Ce genre de rencontres doit dépasser le cadre conjoncturel. Les patrons de presse seront, demain, les hôtes d'Ahmed Ouyahia. Ce rendez-vous, est-il besoin de préciser, revêt un caractère officiel puisque les directeurs de journaux vont être reçus par le n°1 de l'Exécutif en son siège. L'autre caractéristique de cette rencontre pouvoir-presse, tient au fait que c'est la première du genre depuis notamment, l'avènement de la réélection du président Bouteflika à la magistrature suprême du pays. En effet, hormis quelques brèves entrevues ayant regroupé les directeurs de publication avec l'ex-ministre de la Communication, M.Boudjemaâ Haïchour, et dont l'objectif n'était autre que celui de traiter de la situation socioprofessionnelle de la corporation de la presse écrite, aucune autre rencontre programmée à un niveau aussi élevé de l'Etat n'a vu le jour. Les contacts entrepris avec M.Haïchour, même s'ils étaient annonciateurs d'une perspective encourageante quant à la prise en charge des difficultés dans lesquelles se débat quotidiennement la presse écrite, n'ont vraisemblablement pas eu l'effet escompté, ni de la part de la corporation ni du côté du pouvoir en place. D'ailleurs, depuis le départ de Boudjemaâ Haïchour du poste de ministre de la Communication - poste qui demeure vacant à ce jour - il y a une sorte d'éloignement entre la presse et le pouvoir. Chacune de son côté, ces deux parties n'ont cessé depuis de se regarder en chiens de faïence. Nonobstant le fait, aujourd'hui évident, que la majorité des quotidiens adhèrent aux thèses défendues par le pouvoir, notamment la stratégie mise en branle par le chef de l'Etat, il n'en demeure pas moins que la presse nationale continue de faire l'objet de nombreuses contraintes. Celles-ci se traduisent entre autres, par le harcèlement judiciaire qui continue de sévir à l'endroit des journaux et surtout des journalistes, les difficultés d'accès aux sources de l'information ainsi que d'autres contraintes de nature administrative ou autre. Autrement dit, l'épée de Damoclès est toujours là. Des représailles de mauvais goût au moindre «dérapage» sont toujours à craindre. S'agissant de l'évolution de la situation socioprofessionnelle de la presse nationale, celle-ci laisse encore à désirer, le moins qu'on puisse dire. Le fonds d'aide à la presse d'un montant de 80 milliards de centimes n'est toujours pas mis à la disposition des concernés. Idem pour le montant de 5 millions d'euros, alloués par l'UE à la presse algérienne en guise d'assistance financière. Cependant, la véritable pomme de discorde entre le pouvoir et la presse nationale demeure sans aucun doute l'incarcération, depuis le 14 juin 2004 à ce jour, de Mohamed Benchicou, ex-directeur de l'ex-publication Le Matin. Ce détenu de la prison d'El-Harrach comparaîtra pour la énième fois ce mercredi à la cour d'Alger pour neuf procès intentés contre sa personne. Le nouveau code pénal, qui fait état d'une peine d'emprisonnement pour diffamation, est un autre sujet de discorde entre la presse et le pouvoir. La mouture du code pénal a été confectionnée en 2001 par Ahmed Ouyahia alors qu'il était ministre de la Justice, et c'est aujourd'hui en sa qualité de chef du gouvernement qu'il sollicite la presse pour un rapprochement. Il va sans dire que la rencontre d'Ahmed Ouyahia avec les patrons de la presse, intervient en pleine campagne pour le projet de charte pour la paix et la réconciliation nationale. Il serait donc question, au cours de cette rencontre, estime-t-on, de sensibiliser les directeurs autour de ce projet initié par le président de la République. Cependant, il y a lieu de souligner enfin, que ce genre de rencontre doit dépasser le cadre conjoncturel pour atteindre un niveau où le contact entre les gens du pouvoir et la presse sera établi de manière permanente. Cela d'autant plus que la presse en tant qu'acteur de la société est indéniablement le baromètre des aspirations du peuple.