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Un moudjahid de la plume s'en est allé sans bruit
ABDELKRIM CHITOUR
Publié dans L'Expression le 28 - 04 - 2018

Chitour Abdelkrim (au centre deuxième accroupi après Omar Boudaoud) et les élèves de l'Ecole des cadres de la Fédération de France du FLN
«Alif Lam Mim, la connaissance de l'Heure est auprès d'Allah; et c'est Lui qui fait tomber la pluie salvatrice; et Il sait ce qu'il y a dans les matrices. Et personne ne sait ce qu'il acquerra demain, et personne ne sait dans quelle terre il mourra. Certes, Allah est Omniscient et Parfaitement Connaisseur» Coran Sourate Loqman Verset 34
Abdelkrim Chitour s'est éteint à un âge respectable de 92 ans. Cependant, il nous a paru utile de retracer son parcours à travers trois haltes pour tenter de cerner la personnalité de ce patriote au long cours qui, au final, laissera, je l'espère, une trace qui servira de repère au même titre que les géants d'une révolution qui fut dure avec ses enfants, mais qui fut épique par le souvenir qu'elle a laissé au monde.
Abdelkrim Chitour, nom de guerre Kimi, est avant tout un intellectuel, bachelier en philosophie, venu à la révolution avec tout ce que cela comporte d'abandon de situation sociale. Il s'engagea dans la lutte de libération. Comme tous les Algériens intellectuels Abdelkrim a adhéré jeune au PPA. Il fut un témoin des massacres de Sétif de 1945, étant élève au lycée Eugène Albertini, (qui deviendra Lycée Mohamed Kerouani). Son caractère se forgea et il en garda une marque indélébile qui lui fit naturellement s'inscrire au PPA. Quittant l'Algérie il alla à Paris et réussit dans ses années cinquante à entrer à la radio, au point d'animer chaque matin, une émission en berbère en s'adressant avec un retentissant «Svah el khir à Yama» «Bonjour maman» Cette maman de l'Algérie profonde qui gardait à l'instar de toutes les mamans le contact avec son fils.. Ce sera tout naturellement qu'il s'engagea dans la révolution au sein de la Fédération de France et y apporta sa conviction au service de la libération du pays.
L'engagement dans la Fédération de France
L'histoire de la Fédération de France, reste à écrire, certes il y eut les deux ouvrages les plus connus,d'abord celui de Omar Boudaoud Du PPA au FLN, mémoires d'un combat paru aux Editions Casbah, il y eut aussi l'ouvrage exhaustif de Maître Ali Haroun numéro deux de la Fédération de France: La septième wilaya. Ces deux ouvrages de référence décrivent toutes les actions de la Fédération de France, à la fois en termes d'encadrement, de mobilisation des Algériens en terrain hostile (France), la collecte de l'argent le nerf de la guerre, grâce notamment à la mise en place et la coordination des différents réseaux, notamment ceux bien connus, le réseau Jeanson et le réseau Curiel, avec les hommes et les femmes européennes qui ont cru en la révolution. Omar Boudaoud et Ali Haroun rapportent que 80% du financement de la révolution se fera à partir de la Fédération FLN de France, niant de ce fait les propos de Ben Bella minimisant l'apport de la 7e Wilaya historique à la marche de la révolution.La Fédération de France, c'est aussi le soutien aux détenus et l'octroi de subsides à leurs familles, ce sera l'encadrement, la mise en place d'un collectif d'avocats algériens, français, belges, dirigés par plusieurs militants dont Aboubekr Belkaid, ces réseaux étant coordonnés par Ali Haroun.
