Il s'est montré, à l'occasion de ses récentes sorties, à la fois intransigeant et ouvert à d'autres perspectives. Attendu depuis plusieurs années, le président de la République a fini par dévoiler au grand jour son projet de réconciliation nationale, fer de lance de sa campagne électorale pour la présidentielle de 2004. La charte pour la paix et la réconciliation marque exclusivement l'actualité nationale depuis le 14 août dernier. Abdelaziz Bouteflika qui a présenté son projet au peuple à partir de la capitale, plus précisément à partir du somptueux Palais des nations devant les hauts cadres de l'Etat n' a pas dérogé à la règle, préférant chapeauter personnellement sa campagne pour le référendum du 29 septembre. Une course contre la montre est alors engagée. Le peuple a un mois pour saisir les contours de ce projet qu'on qualifie «de décisif» et «d'incontournable». La campagne a commencé bien avant le coup d'envoi officiel. C'est ainsi que tous les Algériens ont été saisis par les affiches collées sur les lieux publics. «De la concorde à la réconciliation nationale. Tous pour l'Algérie». Au nom de l'intérêt suprême du pays, le peuple est appelé à choisir le jour du vote le bulletin bleu, signe de la paix et de la prospérité. Pas d'amnistie jusqu' à nouvel ordre A Skikda, Sétif et Béchar, les trois premières wilayas sollicitées dans le cadre de la campagne, le président n'a cessé de répéter que la réconciliation nationale ne signifie pas amnistie générale. «Il n' y aura pas d'amnistie. Seul Dieu a le pardon général», a-t-il martelé au stade du 8-Mai 45 jeudi dernier. Un concept développé aussi dans la charte qui exclut les terroristes impliqués directement dans des crimes de sang, tels le viol, les massacres, des mesures «amnistiantes». Bouteflika a cité à Béchar samedi «les têtes pensantes du FIS» qui ont trouvé refuge à l'étranger. Lesquelles n'ont pas dénoncé le terrorisme au nom du djihad. Mais le président, qui a exclu «pour l'heure», l'amnistie générale, a laissé entendre que la charte n'est pas «la dernière dose» dans le traitement de la crise qui ronge le pays. La dernière dose sera-t-elle celle de l'amnistie? Et puis quel effet cela aura sur un peuple déjà meurtri par la violence? «Seul le peuple peut décider à ce sujet», estime le président, conscient de l'extrême complexité de la question. En fait, le président s'est montré, à l'occasion de ses récentes sorties, à la fois intransigeant et ouvert à d'autres perspectives. Très difficile donc d'anticiper sur les démarches à venir. Le 28 août, le président a eu cette phrase: «L'amnistie pourra intervenir plus tard, avec moi ou par le biais d'autres personnes». Dans sa même lancée il a ajouté: «Nous allons faire en sorte que la justice soit ferme avec les responsables des crimes de sang». Sur un autre chapitre, le président a essayé de définir à la population le concept de la réconciliation, en le qualifiant de solution «incontournable.» Une autre définition: «La réconciliation est plus profonde et précise que la concorde». Mais cette dernière ne «sera point un feu vert pour le retour à la situation qui a précédé la crise». Plus explicite, Bouteflika, écarte d'une manière définitive le retour du FIS dissous sur la scène politique. Même si certains leaders du parti dissous se sont prononcés pour le projet de charte. L'immunité à l'Armée nationale populaire «Votre appui, me permettra de garantir, une fois pour toutes, l'immunité de l'armée», a précisé le président de la République, le 20 août à Skikda. Dans tous ses discours, Bouteflika n'a cessé de défendre l'armée. «Au nom du peuple on fera barrage aux spéculations et aux campagnes qui ont pour but de discréditer l'armée». Le président a dans une première sortie précisé que des corps constitués sont contre la réconciliation nationale. Toutefois «ils ont peur que le jour où la paix regagne le pays, on leur demande de retourner chez eux. Non, on ne fera pas, cela». Cette déclaration faite par Bouteflika à Béchar, n'a mystérieusement suscité aucune réaction. Le président a reproché aussi aux parties à l'intérieur du pouvoir leur opposition à son projet. Mais fort des 85% du suffrage enregistré le 8 avril 2004, le président demeure déterminé à faire front à toutes ces oppositions. Traité d'amitié: les conditions du président Les relations algéro- françaises ont marqué cette première semaine de campagne. C'est ainsi que le président ne semble rater aucune occasion pour critiquer le jeu trouble des Français et exiger de l'ancien colonisateur de reconnaître ses crimes contre l'humanité commis contre le peuple algérien. A Béchar, le président a même laissé entendre que le traité d'amitié n'aura aucune nécessité si la France ne fait pas ce pas. «Ce n'est point une vengeance, mais nous aspirons à la paix, il faut rendre à César ce qui lui appartient.» La France estime qu' il faut laisser le soin aux historiens de débattre cette question. Chlef, Ouargla, Oran, Constantine, Lagouat, Tizi Ouzou, Batna et Alger sont les autres wilayas qui accueilleront le président dans le cadre de sa campagne. D'autres tabous seront certainement brisés par le président.. avec d'autres révélations peut-être.