La sous-région maghrébine prend une importance inusitée dans la nouvelle politique de redéploiement des Etats-Unis. L'annonce de la libération, mercredi, par le Front Polisario de 404 prisonniers marocains coïncidait avec l'arrivée à Alger, le même jour, du sénateur américain, Richard Lugar, -président de la Commission des Affaires étrangères au Sénat des Etats-Unis-, accompagné d'une importante délégation parlementaire américaine et du général John Johnes, commandant en chef des forces américaines en Europe et commandant suprême des forces alliées en Europe. Ce concours de circonstances est loin d'être fortuit et résulte d'un timing savamment mis au point. Quoique le sénateur Lugar ne se soit pas mis en avant, c'est grâce à sa médiation active, certes discrète, que les prisonniers marocains ont pu être élargis. La présence à Alger du chef de la Commission des Affaires étrangères du Sénat américain indique aussi, en filigrane, l'importance qu'accordent aujourd'hui les Etats-Unis à des relations exemplaires avec l'Algérie. Il faudra sans doute replacer tout ce processus dans le cadre de la nouvelle politique « arabe » du président Bush, et du redéploiement qu'entreprennent les Etats-Unis pour redorer une image de marque passablement altérée dans le monde arabe par leur envahissement, et l'occupation, de l'Irak. Outre cet aspect spécifique de la question, les Etats-Unis se trouvent aujourd'hui en phase avec l'Algérie, sur la problématique du terrorisme islamique, Alger ayant été, longtemps, seule à en dénoncer la nuisance, avant que ne survienne le 11 septembre 2001 et l'attaque anti-américaine contre le World Trade Center de New York. Depuis, Washington, singulièrement sur cette question, s'est rapproché d'Alger et a engagé une coopération, à tout le moins, fructueuse pour les deux parties. Toutefois, la coopération que les Etats-Unis envisagent au niveau du Grand Maghreb, notamment dans la lutte contre le terrorisme, -dont les activités dans la région du Sahel ne manquent pas d'inquiéter- et la revalorisation de leurs relations commerciales avec les pays de l'UMA, se heurte au problème, jusqu'ici non résolu, du Sahara occidental. Aussi, une solution définitive et équitable de la question sahraouie est-elle devenue, pour Washington, la pierre angulaire de sa politique maghrébine, d'où l'impératif pour les Etats-Unis de contribuer à un règlement pacifique du contentieux sahraoui pour pouvoir concrétiser leur nouvelle stratégie au Maghreb. Outre la solution à la problématique sahraouie, des relations apaisées entre Alger et Rabat, -les deux pays piliers du Grand Maghreb-, entre en droite ligne des efforts que déploient ces dernières semaines Washington dans la région. Assainir la situation au Sahara occidental est du coup devenu pour les Etats-Unis un paramètre tactique de leur politique au Maghreb. Se félicitant de la libération des prisonniers marocains par le Front Polisario, le porte- parole du département d'Etat, Sean McCormack, a estimé que celle-ci était «une occasion pour faire progresser l'unité et la stabilité du Maghreb». A quelque chose près, c'est ce que déclarait à Alger le sénateur Richard Lugar qui a appelé l'Algérie et le Maroc à en profiter pour relancer leur dialogue, améliorer leurs relations bilatérales et créer un climat régional permettant de résoudre enfin le conflit du Sahara occidental. Toutefois, sur ce point M.Lugar précisera aussi que la solution au problème sahraoui doit se faire conformément aux résolutions de l'ONU. Ainsi, dans une déclaration à la presse, après l'audience que lui a accordée le président Bouteflika, M.Lugar a réaffirmé «l'appui des Etats-Unis pour une solution politique dans le cadre des Nations unies» du conflit du Sahara occidental qui oppose depuis 1975 le Maroc au Front Polisario. Si l'amélioration des relations entre Alger et Rabat est souhaitée par les Etats-Unis, un tel raffermissement des rapports entre les deux pays maghrébins ne doit pas se faire pour autant au détriment du droit international et du droit du peuple sahraoui à l'autodétermination. Le règlement pacifique du problème du Sahara occidental ouvrira de nouvelles opportunités pour les pays de la région et donnera, en sus, aux Etats-Unis de devenir un partenaire incontournable du Grand Maghreb, d'où les manoeuvres en coulisses mises en branle par Washington. Et la visite de M. Lugar et sa délégation dans cette région est un signe quant à la détermination des Etats-Unis à contribuer à la stabilité d'une région qui entre de plain-pied dans leur nouvelle stratégie d'équilibre pour le monde arabe et la Méditerranée, dont le Maghreb en est un élément moteur.