Une timide ouverture a débouché, cette année, sur les premières élections locales de l'histoire de la dynastie wahhabite. Le nouveau roi d'Arabie Saoudite prend officiellement les rênes d'un pays en butte à de grandes difficultés internes. Principal concerné par le projet américain du Grand Moyen-Orient (GMO), l'Arabie Saoudite est prise dans l'obligation d'engager des réformes politiques, essentielles aux yeux des Etats-Unis, d'un côté, tout en faisant face à une poussée de la violence terroriste qui donne du royaume l'image d'un pays piégé par ses propres contradictions. Le défunt roi, ami de longue date de la famille Bush, était un allié encombrant de l'Amérique du fait des accusations portées contre l'Arabie Saoudite quant aux fondements idéologiques du régime à Riyad. En effet, le wahhabisme, qualifié de matrice du terrorisme islamiste international, devait à tout prix se débarrasser du conservatisme qui le caractérise pour que l'Arabie Saoudite puisse s'insérer dans la logique américaine de lutte tous azimuts contre le terrorisme. Amorcer des réformes dans un sens d'ouverture à l'universalisme équivaudrait à se faire violence pour un régime qui a de tout temps prôné une application stricte de la charia, jusqu'à paraître aux yeux de nombreux observateurs comme moyenâgeux. Et c'est donc sous la pression que le royaume a entamé une démocratisation «étroitement contrôlée» des institutions de la monarchie. Une timide ouverture qui a donné lieu, cette année, aux premières élections locales de l'histoire de la dynastie wahhabite. Cependant, cette évolution du comportement politique du royaume a aggravé la crise larvée dans laquelle se débat le pays depuis les attentats du 11 septembre 2001. Faut-il signaler que cette date a été ressentie comme un séisme en Arabie Saoudite, pour la simple raison que 11 des terroristes derrière les attentats étaient de nationalité saoudienne. Du seul fait que le courant intégriste s'impose comme une force politique incontournable, cela n'arrange manifestement pas les affaires du palais royal qui, dans un souci d'éviter les foudres de l'allié américain, tente de lui donner le change, sans avoir à céder sur l'essentiel, à savoir, le pouvoir. Les moments de grand froid entre les Etats-Unis et l'Arabie Saoudite, constituent la première source des problèmes internes des Wahhabites. Et paradoxalement, les périodes de «grande amitié» sont à l'origine de ses «démêlés» avec le bras armé de l'islamisme international. Aussi, peut-on dire, que le défunt roi Fahd laisse un pays entre le marteau et l'enclume, à la lisière d'une crise dure, que certains observateurs n'hésitent pas à considérer comme incontournable au vu de la complexité de la situation du premier producteur de pétrole au monde. Ce statut qui fait de l'Arabie Saoudite l'une des nations les plus riches, la met également au centre d'enjeux géopolitiques des plus importants en ce début de troisième millénaire. Ces problèmes viennent également de cet état de fait qui veut que la stabilité de toute la région du Moyen-Orient, voire du monde est intimement liée avec la situation dans ce pays. Lequel connaît, en plus d'une crise politique qui ne dit pas son nom et d'une situation sécuritaire de plus en plus périlleuse, un certain marasme économique découlant de la décennie des années 90 qui a vu les cours du pétrole faire une «plongée» historique. Pendant ces années le BIP du pays a perdu beaucoup de points. Le redressement des prix de l'or noir, ces quatre dernières années, donne à l'Arabie Saoudite l'opportunité de souffler, voire d'espérer une issue heureuse à sa crise. Seulement, les observateurs sont unanimes à estimer que le problème n°1 de ce royaume n'est, en fait, pas en rapport avec l'économie, mais relève d'une profonde contradiction entre les exigences américaines et le jusqu'au-boutisme de l'islamisme radical qui mine le pays. Le roi Abdallah saura-t-il nager en d'aussi troubles eaux ? En tout cas, l'homme est à la barre de son pays depuis plus d'une décennie déjà. Et il est fort probable que l'Arabie Saoudite continue pendant encore des décades à gérer un équilibre plus que précaire.