La Fédération c'est aussi la lutte contre le MNA, mais aussi le ciblage des intérêts économiques en France: le CCE dont dépendait la Fédération de France arrêta la date du 25 août 1958, 242 attaques avec 181 objectifs parmi les plus médiatisés comme les raffineries et dépôts d'essence. Omar Boudaoud raconte que les leaders Nasser et Bourguiba après avoir refusé de recevoir les dirigeants algériens comprirent après les actions d'éclat du FLN en France que la révolution était irréversible et changèrent d'avis et reçurent les dirigeants avec considération. Il écrit: «(...) le colonel Saout el Arab commandant de la wilaya II devait nous dire plus tard: L'ALN se trouvait alors au creux de la vague. Les actions du 25 août l'ont revigorée'' (...) Quelques semaines plus tard à Tunis, Ben Tobbal me déclara: «Vous nous avez fait honneur «Hammartouna wajhna». (1)
Ali Haroun interviewé raconte comment ces révolutionnaires de la 7e Wilaya historique prirent contact avec les sympathisants allemands pour donner à la révolution une aura européenne à proximité de la France: «Ils étaient six, Ali Haroun, Abdelkrim Chitour, Benyahia Belcacem, Aziz Ben Miloud et Kaddour La RFA écrit Nassima Bougherara dans une magistrale étude sur les rapports franço-allemands à l'épreuve de la question algérienne, était certes soucieuse de ne pas les laisser à l'endoctrinement communiste, et pour cela il fallait ménager, aussi, un contre-feu occidental épargnant relativement le FLN en Allemagne. Mais la RFA navigua à la godille: d'un côté, elle accepta la présence, chez elle, du FLN -notamment sous couvertures officielles tunisiennes. Elle laissa faire l'organisation de la logistique, du financement, et du trafic d'armes pour le même FLN. Et elle eut à subir, contre lui, les attaques des services français contre les nationalistes algériens, et l'arraisonnement de navires allemands transportant des armes pour le FLN. D'un autre côté, elle se crut tenue de sévir ponctuellement en arrêtant et expulsant tels responsables du front.» (2)
«Nos premiers contacts rapporte Ali Haroun, très utiles, furent ceux établis en 1958 au Congrès du SPD sous la présidence d'Eric Hollenhauer. Nous avions été invités comme observateurs par Hans Jurgen Wischnewsky qui était jeune député à l'époque. Nous avions des cartes d'accès et nous étions en haut dans les tribunes allemandes. Ali Haroun, Abdelkrim Chitour, Benyahia Belcacem, Aziz Ben Miloud et Kaddour Ladlani. H. J. Wischewnevsky a pris la parole et à parlé des rapports franco-allemands. A la fin de son discours il a remercié les représentants de la Résistance algérienne et du FLN présents dans la salle, les membres français de la SFIO ont protesté. Ils lui ont demandé de retirer ses propos; il les a maintenus, ils sont alors sortis de la salle.» (2)
Une action de taille à l'actif de la Fédération sera la formation intensive des cadres. Ces cadres seront après l'indépendance des dirigeants d'envergure. L'Ecole fut créée début 1959, son siège nous fut gracieusement fourni par nos amis des Jeunesses socialistes allemandes «Die Falken» à Hagen (Rhénanie Wesphalie)». Abdelkim Chitour (kimi) sera l'un des professeurs. Omar Boudaoud écrit: «Les cours étaient assurés par la Commission presse et information; Ali Haroun, Aziz Benmiloud, Abdelkrim Chitour, Belkacem Benyahia, Zine El Abidine Moundji et Salim (Houcine Bouzaher). Chacun d'eux avait rédigé un cours sur un sujet donné et l'ensemble relié constituait une somme de connaissances que le cadre était censé avoir acquis durant le stage (...)» (3)
Après l'Allemagne, Abdelkrim Chitour rejoint la Tunisie où il fut directeur de cabinet de Larbi Ben Tobbal, ministre de l'Intérieur du GPRA. Il sera au plus prêt de la direction de la révolution Après l'indépendance il rentre au pays et se consacre aux affaires étrangères.
Les affaires étranges comme il se plaisait à le dire sans aller plus loin, par pudeur et par respect pour tous ceux qui croyaient en l'Algérie malgré les logiques personnelles
Au service d'une diplomatie lumineuse
Un troisième volet d'une carrière riche est celui de participer à une diplomatie active, héritière de l'aura de la Révolution qui faisait que la voix de l'Algérie portait aux quatre coins du monde et naturellement en Afrique.
Abdelkrim Chitour a durant sa longue carrière dans la diplomatie, occupé tous les postes prestigieux. L'Algérie devait ne pas se tromper dans le choix de l'ambassadeur d'Algérie en France. Abdallatif Rahal professeur de mathématiques, diplomate révolutionnaire qui n'est pas à présenter sera le premier ambassadeur de l'Algérie indépendante après 132 ans de colonisation abjecte. Il sera secondé par Abdelkrim Chitour numéro deux à Paris dans l'ordre protocolaire. Une photo le montre avec De Gaulle et Rahal lors de la présentation des lettres de créance. Une anecdote rapportée est que De Gaulle s'est fait répéter deux fois le nom de Chitour le prenant pour un Français, il faut dire que Abdelkrim portait beau, des cheveux blonds, et des yeux bleus... une prestance qui fera de lui un diplomate lumineux.
