Sur fond d'attentats meurtriers, les politiques engagent un difficile challenge autour de la loi fondamentale. L'Irak confrontée à la recrudescence de la violence induite par la série d'attentats ayant causé plus de quarante morts en deux jours doit, dans le même temps, trouver un consensus pour la mise en place de la future Constitution du pays. Dans des communiqués diffusés mardi sur des sites Internet, Al Qaîda a revendiqué les derniers attentats qui ont secoué Baghdad et des villes de l'intérieur, notamment hier et mardi. Mardi aussi est enfin arrivé à Baghdad le puissant chef kurde et président du Kurdistan autonome, Massoud Barzani, complétant la liste des responsables politiques irakiens appelés à trancher dans les différends et points litigieux apparus autour de la rédaction de la loi fondamentale. Parmi les 18 points recensés qui font problème, la position de l'islam dans la future Constitution et la question du fédéralisme apparaissent comme les plus complexes car engageant l'identité future de l'Etat irakien. Sur la question de la place de l'islam, les avis sont partagés, les Kurdes s'opposant catégoriquement à ce que l'islam soit religion d'Etat ou source principale de l'Etat, alors que la Constitution provisoire indique que l'islam est «l'une» des sources identitaires et d'inspiration de l'Irak. Il en est de même pour le fédéralisme, les sunnites s'opposent tout aussi fermement à l'érection d'un Etat fédéral réclamé par les Kurdes. Ces derniers veulent faire confirmer sur la nouvelle Constitution leur autonomie de fait. Les chiites, majoritaires dans le pays et trustant les principaux postes du pouvoir en Irak, semblent jouer les arbitres en adoptant des positions nuancées tant sur la question de l'islam que sur le fédéralisme auquel l'influent ayatollah, Ali Sistani, ne voit pas d'inconvénient à son institution du moment que l'unité de l'Irak soit garantie. De fait, les leaders politiques, enfin réunis au complet, n'ont pu commencer leur discussion que mardi, une séance ayant été programmée pour hier. Toutefois, le temps leur est compté car le texte constitutionnel doit être finalisé au plus tard le 12 août, demain, pour être déposé au Parlement au plus tard le 15 août date limite. Le porte-parole du président Jalal Talabani, qui a annoncé mardi le début des discussions, a indiqué «aujourd'hui (mardi), ils ont commencé à discuter des questions et des points à l'ordre du jour» ajoutant toutefois que «le débat ne va cependant pas aboutir ce soir à un accord ou un désaccord». Kamaran Garadaghi a réaffirmé, lors d'une conférence de presse, que les leaders politiques étaient «déterminés à obtenir un accord avant le 15 août». En effet, la Loi fondamentale (Constitution provisoire) stipule que le projet de Constitution soit remis au Parlement et adopté à la mi-août, avant la tenue d'un référendum à la mi-octobre. M.Talabani (kurde), le Premier ministre Ibrahim Al-Jaafari (chiite), le vice-Premier ministre Ahmed Chalabi (chiite), le député Fouad Massoum (kurde), Adnane Al-Janabi (sunnite) et le vice-président Adel Abdel Mahdi (chiite), ont participé à la rencontre, qui a ensuite été élargie à d'autres personnalités politiques dont l'un des chefs kurdes Massoud Barzani. Celui-ci, au début de la semaine dernière, avait déclaré qu'il irait à la convention - qui s'est ouverte mardi - pour défendre les positions kurdes, notamment le refus d'un Etat islamique, le maintien des peshmergas (les combattants kurdes), la revendication d'une partie des ressources naturelles du pays et l'article 58 de la Loi fondamentale, qui stipule le retour des Kurdes dans la ville pétrolière de Kirkouk. Autant dire que les Kurdes, qui insistent lourdement sur un Irak fédéral, veulent pérenniser le fait accompli de l'autonomie imposée par les coalisés lors de la guerre du Golfe de 1991. De fait, disposant d'un Parlement, d'un président, Massoud Barzani, d'un gouvernement autonome, d'un emblème national, et d'une armée (les peshmergas), le Kurdistan est un véritable Etat dans l'Etat irakien. C'est sans doute pour désamorcer un possible dérapage que l'ambassadeur américain en Irak, Zalmay Khalilzad, a pris les devants en assurant à la presse que M.Barzani «avait décidé de ne pas mettre en avant le droit des Kurdes à l'autodétermination». «Cette question n'est pas à l'ordre du jour», a insisté le diplomate américain. Mais il ne fait pas de doute qu'elle demeurera en arrière-fond du débat, car la question du fédéralisme renvoie directement (à terme) à l'autodétermination. Au plan sécuritaire, la situation reste dramatique, plus de 40 Irakiens ont été tués lors des dernières quarante-huit heures dans des attentats revendiqués par Al Qaîda. Le nouveau élément intervenu dans la crise irakienne sont les accusations répétées du secrétaire à la Défense américain, Donald Rumsfeld, contre l'Iran imputée d'alimenter en armes les groupes terroristes en Irak. Il l'a encore réitéré mardi: «Des armes venant sans aucune ambiguïté d'Iran ont été trouvées en Irak», sans qu'il mette toutefois en cause les autorités iraniennes. Un pas qui risquerait d'être franchi sans difficulté au moment où une campagne occidentale est menée contre Téhéran qui a repris lundi les activités «sensibles» de reconversion de l'uranium.