Déshéritée, enclavée, la commune vit au rythme des aléas. Lorsqu'on décide d'aller passer quelques jours en cette autre Kabylie qui demeure à ce jour inconnue afin de revoir les siens, l'on se demande toujours si la décision est bonne tant il est vrai que tout manque en cette contrée en ce début du 3e millénaire. Djaâfra ou El-Cantilla pour les intimes, vieille commune datant de 1965 mais n'a connu un semblant de développement que depuis deux années. Située en plein coeur de la chaîne de montagnes les Bibans, Djaâfra est une collectivité déshéritée, enclavée qui couvre environ 94 km2 et est habitée par quelque 10.000 âmes. Elle se trouve sur une ligne de crête faisant jonction entre plusieurs douars . Elle-même est constituée de 2 grands pôles formés de 17 villages, les Aït-Khelifa, les Bounda, les Ouchanene (petit et grand village) et Aourir en plus de Djaafra- centre chef-lieu de commune que tout le monde appelle El-Cantila. Un nom tiré du mot français cantine. Il semblerait que c'est en ces lieux que l'armée coloniale a édifié un poste de commandement vu son aspect stratégique avec une cantine centrale qui desservait les unités militaires environnantes. Vu sa situation de commune limitrophe avec la wilaya de Béjaïa, son accès peut se faire sur plusieurs côtés. Par Ighil-Ali en traversant la forêt de Bouni jusqu'à Tizi-Lakhmiss avant de s'engouffrer dans une autre forêt en empruntant le CW 43 le long de la ligne de partage des vents. Djaâfra est également accessible par El Mayen, Zemmourah et autres chemins plus ou moins praticables. Une grande partie du territoire de cette commune est constituée de forêt de chênes et de pins avec des villages tantôt agrippés aux flans tantôt nichés sur des crêtes. L'autre partie à l'est du chef-lieu est beaucoup moins rude de relief. Les collines s'adoucissent et sont moins boisées donc plus arables et donnent naissance aux hautes plaines de la région céréalière de Bordj Bou-Arréridj et Sétif. Après l'éblouissement offert par les paysages, l'on se rend tout de suite compte que l'on se trouve dans une région où le développement a connu plus de sommeil que d'éveil. En termes d'infrastructures nécessaires à la vie de tous les jours, même si certaines existent, leurs activités se trouvent réduites par manque de moyens. Le visiteur averti remarquera que tous les villages ont subi un exode massif vers d'autres cieux plus cléments afin, dira un vieux, de sauver les petits. Dans la journée les villages sont déserts. Les quelques hommes valides restants quittent les villages très tôt afin de rejoindre leur travail à des dizaines de kilomètres pour ne revenir qu'à la tombée de la nuit pour les plus chanceux et le week-end pour les autres. La population demeurant sur place est composée essentiellement de retraités. Y'aura-t-il une nouvelle destinée pour cette ancienne Kabylie? Les avis sont partagés entre ceux qui attendent toujours le moment propice pour quitter les lieux et ceux qui commencent à reprendre espoir en constatant de visu certaines améliorations et quelques petits changements apportés par la nouvelle équipe d'élus de la commune avec à leur tête le jeune président A. Hamaoul. Comme tous les frontaliers, les habitants de Djaâfra, même s'ils sont berbéro cellent dans l'arabe parlé. Assis sur deux chaises, ils doivent vivre leur berbérité et s'orienter vers Bordj- Bou- arreridj dont ils dépendent administrativement tout en adoptant un autre comportement. Au plan politique, c'est le vide total. Ni partis ni archs, seules les structures étatiques imposent un rythme de vie. La rue vit ces derniers temps au rythme référendaire avec toutes les supputations et autres discours qui rassemblent ou partagent selon les orateurs.