Palestiniens et Israéliens se préparent, chacun à sa manière, aux prochaines échéances. Soumis à de multiples pressions, internationales et locales (de la part de Hamas et du Jihad islamique), le président palestinien, Mahmoud Abbas, a décidé de s'installer sur place, d'où il supervisera les préparatifs du désengagement israélien de la bande de Ghaza. En s'installant à Ghaza, où il est depuis lundi, le président palestinien a enclenché, pour ainsi dire, le compte à rebours d'un retrait gros de plusieurs risques. Expliquant sa décision de s'établir à Ghaza, M.Abbas a déclaré à la Radio palestinienne: «Je me rends maintenant à Ghaza pour y rester pendant toute la période du désengagement et en suivre tous les détails» ajoutant: «J'aurai des contacts avec toutes les parties palestiniennes». De fait, la principale préoccupation d'Abou Mazen est que le prochain désengagement israélien se fasse dans l'ordre et dans le calme. Un pari à risque d'autant plus que M.Abbas doit faire face à la surenchère des islamistes de Hamas et du Jihad islamique. En fait, les dirigeants palestiniens sont en réalité peu rassurés sur la (les) suite (s) qu'Israël compte donner à l'après-Ghaza et les intentions réelles de Sharon. Ce dernier va-t-il se limiter à cette unique action ou d'autres vont-elles suivre pour donner au processus de paix son contenu réel? C'est là une appréhension que Mahmoud Abbas n'a pas manqué de soulever dans des déclarations publiées hier par le quotidien émirati Al-Khalij, dans lesquelles le président palestinien affirme que le Premier ministre israélien, (Ariel Sharon), montrerait son refus de la paix s'il ne procédait pas à d'autres retraits après l'évacuation de la bande de Ghaza, indiquant: «Nous savons que Sharon veut un Etat (palestinien) avec des frontières temporaires et peut-être même seulement un retrait de la bande de Ghaza, mais cela signifierait qu'il ne veut pas la paix». Ainsi, ajoute M.Abbas, «Nous refusons totalement l'idée (d'une entité) que l'on nommera «Etat de Gaza» et une autre «Etat de Cisjordanie» », et de poursuivre «Nous craignons que la bande de Ghaza ne se transforme en une grande prison si elle n'est pas ouverte au monde extérieur et au reste de la nation (palestinienne) à l'intérieur» en référence à la Cisjordanie. Evoquant ce que les Palestiniens appellent «un passage sûr». M.Abbas affirme que la mise sur place d'un tel schéma « (...) est (...) stipulé dans les accords (israélo-palestiniens) d'Oslo et nous insistons pour son application. Sinon, nous poursuivrons nos efforts pour qu'il soit appliqué dans le futur proche». Le président palestinien affirme par ailleurs que «La véritable paix signifie la fin de l'occupation de tous les territoires palestiniens et le règlement de toutes les questions sur le statut définitif, dont celle de Jérusalem et des réfugiés». Et M.Abbas d'insister: «Si Sharon veut la paix, alors il doit suivre ce chemin, et s'il ne veut pas, alors c'est son affaire et cela signifie qu'il assumera la responsabilité des troubles dans la région et dans le monde». Par ailleurs, au plan sécuritaire, les dirigeants palestiniens s'attendent à faire face à maintes difficultés. Ce qu'admettait hier le Premier ministre palestinien, Ahmed Qoreï, qui a indiqué à ce propos que le retrait israélien de la bande de Ghaza posera à ses services de sécurité «un sérieux défi», ceux-ci devant montrer leurs capacités à prendre la relève de l'armée israélienne et à combler le vide ainsi laissé. «Vous êtes face à un défi sérieux lorsqu'il s'agit d'agir pour que l'occupation prenne fin et ne recommence plus», a déclaré M.Qoreï à des membres de la sécurité palestinienne lors d'une visite à une base d'entraînement dans la bande de Ghaza. «Cela ne pourra être possible que par votre volonté d'imposer la sécurité et le respect de la loi, de sorte que ce retrait se déroule pacifiquement», a-t-il indiqué. «Nous ne tolérerons pas un retour de l'occupation que nous haïssons, et nous sommes face à un défi important car nous voulons prouver au monde entier que notre peuple est capable de tenir ce pari» a encore dit M.Qoreï qui affirme par ailleurs: «C'est un début, ce qui revient à dire au monde entier que nous sommes prêts à assumer aujourd'hui le contrôle à Ghaza, demain à Jérusalem, et à créer un Etat palestinien indépendant ayant Jérusalem pour capitale». Dans ce même contexte de désengagement israélien, le ministre israélien de la Défense, Shaoul Mofaz, s'exprimant dans une interview au journal israélien Yediot Aharonot a déclaré qu'il n'y aurait plus de militaires israéliens dans la bande de Ghaza d'ici à deux mois, confirmant d'autre part que l'armée israélienne quitterait le couloir dit de Philadelphie, séparant la bande de Ghaza d'avec l'Egypte, au moment où elle se retirerait de tout ce territoire. «Je n'ai pas l'intention de maintenir des forces sur le couloir de Philadelphie. Je ne laisserai pas là-bas une enclave israélienne», a dit le responsable militaire israélien. Celui-ci a encore affirmé: «En ce qui me concerne, nous serons hors de ce couloir lorsque l'évacuation sera achevée, avant le Rosh Hashana» (le nouvel an juif, début octobre). Des deux côtés, le compte à rebours pour le retrait (prévu à partir du 17 août) semble avoir été donné, reste à voir comment cela va se dérouler sur le terrain. Ce qui est une tout autre histoire.