Le peuple algérien regarde résolument vers l'avenir en tournant cette page d'histoire malgré les blessures causées. Alors que l'Algérie, indépendante depuis maintenant près de deux générations, tente, dans un environnement souvent hostile, de se reconstruire au prix d'efforts colossaux et de sacrifices innombrables, après une occupation aliénante au cours de laquelle la population a subi la colonisation la plus sauvage et la plus pernicieuse jamais vécue à travers l'histoire contemporaine et durant laquelle tout a été mis en oeuvre pour effacer à jamais l'existence de la nation algérienne, sa culture et sa civilisation. Alors que le peuple algérien regarde résolument vers l'avenir en tournant cette page d'histoire malgré les blessures causées et la douleur restée encore vivace, tendant une main amicale au peuple français, le peuple de ceux qui, naguère, lui ont causé les souffrances les plus atroces. Pendant que les dirigeants algériens s'attellent à privilégier des relations basées sur le respect mutuel et l'intérêt partagé, faisant parfois des concessions aussi incompréhensibles que graves pour des raisons qui nous échappent mais auxquelles nous sommes tenus de nous intéresser au vu de leur importance. Des esprits malins s'ingénient, de l'autre côté, à mettre en place des stratégies dictées par un esprit revanchard, rempli de rancoeur, l'esprit nostalgique de ceux qui, au tréfonds d'eux-mêmes, rêvent de reconquérir l'éden perdu ; leur regard sur l'autre est plein de mépris estimant, sans doute, que l'autre ne mérite pas d'avoir un pays aussi beau, de jouir de ses richesses et de ses nombreux bienfaits. D'aucuns disent que leur prétention est si démesurée qu'ils estiment qu'aucune relation normale, de quelque pays européen que ce soit avec le nôtre n'est possible sans leur feu vert. Cette prétention semble si vraie qu'elle s'est confirmée avec certains d'entre eux qui attendent l'accord préalable de la France pour daigner nous agréer ou normaliser leurs rapports avec nous! C'est le cas de l'Italie entre autres, il y a peu. Entre-temps, et tout en tissant cette toile d'araignée machiavélique, ils oeuvrent à se déculpabiliser de leurs crimes par parlementaires interposés. Ils promulguent des lois par lesquelles ils prétendent positiver leur présence en notre pays, feignant d'oublier leurs crimes qui passent par les éliminations physiques, les tortures, les déportations et l'emprisonnement, la spoliation des terres et des biens, la dilapidation des richesses naturelles, la discrimination raciale envers un peuple qui a été maintenu dans l'indigence et l'ignorance durant près d'un siècle et demi de présence. Qui ne se souvient, en effet, du tristement célèbre code de l'indigénat, qui peut oublier les massacres du 8 Mai 1945 ou faire fi de ceux commis contre les Algériens en plein Paris et dont beaucoup furent jetés vivants dans la Seine, un certain 17 Octobre 1961, pour ne citer que ces faits? Ils poussent leur ignominie jusqu'à prétendre enseigner une histoire falsifiée à leurs enfants; histoire par laquelle ils veulent leur faire comprendre que l'occupation coloniale française a des bienfaits; comme si une occupation pouvait, un jour, être bénéfique à l'occupé ! Alors que durant cette occupation, la France coloniale n'a construit (et de plus, sur l'échine des Algériens) que pour les siens et pour leur descendance à aucun moment ils n'avaient imaginé un seul instant partager ou que quiconque pouvait les déloger de ce pays ou leur reprendre ce qu'ils avaient pris. Ils étaient les seuls à en jouir jusqu'à l'heureux avènement qu'est l'indépendance. Ils comptent même ériger des stèles à la mémoire de ceux qui ont commis les crimes les plus abjects contre l'humanité afin de glorifier leur présence, l'immortaliser dans l'esprit des générations à venir; et pourquoi pas, les inspirer un jour! Les raisons motivant les parlementaires qui votaient, le 23 février 2005, cette loi de la honte n°2005-158 et le but qu'ils visent à travers elles, sont d'une clarté limpide. Avoir colonisé ne leur suffisait pas, prétendre tout régenter, quarante-cinq