne sont pas admis. Mme Benghabrit a sûrement le droit, le devoir même, de penser aux moyens de préserver l'avenir des enfants. Mais la préservation de cet avenir en recourant à l'instauration d'une loi interdisant le recours à la grève dans le secteur de l'éducation, risque d'envenimer la situation et d'attiser le feu plus que de calmer les esprits.