La France risque de se retrouver en violation de ses engagements internationaux en fournissant armes et services de maintenance aux pays de la coalition menée par Riyadh qui combattent les rebelles houthis au Yémen, selon un rapport d'avocats commandé par des ONG françaises. Le cabinet d'avocats Ancile estime probable que «les exportations de matériels militaires se poursuivent sans garantie publique que leur utilisation finale soit strictement encadrée afin de garantir qu'ils ne puissent pas être utilisés au Yémen. Dans ce contexte, ces exportations (...) pourraient constituer vraisemblablement une violation par la France» de deux textes internationaux auxquels elle est soumise. Ce rapport, commandé par les ONG Amnesty international et Acat (Actions des chrétiens pour l'abolition de la torture), a été publié hier. Les deux textes sont le Traité sur le commerce des armes (TCA), ratifié par la France en 2014, et la Position commune de l'Union européenne de 2008. Depuis 2015, la guerre au Yémen a fait quelque 9 300 morts et plus de 53 000 blessés, dont de nombreux civils, plaçant également des régions au bord de la famine. Impliquant de nombreuses factions, elle oppose schématiquement deux forces principales, les Houthis, et une coalition dirigée par l'Arabie saoudite, grande rivale de Téhéran sur la scène régionale, et importante utilisatrice d'armes occidentales. La France a livré différents types de matériels à l'Arabie saoudite et aux Emirats arabes unis, autre membre de la coalition. Le cabinet Ancile cite notamment des canons d'artillerie Caesar et leurs munitions, des fusils de précision, différents véhicules blindés. Le gouvernement français est régulièrement interrogé par la presse sur ce point, différentes ONG estimant qu'il est de sa responsabilité de cesser ces échanges au vu des pertes civiles provoquées par cette guerre et la commission possible de crimes de guerre. «La France dispose d'un système de contrôle des exportations de matériels de guerre robuste et transparent (...) et les décisions d'exportation sont prises sous la responsabilité du Premier Ministre dans le strict respect des engagements internationaux de la France», a répondu de son côté hier une porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, interrogée sur ces critiques. Par ailleurs, «les armements terrestres vendus par la France à l'Arabie sont en position défensive, sur le sol saoudien, face à la frontière yéménite et aux attaques des Houthis», avaient déclaré début mars les services du Premier ministre français. «Les Emiriens sont présents sur le sol yéménite avec certains équipements français mais ce ne sont pas ces armements qui sont impliqués dans les dommages collatéraux qui doivent cesser», avait ajouté Matignon, rappelant que «le dispositif de surveillance autour de la question du Yémen (...) a été fortement renforcé ces derniers mois». Amnesty international dénonce l' «opacité» et le «déficit démocratique» de ces procédures, estimant «impératif que le Parlement débatte des ventes d'armes françaises et exerce un contrôle sur celles-ci». Deux autres ONG françaises, Aser et Droit Solidarité (membre de l'Association internationale des juristes démocrates), ont de leur côté prévenu qu'elles entameraient une procédure judiciaire si le gouvernement ne suspend pas les licences d'exportation, pour non-respect des engagements internationaux de la France.