Le président de la République a abordé plusieurs dossiers chauds sans aller au fond des choses. Pour son premier Conseil des ministres post-électoral, le président Bouteflika est revenu sur le thème central de sa campagne électorale en affirmant vouloir consolider “la paix et la réconciliation nationale, le raffermissement de l'unité nationale, la promotion des libertés démocratiques, des droits de l'homme, de la liberté de la presse, ainsi que l'égalité constitutionnelle entre les hommes et les femmes”. Tout un programme. Mais dans les faits, les choses restent floues et beaucoup d'interrogations subsistent. La commission Ksentini s'ouvre à la société civile Lors du Conseil des ministres, tenu ce mardi, le seul point détaillé concerne l'élargissement de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'homme. La commission, lancée en 2001, devrait voir ses attributs renforcés à la faveur d'un projet de loi que le gouvernement devrait présenter. La commission, toujours placée sous la tutelle de la présidence de la République, devrait être ouverte au mouvement associatif et aux personnalités. Toutefois, le projet de loi ne précise pas de quelles associations ni de quelles personnalités il s'agit. Lorsqu'on sait que ce genre d'institutions sont financées par la présidence de la République, l'on craint que cela bénéficie aux associations ayant soutenu le Président lors de sa campagne électorale. Une sorte de rétribution pour services rendus. La logique aurait voulu que si ouverture réelle et sincère il y a, elle devrait concerner les associations qui se sont toujours battues pour les droits des femmes, les libertés individuelles et syndicales. Il en est de même pour le choix des personnalités qui devraient être nommées au sein de cette institution. Le président Bouteflika ira-t-il les puiser dans l'opposition ? Ou se contentera-t-il de gratifier ses courtisans ? Attendons pour voir. L'actuel président de la commission, Me Farouk Ksentini, qui garde toujours sa fonction d'avocat, fera-t-il les frais de cette nouvelle configuration de la commission ? Ses multiples sorties médiatiques indiquent qu'il y a de la concurrence dans l'air. D'autant plus que le prochain président de la commission devrait être élu par ses pairs. D'autres avocats sont montés au créneau, ces derniers temps, pour faire valoir leurs compétences, à l'image de Me Fatma Benbraham, qui s'est particulièrement illustrée en défendant des causes comme celle de harragas, de la prostitution ou encore l'affaire Scharbook. Elle pourrait bien prendre la place de Me Ksentini, d'autant plus que le président Bouteflika s'est engagé à promouvoir la place de la femme dans les cercles de décision. Jusqu'où ira la réconciliation nationale ? Le Président est également revenu sur la consolidation de la réconciliation nationale, sans pour autant en préciser les contours. Durant sa campagne électorale, Bouteflika avait ouvert certaines pistes, notamment celle de l'amnistie générale qui devrait être l'aboutissement de tout le processus en cours et qui ne devrait être effective, selon le chef de l'Etat, qu'une fois que tous les terroristes auront déposé leurs armes. Le Président avait également exigé que les terroristes demandent pardon pour leurs actes avant de prétendre à l'amnistie générale. La dernière sortie de Abderrezak El-Para, depuis son lieu de détention, constitue un début de réponse à cette exigence, même si El-Para s'est contenté de regrets. Mais c'est déjà un début, par rapport à l'attitude arrogante d'un Madani Mezrag qui a toujours refusé de demander pardon, estimant qu'il avait “mené un combat juste”. Les choses semblent s'accélérer, au lendemain du scrutin présidentiel et les redditions se multiplient, ainsi que les sorties publiques des repentis, laissant présager une reddition de grande envergure pour bientôt. Mais sera-t-il suffisant pour justifier le recours à l'amnistie générale ? Le président Bouteflika avait affirmé qu'il n'était pas pressé pour décréter l'amnistie générale. Il avait même laissé entendre que celle-ci pourrait ne pas se réaliser sous son règne. Liberté de la presse, entre les paroles et les faits La promotion de la liberté de la presse figure, également, dans les priorités du président Bouteflika. Mais de quelle liberté s'agira-t-il ? Lorsqu'on constate que chaque jour qui passe des journalistes et des directeurs de publication sont convoqués ou condamnés par les tribunaux, et lorsqu'on constate que le champ audiovisuel reste fermé à double tour, que la publicité étatique reste monopolisée, au lieu de faire jouer la saine concurrence et que l'agrément de nouveaux journaux relève du miracle, pour ceux qui ne prêtent pas allégeance au palais d'El-Mouradia, l'on ne peut qu'être sceptiques. À moins que le chef de l'Etat ne décide – comme ne cesse de l'appeler la corporation des journalistes et même les juristes – de dépénaliser le délit de presse, comme premier geste de concrétisation de ses engagements, force est de reconnaître que son programme en faveur de la liberté de la presse relève plutôt et jusqu'à preuve du contraire du vœu pieux. AZZEDDINE BENSOUIAH