Un sommet comme les autres Fait marquant de ce sommet, le changement perceptible de certains pays membres de la Ligue arabe qui étaient, jusqu'à une date récente, résolus à faire partir le président Bachar al Assad et qui acceptent, bon gré mal gré, le statu quo. Les chefs d'Etat arabes se pencheront demain en Arabie saoudite sur les conflits en Syrie et au Yémen ainsi que sur l'avenir de Jérusalem, mais Riyadh devra profiter de ce sommet annuel pour mobiliser ses partenaires contre l'Iran, son grand rival au Moyen-Orient. Ce sera l'occasion pour les Saoudiens de faire pression pour une position beaucoup plus dure sur l'Iran, pas nécessairement sur le dossier nucléaire, mais sur l'influence iranienne dans les pays arabes, en particulier l'Irak, la Syrie, le Liban et le Yémen, disent certains observateurs. Vingt-et-un des 22 Etats membres de la Ligue arabe participeront au sommet qui se tiendra à Dhahran (est de l'Arabie saoudite). La Syrie a été suspendue de l'organisation depuis le début de la guerre civile en 2011. «L'argument de l'endiguement de l'Iran est principalement avancé par l'Arabie saoudite et les Emirats arabes unis, ainsi que par d'autres pays arabes, y compris l'Egypte» selon plusieurs experts qui considèrent que «l''Arabie saoudite s'est également tournée vers l'Irak pour tenter de nouer des liens et de contrer des milices pro-iraniennes. Partant de là, on peut dire que le sommet de Dhahran sera dominé par le «dossier» iranien au moment où les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la France menacent de frappes le régime syrien au motif d'une attaque chimique présumée. Autre fait marquant de ce sommet, le changement perceptible de certains pays membres de la Ligue arabe qui étaient jusqu'à une date récente résolus à faire partir le président Bachar al Assad. Mais celui-ci a bel et bien gagné la guerre et l'Arabie saoudite ainsi que la Turquie doivent accepter le statu quo. C'est ce qu'a explicitement déclaré le prince héritier Mohamed Ben Salmane lors de sa récente tourbée aux Etats-Unis. Reste à savoir comment vont évoluer les négociations avec l'opposition syrienne engagée dans le processus d'Astana, les trois parrains que sont la Russie, l'Iran et la Turquie paraissant favorables à un partage des sphères d'influence au prorata des réalités sur le terrain. Au Yémen, où une guerre par procuration se poursuit depuis trois ans entre Riyadh et Téhéran, faisant près de 10 000 morts, on assiste depuis quelques mois à une escalade avec la multiplication des tirs de missiles des rebelles Houthis, soutenus par Téhéran, vers l'Arabie saoudite. Riyadh accuse Téhéran de fournir ces missiles aux Houthis et dénonce une «agression directe». Si ce sujet sera discuté, le ministre saoudien des Affaires étrangères Adel al-Jubeir a, en revanche, exclu que la crise autour du Qatar figure à l'agenda. L'Arabie saoudite, les Emirats, l'Egypte et Bahreïn ont rompu leurs relations diplomatiques avec le Qatar, accusé de «soutenir le terrorisme», et cette crise se poursuit depuis 10 mois en dépit des efforts du Koweït et des Etats-Unis pour la désamorcer. Enfin, le ministre palestinien des Affaires étrangères Riyad al-Maliki a déclaré que la Ligue arabe soutenait la tentative de son gouvernement de bloquer une tentative israélienne visant à décrocher un siège de membre non-permanent au Conseil de sécurité de l'ONU. Alors que des Palestiniens se mobilisent de nouveau sur le terrain contre l'occupation israélienne, la responsable palestinienne Hanane Achraoui espère que le sommet arabe débouchera sur une résolution officielle concernant l'avenir d' El Qods occupé. «Nous devons maintenir une dose de scepticisme sain, mais j'espère que le sommet sera à la hauteur du défi, car nous sommes confrontés à une période sans précédent (...) qui compromet les chances de paix et qui victimise encore plus les Palestiniens», a-t-elle déclaré. Rompant avec ses prédécesseurs, le président Donald Trump a annoncé en décembre que Washington reconnaissait officiellement Jérusalem comme la capitale d'Israël et allait y transférer l'ambassade américaine, provoquant la colère des Palestiniens et du monde musulman. Ce transfert de Tel-Aviv à El Qods occupée a été fixé pour la mi-mai. Bien que les signes de rapprochement stratégique se soient multipliés entre Israël et l'Arabie saoudite -qui ont un ennemi commun, l'Iran-, Riyadh n'a pas encore modifié sa position officielle sur les Palestiniens et El Qods. Le roi Salmane a, contre toute attente après les propos du prince héritier aux Etats-Unis, ««réaffirmé la position inébranlable du royaume sur la question palestinienne et les droits légitimes du peuple palestinien à un Etat indépendant avec El Qods comme capitale», lors d'un entretien téléphonique, le 2 avril, avec le président américain. Juste une question de forme, pour beaucoup.