Toujours fidèle au rendez-vous Comme chaque année, l'Ecole nationale polytechnique d'Alger organise les traditionnelles Journées de l'énergie sous la houlette de leur maestro, le professeur émérite Chems Eddine Chitour. Ce dernier nous a accordé un entretien pour revenir sur les perspectives de cet important rendez-vous scientifique. Il parle d'un modèle énergétique que ses élèves ingénieurs ont mis en place, dont l'application est «tout à fait réalisable à condition d'avoir une volonté politique dans ce sens». Appréciez- plutôt... L'Expression: Le 14 avril prochain seront organisées les 22es Journées de l'énergie. Quel sera le thème cette année? Chems Eddine Chitour: Comme chaque année depuis 22 ans déjà, le Laboratoire de valorisation des énergies fossiles, de l'Ecole nationale polytechnique d'Alger fête la journée du Savoir par un événement scientifique, devenu une tradition nationale. Il s'agit des Journées de l'énergie qui reviennent pour une 22e édition. Pour des raisons organisationnelles, la conférence a été avancée au 14 avril au niveau du centre de formation de la Sonelgaz. Des experts nationaux interviendront tout au long de la journée qui verra nos élèves ingénieurs proposer à cette occasion un modèle énergétique à 50% durable progressivement d'ici 2030. Cela afin de permettre de sortir par «le haut» de l'addiction au pétrole et au gaz. Sur quoi portera exactement ce modèle énergétique? Je tiens d'abord à préciser que nous ne disposons pas de véritable modèle énergétique. Si nous continuons sur cette lancée, nous ne détiendrons bientôt plus d'énergie pour notre consommation intérieure. L'Algérie aurait des réserves de 2500 milliards de m3 de gaz. Nous produisons à peu près 100 milliards de m3 par an dont nous exportons à peu près 55 milliards de m3 et dont nous consommons une quarantaine de milliards de m3. À cette cadence, nous n'aurons plus de gaz dans 20 ans. Pour le pétrole, la situation est bien pire puisque nos réserves actuelles auront disparu d'ici une quinzaine d'années. Les dernières découvertes sont minimes, et ne peuvent inverser cette tendance. Nous courons donc directement vers la faillite... Que faire alors? Une transition énergétique où l'énergie durable se taillera la part du lion. Un mix énergétique à 50% renouvelable. C'est justement ce qu'offrent nos élèves ingénieurs à travers le modèle énergétique qu'ils ont mis en place et qui est tout à fait applicable progressivement d'ici 2030. En fait, il faut savoir que la consommation actuelle d'énergie se divise comme suit: 40% de résidentiel, 40% de transport, 10% dans l'industrie et 10% dans l'agriculture. Le gros de la consommation nationale de l'énergie se situe donc dans le transport et le résidentiel. Ce modèle énergétique se propose d'intervenir dans ces deux segments en réduisant par deux la part de l'énergie fossile. Vous avez dû remarquer la nuance, je ne parle pas que d'énergie renouvelable, mais d'énergie durable du fait que nous avons introduit dans ce modèle le gaz naturel, le Sirghaz, les dérivés du pétrole qui viendront soutenir le solaire, l'éolien, la géothermie et la biomasse. Cela nous permettra de préserver nos ressources fossiles, car comme je ne cesserai jamais de le répéter: notre meilleure banque, c'est notre sous-sol... Le grand défi sera donc d'avoir de l'électricité renouvelable et des véhicules plus propres? Exactement! Nous visons à faire une véritable révolution énergétique en changent notamment la façon qu'ont les Algériens de se déplacer. On vise à introduire progressivement le GPL/ GNC dans les moyens de locomotion pour atteindre les 50% à l'horizon 2030. Mais pas seulement! En parallèle de cela et de l'électricité d'origine renouvelable, il faut aussi se lancer dans la locomotion électrique. Le carburant conventionnel en général et le diesel en particulier sont devenus de véritables ennemis énergétiques. Le monde se tourne vers les moteurs hydride et l'électrique. L'Algérie qui s'est lancée dans le montage automobile doit tenter le défi en exigeant aux constructeurs d'avoir une partie des véhicules montés en Algérie, dotés de moteurs hybrides ou électriques. Or, pour le moment aucun projet dans ce sens n'est évoqué. Nos voisins marocains ont compris l'importance du «tout-électrique». Ils ont signé un mégacontrat avec le géant chinois, BYD, mastodonte des voitures électriques, pour l'implantation de plusieurs usines sur son territoire. On risque une nouvelle fois de rater le train en marche alors que nous disposons de tous les atouts pour réussir cette révolution. Comment faire pour appliquer concrètement ce modèle qui nous permettra de sortir, comme vous le dites, de par «le haut» de l'addiction au pétrole et au gaz? Je ne cesserai jamais de le réclamer, il nous faut un plan Marshall multidimensionnel de l'énergie. Je dis multidimensionnel, car je parle d'une véritable stratégie adossée un modèle énergétique flexible, comme celui que nous proposons. Cette stratégie doit être multi -sectoriel. Il faut que tous les secteurs travaillent ensemble du fait que cette transition énergétique ne concerne pas que le ministre en charge du secteur, mais c'est l'affaire de tous les départements. C'est aussi l'affaire des citoyens auxquels on doit inculquer le principe de l'écocitoyenneté, si l'on espère réussir ce défi. Pour cela, les autorités doivent faire preuve de pédagogie pour expliquer aux citoyens l'importance des économies pour l'avenir du pays. Enfin, je tiens à conclure en réitérant mon appel aux autorités afin qu'elles misent sur la formation des jeunes. Qu'elles arrêtent de leur donner des bus, on veut un Ansej du savoir...