Les Palestiniens s'inscrivent en faux contre les affirmations d'Israël quant à la «fin de l'occupation» de Ghaza. Par l'évacuation, lundi, de Netzarim, dernière colonie juive dans la bande de Ghaza, Israël a mis un terme à une présence militaire et civile de 38 années dans ce territoire palestinien. Un porte-parole de la police israélienne, le commandant Avi Zelba, a ainsi déclaré lundi que le dernier colon juif de Ghaza a été évacué, indiquant: «Tous les habitants juifs de la bande de de Ghaza ont été évacués.» Ainsi, Israël met un terme à une présence (physique) dans la bande Ghaza de près de quatre décennies, mais pas à l'occupation, comme on a trop tendance à le croire. De fait, aujourd'hui la question qui se pose est celle-là: certes Ghaza est maintenant évacuée de la présence étrangère, a-t-elle pour autant été libérée? Ce questionnement, que de nombreux Palestiniens n'ont pas manqué de formuler, est loin d'être une clause de style, mais s'appuie sur la réalité. Ghaza été évacuée de ses colons et des militaires israéliens -qui l'occupaient depuis 1967- mais la question de son devenir reste en suspens, quand Israël continue de contrôler les frontières aériennes, terrestres et maritimes de la bande de Ghaza, quand les autorités palestiniennes ne peuvent exploiter le port de Ghaza et l'aéroport de Rafah (sud), quand les Palestiniens n'ont pas le libre accès avec la Cisjordanie, territoire palestinien toujours occupé par l'armée et les colons israéliens et reste soumis au contrôle israélien. C'est dans ce contexte de fausse libération, induite par le retrait unilatéral de Ghaza -décidé par le Premier ministre israélien, Ariel Sharon- que les Palestiniens, pas dupes du jeu du chef du gouvernement israélien, veulent conserver le statut «d'occupés» malgré le désengagement israélien de la bande de Ghaza. Cela d'autant plus qu'Israël envisage sérieusement de solliciter du Conseil de sécurité de l'ONU le vote d'une résolution «proclamant la fin de l'occupation» du territoire de Ghaza. Cette prétention a été très mal accueillie par les Palestiniens, soumis au diktat de l'Etat hébreux. De fait, le ministre palestinien des Affaires étrangères, Nasser Al Qidwa, dans une déclaration à la presse, lundi, avant son départ pour une visite officielle à Moscou, a déclaré que «la communauté internationale doit préserver le statut juridique actuel des territoires palestiniens après le retrait unilatéral israélien». Il ne fait pas de doute que le chef de la diplomatie palestinienne va défendre auprès de Moscou, (la Russie est membre permanent du Conseil de sécurité et dispose du droit de veto), la position des Palestiniens sur cette question de la fin de l'occupation, qui n'est pas synonyme, il s'en faut de beaucoup, de libération. Par ailleurs, rappelle-t-on, la Russie fait partie avec les Etats-Unis, l'ONU et l'Union européenne du quartette international qui a mis au point la ‘'Feuille de route'', plan de paix pour un règlement au Proche-Orient lancé en 2003 mais demeuré jusque-là sans effet. M.Al Qidwa a réagi après la déclaration à un journal koweïtien du ministre israélien des Affaires étrangères, Sylvan Shalom, selon lequel son pays envisageait de demander au Conseil de sécurité de l'ONU une résolution proclamant la fin de l'occupation de la bande de Ghaza. Or, les Nations unies, la Cour internationale de Justice de La Haye (CIJ, qui avait statué l'an dernier sur le «mur» que l'Etat hébreu érigeait en Cisjordanie) de même que la Cour suprême israélienne, ont, chacun de son côté, qualifié Israël « d'occupant » des territoires palestiniens. Aussi, la fin de l'occupation de la bande de Ghaza ne désengage en rien Israël de ses obligations envers ce territoire et sa population. De fait, les accords d'Oslo signés en 1993 entre Israël et l'OLP (Organisation de libération de la Palestine) prévoient qu'Israël gardera son statut «d'occupant» des territoires palestiniens jusqu'à la conclusion d'un traité de paix entre les deux parties belligérantes. Cette donne reste valable pour les Palestiniens pour lesquels le retrait des colons de la bande de Ghaza laisse les choses en l'état, comme l'expliquait lundi, dans une conférence de presse, le ministre palestinien, Mohamed Dahlane, chargé du suivi du dossier du retrait, selon lequel «Ghaza restera sous la responsabilité de l'occupant (Israël), qui continuera à peser sur notre vie, à travers le contrôle des passages (frontaliers) et des espaces aérien et maritime». Pour le président du Centre palestinien des droits de l'Homme, Raji Al Sourani, «le retrait israélien devrait marquer la fin de l'occupation militaire, la levée de la mainmise sur la terre et la fin du contrôle de la population, mais ce ne sera pas le cas. Israël va préserver son pouvoir d'intervention à Ghaza et le contrôle de ses frontières terrestres, aériennes et maritimes». Propos appuyés par ceux de son confrère Younès Al Jarou, président de l'Association ‘'Conscience'' des droits de l'Homme, qui estime que «la proclamation de la fin de l'occupation israélienne de Ghaza signifie qu'Israël va se défaire de ses obligations qui imposent à l'occupant de protéger les populations occupées et de subvenir à leurs besoins essentiels en matière de santé, d'éducation et d'alimentation» soulignant «dans les conditions actuelles (du retrait israélien), ce serait un précédent grave pour la question palestinienne et dans le droit international» et ajoute «Ghaza sera totalement coupée d'Israël, et nous ne le regrettons pas, mais elle sera aussi coupée de la Cisjordanie et de Jérusalem sur les plans politique, humain et économique et c'est là que réside le problème». D'autant plus, qu'il y a peu de chances qu'Israël autorise la réouverture du port et de l'aéroport de Ghaza et d'assurer des passages sûrs entre Ghaza et la Cisjordanie et Jérusalem-Est, toujours occupées. Aussi, s'exclame M.Al Sourani «dire que Ghaza est libérée, est une mystification sans précédent du conflit israélo-palestinien. Elle permet à Ariel Sharon, 38 ans après la défaite de 1967 et 12 ans après les accords d'Oslo, de transformer un désengagement militaire en fin de l'occupation». L'avocat palestinien affirme par ailleurs que «le désengagement israélien va étouffer Ghaza (...) qui va vivre dans un état d'enfermement, alors que 66% de sa population active est au chômage et que 81% de ses habitants vivent en-dessous du seuil de pauvreté». De fait, pour les Palestiniens, les conditions dans lesquelles le retrait israélien de Ghaza s'est effectué va créer plus de problèmes qu'il ne va en solutionner. Aussi, prétendre officialiser la «fin de l'occupation» ne serait rien d'autre qu'une bouffonnerie de la part d'Israël alors que tout reste à faire pour donner aux Palestiniens d'ériger leur Etat indépendant.