Des ordres d'expulsion ont été remis hier aux colons juifs par les soldats israéliens, mais les non-dits de ce désengagement restent nombreux. Les colons juifs qui ne sont pas partis de leur propre gré, avant lundi minuit, ont reçu hier des mains des soldats israéliens, qui ont fait le porte-à-porte, leur ordre d'expulsion avant d'être transférés -de gré ou de force ( ?)- vers Israël. Selon les estimations d'analystes israéliens, le transfert des colons juifs, au nombre de 8000, devra durer entre deux à trois semaines si, évidemment, tout se passe bien et que les extrémistes juifs ne rendent pas la situation plus compliquée qu'elle ne l'est déjà. Sur proposition du Premier ministre Ariel Sharon, -le même qui, notons-le, alors ministre de la Défense a, en 1981, obligé les colons juifs du Sinaï à quitter ce territoire égyptien après les accords de Camp David de 1979- Israël décide donc de mettre un terme, -après trente-huit années d'occupation-, à sa présence dans la bande de Ghaza. Mais la question récurrente qui revient à l'esprit est de savoir si ce désengagement ouvre, ou va ouvrir, la voie à une véritable mise en application du processus de paix entre Palestiniens et Israéliens, ou annonce-t-il, a contrario, la fin de tout espoir de paix avéré entre les deux communautés? Le questionnement n'est pas seulement de circonstance et est le résultat des nombreuses dérobades précédentes d'Israël à conclure une vraie paix avec les Palestiniens. Aussi, l'interrogation s'impose d'autant plus que le retrait d'Israël n'est pas l'aboutissement d'un traité de paix en bonne et due forme entre les deux belligérants, mais le fait d'une initiative solitaire, voire arbitraire, du chef du gouvernement israélien qui imposa sa démarche autant aux Israéliens qu'aux Palestiniens et à la communauté internationale. Certes, les Palestiniens ont accueilli avec la joie que l'on devine la prochaine libération de la bande de Ghaza. C'est humain et compréhensible pour un peuple qui a souffert de l'occupation pendant plusieurs décennies. Disant son bonheur, le président Abbas a déclaré hier que le retrait israélien de la bande de Ghaza était « important et historique » pour les Palestiniens, mais qu'il doit être un «premier pas» vers d'autres retraits. «Le retrait israélien est un pas important et historique pour nous, mais il ne s'agit que d'un premier pas», a indiqué M.Abbas à la presse après avoir présidé une réunion du comité exécutif de l'OLP. «Les retraits ne doivent pas avoir lieu à Ghaza seulement mais aussi en Cisjordanie. N'empêche, il s'agit en principe d'un pas historique que nous devons consolider et mettre à profit pour le bien de notre peuple», a-t-il insisté. Aussi, au moment où Israël se prépare à quitter le territoire palestinien de Ghaza, la question que tous se posent est: y aura-t-il une suite? C'est-à-dire le désengagement logique en Cisjordanie et à Jérusalem-Est pour que les choses soient en conformité avec le processus de la Feuille de route, plan de paix international parrainé par le Quartette (USA, UE, Russie et ONU). Ariel Sharon, - un peu pour rassurer ses compatriotes, notamment les plus extrémistes, plus parce qu'il le pense-, a, à maintes reprises, affirmé qu'il n'y aura pas d'autres retraits après la bande de Ghaza. Que faut-il en déduire? La déclaration hier du ministre israélien de la Défense, Shaoul Mofaz, est-elle indicative d'une réponse à ces questionnements? En effet, Shaoul Mofaz a affirmé à la radio militaire qu'Israël entendait garder le contrôle de blocs de colonies en Cisjordanie, ce qui lui permettra, selon lui, de déterminer le tracé «de notre frontière orientale qui doit être défendable et nous assurer une profondeur stratégique». Il souligna à ce propos que «les blocs de colonies en Judée-Samarie (Cisjordanie) et dans la vallée du Jourdain resteront sous le contrôle d'Israël, il s'agit de Maalé Adoumim (est de Jérusalem), Efrat (près de Bethléem), de Goush Etzion (sud de Jérusalem), Ariel (nord de la Cisjordanie), Kedoumim-Karneï Shomron (nord de la Cisjordanie) et Rehan-Shaked (nord de la Cisjordanie)». Autant dire qu'Israël entend garder la zone la plus productive et intéressante de la Cisjordanie, tout en accentuant la judaïsation de Jérusalem-Est encadrée par les colonies juives. Le ministre israélien de la Défense précisa par ailleurs, qu'Israël devait s'assurer «de la démilitarisation de la bande de Gaza et de tous secteurs qui pourraient être évacués». Comment la bande de Ghaza pourra-t-elle assurer sa survie quand Israël lui refuse la réouverture de l'aéroport de Rafah, au sud de Ghaza, la construction d'un port et l'ouverture de passages sûrs avec la Cisjordanie? De fait, Israël veut assigner à Ghaza le rôle de prison pour les Palestiniens, mais sans les colons et le contingent militaire israéliens. Aussi, la question du devenir de la bande de Ghaza demande à être clarifié de la part d'Israël. De fait, M.Mofaz confirme bien que le retrait de Ghaza n'entre pas dans le cadre de la Feuille de route, indiquant à ce propos que l'application du plan international de paix «ne pourrait intervenir que si les Palestiniens respectent leurs engagements en démantelant les organisations terroristes», montrant qu'Israël refuse de regarder les choses telles qu'elles sont, que l'Etat hébreu a en face de lui un peuple qui lutte pour son indépendance et son droit à ériger un Etat souverain. Les Palestiniens, tout en prenant acte du retrait de la bande de Ghaza, insistent toutefois sur le fait que ce retrait ne saurait être une fin et doit être le début d'un processus de désengagement global, comme l'indiquait hier, le négociateur palestinien Saëb Erakat qui a déclaré que «si le gouvernement israélien souhaite la paix, il lui faudra choisir entre la paix ou les colonies. Israël ne peut pas avoir les deux en même temps». Il «doit savoir que le retrait ne doit pas se limiter à la bande de Ghaza mais doit concerner aussi la Cisjordanie et Jérusalem», a-t-il insisté. Le retrait d'Israël de la bande de Ghaza est certes le bienvenu, mais trop de non-dits subsistent pour que la joie de la délivrance de Ghaza soit totale.