Ce n'est pas la première fois qu'Ankara met l'Algérie au centre de ses démêlés avec Paris en lui rappelant son passé colonial. C'est l'hôpital qui se moque de la charité. En évoquant le passé colonial de la France en Algérie pour répliquer à la mise en garde française à propos de son intervention militaire française, Ankara ne pouvait échapper au sien. A sa propre histoire. Ce qui place l ́ancienne Régence turque d ́Alger et l'ancienne puissance coloniale française sur un terrain qui ne leur est pas méconnu. Dos à dos avec des différences certes, qui n'enlèvent rien au caractère de domination qui a prévalu et réduit les populations autochtones au rang de «citoyens» de seconde zone durant leur présence en Algérie. Une amnésie qui semble avoir frappé la Turquie qui involontairement et de manière maladroite ressuscite le coup d'Eventail. Un épisode peu glorieux qui a marqué la fin de sa présence sur le sol algérien. L'ancien Empire ottoman en garde certainement un très mauvais souvenir et une dent acérée contre la France qui l'a bouté d'un territoire qu'elle allait elle-même férocement coloniser durant plus de 130 années avant qu'elle n'en soit chassée à son tour après une guerre de Libération qui a fait l'admiration du monde et qui aura duré plus de sept longues années. C'est ce passé qu'évoque le pays d'Erdogan dès que la tension monte avec la capitale française. «Nous ne sommes pas la France qui a envahi l'Algérie... Les pays comme la France, n'ont pas de leçons à nous donner», a déclaré le chef de la diplomatie turque, Mevlüt Cavusoglu après la mise en garde du président français au sujet de l'intervention militaire turque en Syrie. «S'il s'avérait que cette opération devait prendre un autre tour qu'une action pour lutter contre un potentiel terroriste menaçant la frontière turque et que c'était une opération d'invasion, cette opération nous pose un problème réel» avait prévenu Emmanuel Macron. Ce n'est pas la première fois qu'Ankara met l'Algérie au centre de ses démêlés avec Paris en lui rappelant son passé colonial. Vers la fin de l'année 2011, Recep Tayyip Erdogan, Premier ministre à l'époque, s'était insurgé contre le vote par l'Assemblée nationale française d'une proposition de loi pénalisant la contestation du génocide arménien. «On estime que 15% de la population algérienne ont été massacrés par les Français à partir de 1945. Il s'agit d'un génocide», avait déclaré l'actuel président turc lors d'une conférence, faisant référence aux violences commises tout au long du processus d'indépendance de l'Algérie entre 1945 et 1962. «Si le président français ne sait pas qu'il y a eu un génocide, il peut demander à son père, Pal Sarkozy, qui a été légionnaire en Algérie dans les années 1940. Je suis sûr qu'il a beaucoup de choses à dire à son fils sur les massacres commis par les Français en Algérie», avait-il brutalement ajouté. Ce qui n'a pas empêché la Turquie, en 1955, à l'Assemblée générale des Nations unies, de s'aligner sur le point de vue français qui considère que la question algérienne est une affaire intérieure pour s'abstenir de voter en faveur du droit à l'autodétermination du peuple algérien. Ahmed Ouyahia, déjà Premier ministre à l'époque est sorti de ses gonds suite aux propos tenus par son homologue turc. «Nous disons à nos amis (turcs) de cesser de faire de la colonisation de l'Algérie un fonds de commerce», avait-il déclaré lors d'une conférence de presse animée le 7 janvier 2012 au siège de son parti. «Personne n'a le droit de faire du sang des Algériens un fonds de commerce», avait prévenu l'actuel patron de l'Exécutif. Pour nous Algériens, ce type de passe d'armes nous renvoie inévitablement à ce coup d'Eventail qui a provoqué la fin de la présence turque sur le sol algérien. Un passif non assaini entre deux ex-puissances colonisatrices qui ont comme signe distinctif d'avoir occupé l'Algérie.