ans après leur départ, ne les satisfaisait plus, alors ils agissent pour obtenir davantage. Ils obtinrent, pour un temps, que l'hymne national soit tronqué du refrain qui les désigne nommément pour leur forfait et que la fête nationale d'indépendance soit transformée en fête de la jeunesse pour peu de temps encore. Puis, encouragés en cela par l'inconséquence des nôtres, ils passent à la vitesse supérieure en faisant voter des lois qui glorifient la colonisation, leur colonisation ; comme l'appétit vient en mangeant et pour bien marquer leur mépris, ils vont jusqu'à prétendre ériger des stèles à la mémoire de leur organisation criminelle (OAS). Pour terminer, leurs sociétés commerciales enfoncent le clou en faisant la promotion publicitaire de leurs produits par la fabrication et la mise en circulation de paillassons avec l'effigie de l'emblème national des anciennes colonies d'Afrique du Nord, dont notre pays bien sûr. Que faisons-nous face à tout cela? Nous courbons l'échine et subissons la provocation de nos anciens colonisateurs qui continuent de nous insulter, d'insulter la mémoire de nos martyrs ; nous continuons de noter avec satisfaction la réaction positive des Français qui ont condamné cette loi 2005-158 et refusent de voir enseigner cette culture infâme à leur progéniture plus rapidement que nous l'avons fait et parfois avec plus de véhémence; nous continuons d'emboîter le pas aux autres comme encouragés par leur courage, courage que nous semblons incapables de puiser en nous-même. Nous protestons auprès de la firme d'Etat française pour avoir offensé l'honneur de l'Algérie, de son Etat, de son gouvernement et de son peuple, au lieu d'exiger des coupable des excuses pour ces crimes d'aujourd'hui et pour ceux d'hier et demander réparation, avec l'appui de tous les peuples qui ont subi le joug du colonialisme ainsi qu'avec celui de tous les peuples et de tous les Etats épris de justice. Mes propos ne visent aucunement le peuple français parmi lequel l'Algérie et les Algériens comptent des amis, qui est, lui, innocent de ces crimes et dont beaucoup d'enfants ont donné leur vie aux côtés de leurs frères algériens pour la libération de notre pays. De tout temps, et dans toutes les sociétés il s'est trouvé des hommes et des justes pour combattre l'injustice; comment en serait-il autrement pour le peuple français, lui, qui a connu et subi l'occupation et ses conséquences? Toutefois, le sujet est trop sérieux pour se permettre de prendre des pincettes avec l'autre catégorie de gens qui savent ce qu'ils font et pourquoi ils le font et dont les actes doivent être combattus avec une fermeté au moins proportionnelle à la gravité du crime commis. Les tribunaux internationaux ne sont-ils pas mis en place pour y traduire les criminels de guerre? Nous devons veiller à ce qu'ils ne servent pas uniquement que pour les indigènes de ce monde. A la réflexion, je me demande pourquoi les gouvernements des pays comme le nôtre ne mettent pas à la disposition de leurs organisations idoines les moyens financiers et juridiques nécessaires pour demander des comptes et défendre leur honneur et celui des leurs dans ces cas de figure? Auraient-ils plus peur des leurs que de ceux qui restent à l'affût et n'attendent que le moment propice pour se lancer sur nous comme le fauve se lance sur sa proie et devons-nous être toujours la proie? Le droit ne se donne pas mais se prend, s'arrache par la force de la loi et, si nécessaire, par les mêmes moyens par lesquels il a été spolié. Le jour où nous comprendrons cela nous commencerons à savoir, les peuples opprimés sauront qu'ils sont sur le bon chemin, le chemin de la liberté qui les placera sur le même piédestal que les autres peuples dans le concert des nations. Par cette prise de conscience, nous apprendrons aussi à nos enfants le chemin de la liberté, le moyen de la garder, et nous leur offrirons, par ce fait, un cadeau inestimable qu'ils sauront apprécier le jour venu, car ils n'auront alors plus besoin que nous leur obtenions cette richesse mais sauront la conquérir par eux-mêmes et la garder.