Le président Buhari a en partie atteint son objectif, en chassant les islamistes des localités qu'ils contrôlaient, mais les attaques et les attentats-suicides contre des civils et des militaires continuent à semer la terreur au quotidien. La multiplication des conflits et l'insécurité au Nigeria feront partie des grands enjeux de l'élection présidentielle prévue en février 2019, à laquelle Muhammadu Buhari a déjà annoncé son intention de se représenter. La promesse de l'ancien général, âgé de 75 ans, de mettre fin à l'insurrection terroriste de Boko Haram, dans le Nord-Est, avait largement contribué à sa victoire en 2015. A moins d'un an de la prochaine échéance électorale, de nouveaux défis sécuritaires seront au coeur de la campagne dans le pays le plus peuplé d'Afrique, avec plus de 180 millions d'habitants. Outre Boko Haram, les affrontements entre agriculteurs sédentaires et éleveurs nomades, qui secouent, depuis des mois, les Etats du centre, pourraient influer de façon significative sur le scrutin. Ailleurs, la grande criminalité et les enlèvements contre paiement d'une rançon ont connu une recrudescence, notamment dans le Nord, tandis que les tensions persistent dans le Sud-Est, où des mouvements séparatistes pro-Biafra contestent l'autorité d'Abuja. Au cours de l'année qui a précédé les dernières élections, Boko Haram était à l'apogée de sa puissance, s'emparant de territoires entiers dans le Nord-Est face à une armée sous-équipée et impuissante. Pour beaucoup, M. Buhari, qui a dirigé un gouvernement militaire dans les années 1980, représentait alors le seul espoir de mettre fin au conflit, qui a fait au moins 20 000 morts depuis 2009, dans la région du lac Tchad. Il a en partie atteint son objectif, en chassant les islamistes des localités qu'ils contrôlaient, mais les attaques et les attentats-suicides contre des civils et des militaires continue à semer la terreur au quotidien. Fin février, l'enlèvement de plus d'une centaine de jeunes filles dans un internat à Dapchi, dans l'Etat de Yobe (Nord-Est), a encore une fois démontré que leur capacité de nuire restait immense. Malgré les progrès réalisés, «il est juste de dire que le président Buhari n'a pas tenu sa promesse de vaincre Boko Haram durant son premier mandat», pensent de nombreux Nigérians. M. Buhari, un Peul originaire du Nord majoritairement musulman, avait obtenu un soutien massif dans sa région natale il y a trois ans. Il devrait y conserver une assise confortable, le vote ethnique et religieux restant déterminant au Nigeria. Mais le chef de l'Etat est aujourd'hui très critiqué pour sa gestion de la crise entre éleveurs nomades et agriculteurs sédentaires dans les Etats de Benue, Taraba, Nasarawa, Plateau et Kogi, où plusieurs centaines de personnes ont été tuées depuis le début de l'année. Or ce sont des Etats-clés, points de rencontre entre le Nord musulman et le Sud majoritairement chrétien, dont l'électorat oscille, selon les élections, entre les deux principaux partis, le Peoples Democratic Party (PDP) et le All Progressive Congress (APC, au pouvoir). A Benue, un Etat APC, un représentant des chefs tribaux, Edward Ujege, a affirmé que Muhammadu Buhari «ne méritait pas un seul vote (...) parce qu'il n'a pas réussi à nous apporter la sécurité». Le conflit séculaire pour l'accès à la terre et à l'eau a pris ces derniers mois une dimension identitaire, l'ethnie locale des TIV accusant les éleveurs peuls de saccager leurs fermes et obligeant la plupart d'entre eux à quitter la région. Buhari «ne devrait même pas venir ici faire campagne», estime pour sa part le président de l'Organisation des jeunes Tiv, Timothy Hembaor, qui se dit prêt à soutenir le gouverneur de Benue s'il quittait l'APC, comme beaucoup le prédisent.