Les Syriens ont-ils manqué le rendez-vous de Sotchi? Tout le laisse supputer eu égard aux défections, notamment des Kurdes et d'une partie de l'opposition. Aussi, Sotchi est-elle une simple escale, ou la station terminus qui donnera enfin aux Syriens de se parler? En fait, rien de moins sûr si l'on excipe des faux-bonds et autres faux problèmes ayant émaillé les retrouvailles des Syriens dans la station balnéaire russe de la mer Noire. Genève, Astana, Vienne ont été autant d'étapes du parcours à obstacles pour trouver une issue au conflit syrien et rapprocher les frères ennemis syriens. Rien n'y fit et, à l'évidence, les efforts de Moscou n'ont pas été récompensés à l'aune de la peine que la Russie se donne - s'est donnée - pour arriver à enclencher le dialogue salvateur. A Sotchi, mardi, c'était loin d'être le cas. Il est patent que, psychologiquement, les Syriens n'étaient pas prêts à franchir le pas qui libère, le pas qui leur aurait permis de mettre carte sur table et de se parler les yeux dans les yeux. A l'évidence, on n'en est pas là. Ainsi, une partie de l'«opposition» présente à Sotchi a décidé, au dernier moment, de rebrousser chemin et ne pas assister au «Congrès de la paix du peuple syrien». Le prétexte? Un drapeau! L'opposition était offusquée que son «drapeau» n'ait pas été présent aux côtés de l'étendard officiel syrien. Ce drapeau semblait donc plus important aux yeux de cette «opposition» que la recherche de la paix. En fait, à Sotchi, il y avait comme un défaut: qui étaient les Syriens? Et qui parlait au nom de la Syrie? Ainsi le gouvernement de Damas - représenté par le conseiller diplomatique du président syrien - ne serait que l'une des parties prenantes du dialogue et, semble-t-il, ne pouvait s'exprimer - du moins selon certains opposants qui lui dénient cette qualité - au nom du peuple syrien. Or, il se trouve que les groupes d'opposition, notamment, semblaient plus représenter des parrains que le peuple syrien. Ainsi, parmi les opposants, les rebelles parrainés par Ankara, ont quitté Sotchi mardi dernier avec fracas, se faisant représenter à la réunion par la délégation... turque présente dans la station balnéaire. De fait, la question qui se posait à Sotchi est «qui est qui?». Ainsi, il y avait des Syriens soutenus - outre par la Turquie - ceux adoubés par l'Arabie saoudite et le Qatar, ceux appuyés par les Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne et d'autres ne représentant qu'eux-mêmes. Ce qui symbolise tout ce que l'on veut, sauf le peuple syrien. Certes, la Syrie finira par reconnaître ses enfants dans ce fatras, mais encore? D'ailleurs, les Occidentaux invités par Moscou à participer au Congrès pour la paix en Syrie, ont refusé d'y assister. Ce qui n'est pas surprenant dès lors que l'Occident considère toute initiative (notamment pour le Moyen-Orient) qui ne vient pas de lui, comme suspecte, nulle et non avenue. Les Kurdes justifient leur absence au prétexte que, selon eux, la Russie se serait entendue avec la Turquie pour lui laisser la voie libre à Afrine, sous les raids de l'armée turque depuis le 20 janvier dernier. Abandonnés de tous, les autonomistes kurdes syriens se tournent vers Damas demandant sa protection. Auparavant, Nasr Hariri, porte-parole du Conseil de négociation syrien (Cns, un autre groupe d'opposants) avait annoncé - au lendemain de l'échec de la réunion de Vienne (sous l'égide de l'ONU) - qu'il boycottait la conférence de Sotchi, ajoutant que sans sa «présence» le «Congrès pour la paix en Syrie» n'avait pas de crédibilité. Antienne reprise par les médias occidentaux qui estimaient que sans la présence de l'Occident et de l'«opposition» [protégée par ce même Occident] Sotchi était vouée au fiasco. Un échec - si échec il y a - en fait programmé. Car dans cette passe d'armes, la paix en Syrie était le cadet des soucis des Occidentaux, leurs intérêts stratégiques et économiques primant sur toute autre considération. Il est patent que les Occidentaux, les monarchies du Golfe, la Turquie et Israël ont amplement contribué à la désunion des Syriens qui n'arrivent plus à savoir raison garder, jouant même avec le devenir de leur pays ballotté entre des intérêts qui sont loin d'être les leurs. Ainsi, on ne refuse pas de discuter pour la paix à cause d'un morceau de tissu aussi symbolique soit-il! Faut-il, comme le proposait un ancien président français, «pacifier» la Syrie dont les représentants n'arrivent pas, décidément, à s'entendre ne serait-ce que sur le minimum pour sauver leur pays? Dès lors, Sotchi aura surtout donné la mesure du fossé creusé entre les factions qui se disputent les dépouilles du pays du Cham. Qui incriminer dans ce grand gâchis?