L'Arabie saoudite enterrait hier son souverain, mort lundi, et investira aujourd'hui le nouveau roi. Les obsèques du roi Fahd Ben Abdelaziz, décédé lundi à l'âge de 84 ans, et un règne de 23 ans, ont eu lieu hier dans la sobriété en présence de plusieurs chefs d'Etat arabes et musulmans, dont le président Abdelaziz Bouteflika, et étrangers. Pour parer à toute surprise, les autorités saoudiennes ont pris des mesures draconiennes pour assurer la sécurité des chefs d'Etat et têtes couronnées présents à Riyad. Un porte-parole du ministère saoudien de l'Intérieur, Mansour Al-Turki, a ainsi indiqué hier que de «strictes mesures de sécurité seront prises le long des routes qui seront empruntées par les convois des dignitaires et sur le lieu des obsèques». Pour cause protocolaire et sécuritaire, mais aussi du fait de l'idéologie conservatrice du royaume, les dirigeants arabes et musulmans devaient présenter leurs condoléances à la mosquée, après la prière de l'Absent, tandis que les autres dignitaires étrangers présents à Riyad ont été conviés à une cérémonie officielle de condoléances au Palais royal. La formule: le roi est mort, vive le roi a trouvé toute son actualité dans la déclaration du grand muphti d'Arabie Saoudite, Cheikh Abdelaziz Al-Cheikh, appelant hier les Saoudiens à faire allégeance au nouveau roi Abdallah Ben Abdelaziz et à son prince héritier Sultan Ben Abdelaziz qui seront investis aujourd'hui, rapportaient hier les journaux saoudiens. «Nous avons été encouragés de voir cet accord magnifique (au sein de la famille royale)» pour désigner le nouveau roi Abdallah, qui dirigeait de facto le royaume depuis 1995 et le prince héritier, a-t-il déclaré affirmant: «Nous appelons les musulmans à leur faire acte d'allégeance» a indiqué le muphti, qui a, selon le protocole royal saoudien, dirigé, hier, les prières lors des obsèques sobres du roi Fahd.Toutefois, la situation internationale et au plan interne ne laisse pas au nouveau souverain saoudien le temps de se retourner, lequel doit d'ores et déjà se positionner sur un certain nombre de problèmes qui interpellent la communauté internationale, notamment la lutte antiterroriste et la flambée des prix du pétrole. Ainsi, selon le chargé d'affaires de l'ambassade saoudienne à Washington, Rehab Massoud, le royaume wahhabite va renforcer sa coopération dans la lutte contre le terrorisme avec les Etats-Unis, déclarant: «L'Arabie saoudite ne cautionnera pas un culte démoniaque utilisant l'Islam comme une excuse pour pratiquer des violences massives» lors d'une conférence de presse convoquée pour souligner les liens étroits entre Washington et le nouveau souverain Saoudien. Le diplomate saoudien a, entre autres, rappelé que lors de sa dernière rencontre avec le président américain George W. Bush en avril, le roi Abdallah, qui était alors prince héritier, avait «renouvelé le désir de l'Arabie saoudite d'être un allié non seulement au plan économique mais aussi dans la guerre contre le terrorisme». De fait, anticipant sur la réaction des marchés pétroliers -l'indice du brut a augmenté d'un point, dépassant à nouveau les 61 dollars le baril, dès l'annonce du décès du roi Fahd - et dans le but de les rassurer, le roi Abdallah, dans sa toute première déclaration en tant que souverain saoudien, a immédiatement annoncé le maintien à leurs postes des membres du gouvernement et des responsables ont assuré que la politique pétrolière du pays ne changerait pas. La passation de pouvoirs s'est faite en douceur du fait même que le prince héritier - assurant de facto le pouvoir depuis onze ans - a surtout été confirmé dans sa nouvelle position de souverain du royaume wahhabite. Mais cela ne doit pas faire perdre de vue les difficultés qui attendent le nouveau roi du fait que lui-même - qui est à l'âge avancé de 82 ans - est de santé fragile ayant même été hospitalisé pour des complications cardiaques, l'an dernier. Le prince héritier désigné par le roi Abdallah, Sultan Ben Abdelaziz, actuel ministre de la Défense et Premier vice-Premier ministre, âgé de 77 ans, pose, ou posera à terme la problématique de la succession au trône des Al-Saoud. De fait, depuis la mort du roi Abdelaziz Al-Saoud en 1953, la succession se fait parmi sa nombreuse descendance et par droit d'aînesse. Cette succession dynastique fait que c'est toujours l'aîné parmi les fils Al-Saoud qui succède au roi défunt. Depuis 1953, quatre fils - Saoud, Fayçal, Khaled, Fahd - ont ainsi succédé au fondateur du royaume. Abdallah est le cinquième fils d'Al-Saoud à monter sur le trône dynastique. Le roi Fahd avait songé un moment à modifier l'ordre de succession sans qu'il aille au bout de sa pensée quand il a laissé entendre -au début de son règne - que c'est au plus compétent d'entre les héritiers - ce qui veut dire pas forcément l'aîné - que doit revenir le sceptre de la dynastie Saoudite. Ce dépoussiérage de l'ordre de succession n'a finalement pas eu lieu et c'est le consensus familial qui continue à faire loi, alors que les fils directs d'Al-Saoud se font vieux, le plus jeune d'entre eux ayant déjà plus de 60 ans. De fait, tous les observateurs ont relevé que le roi Abdallah qui a confirmé le prince héritier Sultan Ben Abdelaziz dans l'ordre de succession n'a pas, en revanche, désigné le prince héritier en second, comme cela a été le cas pour lui-même désigné en 1982 par le roi Khaled second prince héritier derrière le prince héritier en titre, Fahd. En tout état de cause, après la disparition du roi Fahd et au vu de l'âge avancé du nouveau roi Abdallah et de son successeur, le prince Sultan, le royaume hérité de Abdelaziz Al-Saoud se met en stand-by, se préparant à des jours difficiles..