La Chine a mis sa menace à exécution: Pékin a déclenché hier des mesures punitives contre 128 produits américains, en réponse à l'annonce par Donald Trump de droits de douane sur l'acier et l'aluminium importés par les Etats-Unis. Les fruits et le porc sont notamment dans le collimateur des autorités chinoises. Ces mesures font suite à plusieurs semaines de tensions bilatérales, qui alimentent la crainte d'un conflit commercial ouvert entre les deux géants économiques mondiaux. L'administration Trump a décidé début mars l'imposition de droits de douane sur les importations d'acier et d'aluminium au nom de la «sécurité nationale». Un argument jugé hier par le ministère chinois du Commerce comme «un abus» des règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Les mesures américaines «sont dirigées uniquement contre quelques pays. Elles contreviennent gravement au principe de non-discrimination, qui constitue le fondement du système commercial multilatéral. Elles portent gravement atteinte aux intérêts chinois», a dénoncé le ministère dans un communiqué publié sur son site internet. Les nouvelles taxes chinoises, imposées par la commission chargée des taxes douanières au sein du Conseil d'Etat (gouvernement), portent sur des produits divers allant des fruits à la viande de porc. Les Etats-Unis avaient annoncé début mars l'imposition de taxes de 25% sur les importations d'acier et de 10% sur celle d'aluminium de plusieurs pays. Devant le tollé international, de nombreux pays, dont ceux de l'Union européenne, ont été exemptés de cette nouvelle mesure, du moins pour le moment - mais pas la Chine. «Nous espérons que les Etats-Unis abandonnent au plus vite leurs mesures enfreignant les règles de l'OMC, afin de permettre la reprise normale du commerce sino-américain pour les produits concernés», a indiqué hier le ministère chinois du Commerce. «La coopération entre la Chine et les Etats-Unis, les deux plus grandes économies mondiales, est la seule option possible». Donald Trump fait régulièrement du colossal déficit commercial américain avec la Chine un cheval de bataille. Il avait annoncé le 22 mars que les Etats-Unis imposeraient de nouvelles taxes sur quelque 60 milliards de dollars d'importations chinoises. Dès le lendemain, Pékin avait répliqué en dévoilant une liste de 128 produits sur lesquels il affirmait vouloir appliquer des droits des douanes de 15% à 25% en cas d'échec des négociations avec Washington. La Chine avait ensuite demandé à Washington de cesser ce qu'elle a qualifié «d'intimidation économique», et menacé de mesures de rétorsion. Jusqu'à présent, Pékin a pris soin de ne pas s'attaquer à des produits agricoles majeurs, comme le soja, ou à des compagnies industrielles importantes telles que le géant Boeing, domaines qui, désormais, pourraient également être ciblées, estime le quotidien officiel Global Times. Le journal écrivait dans un éditorial la semaine dernière que la Chine «a presque achevé sa liste de taxes de rétorsion sur les produits américains et va la rendre publique prochainement». «La liste portera sur des importations majeures chinoises en provenance des Etats-Unis», notait le journal. Cette décision «va porter un coup sérieux à Washington qui agite d'une manière agressive le bâton de la guerre commerciale», assurait le Global Times. En dépit de cette rhétorique, le ministre américain du Commerce, Wilbur Ross, a fait valoir jeudi que les nouvelles sanctions américaines étaient avant tout un «prélude à une série de négociations». Washington déplore un déficit commercial colossal avec Pékin (375,2 milliards de dollars en 2017, selon les douanes chinoises). La sénatrice américaine démocrate Elizabeth Warren, bête noire de Donald Trump, a rencontré vendredi et samedi de hauts responsables chinois. Parmi eux figurait le vice-Premier ministre Liu He, chef d'orchestre de la politique économique. «J'ai eu (avec lui) une discussion approfondie sur la façon dont les mesures chinoises qui faussent les échanges commerciaux finissent par porter préjudice aux travailleurs américains», a écrit Mme Warren sur Twitter. «Je suis depuis longtemps sceptique face aux politiques économiques - au niveau national comme à l'étranger - qui répondent aux besoins des grandes entreprises plutôt qu'à ceux des familles de travailleurs», a-t-elle indiqué.