Ce compagnon de Alloula, disparu en 1995, a servi avec abnégation et amour le théâtre. Comme des ombres furtives. Ils naissent, grandissent et meurent. Parfois dans l'anonymat le plus total, on en oublie même jusqu'à leur existence. Et quand ils ne subissent pas la mort physique, l'assassinat moral les guette à chaque recoin de la rue de la disgrâce. Ils disparaissent, engloutis par la fange de la mémoire pourrie des gens sans mémoire. Mais, comme disait Hugo, «les bons mûrissent et les mauvais pourrissent». Eux, ce sont les artistes, nos artistes. Parmi eux, le dramaturge et comédien Sirat Boumediene. Sa disparition, survenue un certain 20 août 1995, n'a pas empêché l'homme de continuer de mûrir et d'aller vers l'avant. Natif d'Oran en 1947, notre artiste a rendu l'âme dans la même ville, suite à une longue maladie. L'auteur américain Henry Miller disait: «la meilleure façon de tuer un artiste, c'est de lui donner tout». Sirat Boumediene n'avait rien, ou presque. Toutefois, il avait tout. Son art le comblait. Enfin, peut-être c'est trop dire, mais pour les gens de l'envergure de notre comédien, quand on est artiste on donne sans compter et sans attendre de récompense. N'en ont-ils pas besoin? Si, le besoin les a toujours poursuivis, néanmoins ils ne demandent jamais. Dans l'une de ses émissions télévisée consacrées au livre El Djaliss, Fodhil Boumala rapportait ceci: «en hiver, Sirat Boumediene portait un tricot en laine et une chemise. Mais en vérité, de cette chemise il ne restait que le col». A entendre ce genre de vérité, une douleur envahit tout notre être. Est-ce là le sort que nous réservons à nos artistes? Est-ce ainsi que nous les récompensons? C'est triste, mais dans le pays de l'inculture, ce genre de pratique est courant. Enfin, c'est la coutume dans le pays des merveilles tel que le nôtre. Le nom de Sirat Boumediene est intimement lié à celui du défunt dramaturge Abdelkader Alloula qui lui a donné l'occasion «d'enflammer» les planches notamment avec «El Adjouad» (les généreux), l'une de ses oeuvres les plus marquantes. La carrière du défunt Sirat Boumediene, bien que riche pour avoir participé à de nombreuses pièces produites par le théâtre régional d'Oran, reste fortement marquée par le personnage de Djelloul L ‘Fhaïmi (Djelloul l'intelligent). Cet époustouflant agent d'hôpital qui court, court et court encore pour exorciser ses craintes et appréhensions, dénoncer tous les abus et crier tout haut sa colère et son indignation. Djelloul L'Fhaïmi plonge le spectateur dans son univers boiteux et singulier où le comique et le rire deviennent les armes favorites pour faire passer le message. Sirat Boumediene a su également attirer la sympathie du public avec la série télévisée Chaïb Lakhdim, un reflet sans complaisance de la société avec toutes ses tares, ses contradictions et ses situations invraisemblables. Dans le cadre de la commémoration de ce 10ème anniversaire, l'association culturelle El Amel (ACA-TTO) a rendu, samedi, un vibrant hommage à cet artiste connu pour sa simplicité, son dévouement pour l'art scénique et ses qualités humaines intrinsèques. A cet effet, un programme riche et varié a été élaboré par les organisateurs qui ont voulu traduire à travers le florilège proposé, la dimension de Sirat qui a beaucoup donné à l'art des planches, au cinéma et à la télévision. Une lecture biographique et de coupures d'articles consacrées au défunt ainsi qu'un montage théâtral et un message de reconnaissance à titre posthume Sirat dans l'oubli ont été présentés. «Ce compagnon de Alloula, disparu en 1995, a servi avec abnégation et amour le théâtre. Il a formé et inspiré plusieurs générations de comédiens qui voyaient en lui un exemple à suivre», dira M.Mihoubi Mohamed, un responsable de l'association ACA-TTO. Un spectacle, le montage d'un tableau de Djelloul El Fehaïmi, interprété par le jeune comédien Youcef Gasmi et un débat ont clôturé cet hommage, tenu au siège de l'association.