Cette photo est unique à plus d'un titre celle d'imposer à l'ancienne puissance coloniale le respect au point de s'afficher ensemble dans l'égale dignité des Etats et des Hommes. Cette photo donna aussi des motifs de fierté dans la famille, où on ne tarissait pas d'éloges à l'égard de ce fils de la Kabylie profonde (Ighil Ali) qui, après avoir été pourchassé, - la Main rouge a plastiqué la voiture dans laquelle il se trouvait avec un responsable important de la Fédération de France - s'imposait à eux. Il rendait justice quelque part à ses arrière-grands-parents chassés dans les montagnes pendant la période du talon de fer des années 70 du XVIIIe siècle.
Abdelkrim Chitour eut à occuper pendant de longues années le poste prestigieux de directeur de la division Europe Amérique, à une époque où l'Algérie récemment indépendante devait soigner sa visibilité dans le concert des nations. Ce fut l'époque des grandes mutations, notamment celles des décolonisations de l'Afrique, de l'émergence du Mouvement des non-alignés et notamment du Nouvel Ordre international plaidé par Boumediene à la tribu des Nations unies, mais aussi celle de l'ascension de l'Opep.
Il a fallu attendre le début des années quatre vingt, pour que Abdelkrim Chitour entame une nouvelle carrière à l'étranger en tant d'abord numéro deux avec Lakhdar Brahimi à Londres puis en tant qu'ambassadeur au Portugal, en Argentine et en Suède. Il y laissa un souvenir d'un homme pétri de culture qui força le respect des ambassadeurs accrédités dans ces différents pays Abdelkrim Chitour s'est retiré sans bruit sans s'accrocher à une quelconque bouée. Il partit dignement cultiver son jardin auprès de sa femme et de ses enfants en ayant la conviction d'avoir fait son devoir, d'avoir servi dignement son pays avant et après l'indépendance en y apportant à la fois courage pendant la guerre- il portait les stigmates de l'explosion de l'attentat à la voiture- il apporta aussi son savoir de professeur pour former les cohortes de cadres dont le FLN avait besoin en France pour structurer la lutte et lui donner un contenu idéologique. Il eut à travailler en étroite amitié avec les responsables de la Fédération de France, notamment Omar Boudaoud, Ali Haroun. Une photo le montre avec une promotion de cadres formés Durant sa carrière aux affaires étrangères, il laissa un souvenir impérissable à la fois chez les anciens qui l'appréciaient pour ses convictions sans concession, et son humour décapant celui d'un homme qui a vécu et qui fait des paroles de sagesse et des bons mots du terroir son vade-mecum. Il fut un modèle pour les jeunes fonctionnaires qui devinrent par la suite des ambassadeurs, comme celui d'un personnage éclectique qui ne se prenait pas au sérieux, mais qui inspirait le respect, la considération A bien des égards, nous sommes tous autant que «nous sommes des nains juchés sur des épaules de géants».
Abdelkrim (Hmmidouche pour la famille) était une personne simple, toujours le mot pour rire, et qui avait une adoration pour sa mère, une de ces héroïnes de l'Algérie profonde qui faisait ployer les hommes par un caractère trempé. Jeune étudiant il m'est arrivé de «l'interroger» sur la révolution, il me répondait avec un sourire désarmant:
«J'a vécu» c'est à la fois un point final élégant à une non-réponse, mais aussi une récapitulation d'une révolution avec ses heurs et malheurs, qui mangea beaucoup de ses enfants parmi les plus braves.
Son parcours me rappelle ces vers de Jean Valjean de l'immense Victor Hugo
«Il dort. Quoique le sort fut pour lui bien étrange,
Il vivait. Il mourut quand il n'eut plus son ange.
La chose simplement d'elle-même arriva.
Comme la nuit se fait lorsque le jour s'en va».
1. Omar Boudaoud: Du PPA au FLN, Mémoires d'un Combattant. P 173 Editions Casbah 2007
2. Nassima Bougherara Les rapports franco-allemands à l'épreuve de la question algérienne (1955-1963) Editeurs Peter Lang, Berne, 2006,
3. Omar Boudaoud. Ibid p120


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