Les businessmen, les usurpateurs et les partisans du statu quo. Chaque jour un peu plus explicite, Bouteflika dévoile petit à petit son projet de charte pour la paix et la réconciliation nationale. Depuis son discours devant les cadres de la nation, le 14 août, jusqu'à son meeting de Chlef, jeudi dernier, on sait un peu plus sur ce qu'il insinuait «entre les lignes» sur les «équilibres à respecter» et la stratégie des petits pas qu'il a menée à ce jour. «Si le mal est tombé dans son immensité, le médicament se prend par petites doses», a-t-il répété à Chlef. «La Constitution consacre l'islam comme religion d'Etat, et nous n'avons nullement besoin d'un Etat théocratique (...) Maintenant, s'il y a des sons contre cette vision (d'aller vers une réconciliation par petites stratégie, ndlr) je leur dis que je suis bien placé pour savoir ce qui se passe au sein du pouvoir et dans les sphères de l'Etat», avait-il encore dit à Chlef en gardant bien pour lui ce qui se cache derrière cette formule. Poussant encore plus loin, ses idées, il ajoute: «La réconciliation nationale n'est pas acceptée par certains, y compris au sein même du pouvoir, parce qu'elle n'arrange pas les affaires des trabendistes, ceux qui pratiquent le business politique et ceux qui ont usurpé le pouvoir (...) ils sont tous partisans du statu-quo.» Pour contrer cette forme d'adversaires, sans nom, ni visage pour le commun des Algériens, le président de la République a appelé à une «participation massive, efficace et convaincante» au référendum du 29 septembre prochain, assurant qu'il respectera la décision du peuple «quelle qu'elle soit», ajoutant que si le peuple vote oui «je serais au rendez-vous.» La dernière phrase est à saisir au vol sur les dispositions de Bouteflika d'aller plus loin encore dans sa politique de paix et de réconciliation. Dans tous les sens. Mais, bien entendu, c'est bel et bien son mot contre «les usurpateurs du pouvoir» qui reste le best-of de son périple dans l'Ouarsenis. Accusation forte, s'il en est, chargée d'images du passé et lourde de sens. Bouteflika semble avoir pris un chemin périlleux en procédant à une réconciliation qui consacre l'amnistie, l'extinction des poursuites contre les repentis et les islamistes recherchés et les remises de peine pour ceux qui sont en prison. Introduite dans un contexte de guerre totale contre le terrorisme, ces mesures ne plaisent pas aux tenants du tout-sécuritaire, engagés dans une voie que le président remet en cause aujourd'hui avec la conviction que les choses doivent impérativement changer. L'évolution du discours de campagne du président ressemble à une exégèse de la charte. Attaques frontales, précisions, accusations, mises à l'index, désavoeux et appuis sont apportés chaque fois aux paragraphes de la charte qui paraissaient obscurs, flous vagues ou mal définis. Lecture à double, voire à triple sens, cryptage des formules, flous artistiques et contours indistincts, la charte semble avoir été sciemment et délibérément entourée de zones d'ombre, qui s'évaporent à mesure que le président avance dans ses idées. On devine bien qu'elle soit toute faite, qu'elle a besoin d'un consensus large, d'une adhésion populaire très forte, «convaincante», comme il l'a qualifiée, pour aller plus loin. Ce qui confirme qu'il reste encore une dernière étape, ultime et définitive, que le président de la République mettra en forme, aussitôt le «quitus populaire» du 29 septembre en poche. On devine aussi que beaucoup de responsables auront, alors, du souci à se faire.